L’Encyclopédie/1re édition/ARCS DE TRIOMPHE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 600-601).
ARCACHON  ►

* Arcs de triomphe (Hist. anc. & mod.) ; grands portiques ou édifices élevés à l’entrée des villes ou sur des passages publics, à l’honneur d’un vainqueur à qui l’on avoit accordé le triomphe, ou en mémoire de quelque évenement important. On élevoit aussi des arcs de triomphe aux dieux. Une inscription conservée dans les registres de l’hôtel-de-ville de Langres, montre que dans ces monumens on associoit même quelquefois les hommes aux dieux : voici cette inscription.

Q. Sedulius fil. * * filius.
Seduli major
Dis maris ac
Aug. * arcum * Augusto.
Statuas idem
M.* d. d. * munus ou municeps dedicavit.

Quintus Sedulius fils aîné d’un autre Sedulius, a dédié aux dieux de la mer & à Auguste l’arc de triomphe & les statues.

Ces édifices étoient ordinairement décorés de statues & de bas-reliefs, relatifs à la gloire des dieux & des héros, & à la nature de l’évenement qui en avoit occasionné la construction. Plusieurs arcs de triomphes des Anciens sont encore sur pié : celui d’Orange, qui fait une des portes de cette ville, fut érigé, à ce qu’on croit, à l’occasion de la victoire de Caius Marius & de Catulus sur les Teutons, les Cimbres & les Ambrons. On en peut voir dans les antiquités du savant Pere Montfaucon, un dessein fort exact : cet arc a environ onze toises de long, sur dix toises en sa plus grande hauteur. Il est composé de trois arcades embellies en-dedans de compartimens, de feuillages, de fleurons & de fruits, & filetées avec soin. Sur l’arcade du milieu est une longue table d’attente, & la représentation d’une bataille de gens de pié & de cheval, les uns armés & couverts, les autres nuds. Sur les petites portes des côtés des quatre avenues sont des amas de boucliers, de dagues, coutelas, pieux, thrombes, heaumes & habits, avec quelques signes militaires relevés en bosse. On y voit aussi d’autres tables d’attente, avec des trophées d’actions navales, des rostres, des acrostyles, des ancres, des proues, des aplustes, des rames, & des tridens. Sur les trophées du côté du levant est un soleil rayonnant dans un petit arc semé d’étoiles ; au haut de l’arc, sur la petite porte gauche du septentrion, sont des instrumens de sacrifices ; à la même hauteur, du côté du midi, est une demi-figure de vieille femme, entourée d’un grand voile comme l’éternité. Les frises principales sont parsemées de soldats combattans à pié. Il résulte de cette description, que cet arc triomphal a été construit à l’occasion de deux victoires, l’une sur mer & l’autre sur terre, & qu’il y a tout lieu de douter que ce soit celui de Caius Marius & de Catulus.

Il y a à Cavaillon les ruines d’un arc de triomphe ; à Carpentras les vestiges d’un autre ; à Rome celui de Tite est le plus ancien & le moins grand de ceux qui subsistent dans cette ville. Celui qu’on appelloit de Portugal, arco di Portogallo, a excité de grandes contestations entre les Antiquaires, les uns prétendant que c’étoit l’arc de Domitien, d’autres celui de Marc-Aurele : mais Alexandre VII. se proposant d’embellir la rue qu’on appelle il corso, fit examiner cet arc qui la coupoit en deux. On reconnut que la structure en étoit irréguliere dans toutes ses parties ; que les ornemens n’en avoient entr’eux aucun rapport, & que le plan & le terrein sur lequel il étoit construit ne s’accordoient point avec les anciens ; d’où l’on conclut que cet édifice étoit moderne, qu’on l’avoit formé de bas-reliefs, de marbres antiques, & d’autres morceaux rassemblés au hasard ; & il fut détruit.

Il y a deux arcs de Severe, le grand & le petit : le grand est au bas du capitole. Le Serlio a prétendu que c’étoit aussi un amas de ruines différentes rapportées : mais la conjecture de cet architecte est hasardée. Voyez cet arc & ses ruines fig. 3. & 4. Pl. III. de nos Antiquit. Il est à trois arcades. Dans les bas-reliefs qui sont au-dessus des petites arcades de côté, on voit Rome assise, tenant en sa main un globe, & relevant un Parthe suppliant. Viennent des soldats, dont les uns menent un captif & les autres une captive, les mains liées. Sur le milieu est une femme assise, qu’on prendroit aisément pour une province. Suivent des chariots chargés de dépouilles, les uns tirés par des chevaux, les autres par des bœufs. Ce bas-relief sert pour ainsi dire de base à un autre, où l’on voit Septime Severe triomphant & accueilli du peuple avec les acclamations & les cérémonies ordinaires.

Le petit arc de Severe qui est auprès de S George in velabro, à Rome, a quelques morceaux d’architecture remarquables. On voit sur un des petits côtés Severe qui sacrifie en versant sa patere sur le foyer d’un trépié : ce prince est voilé On croit que la femme voilée qui est à ses côtés, est ou sa femme Julia, ou la Paix avec son caducée. Il y avoit derriere, une troisieme figure qui a été enlevée au ciseau ; c’étoit Geta, spectateur du sacrifice. Après que Caracalla son frere l’eut tué, il fit ôter sa figure & son nom des monumens publics. Au-dessous de ce sacrifice sont des instrumens sacrés, comme le bâton augural, le préféricule, l’albogalerus, &c. Plus bas encore est l’immolation du taureau ; deux victimaires le tiennent, un autre le frappe. Le tibicen joue des deux flûtes. Camille tient un petit coffre. Vient ensuite le sacrificateur voilé avec une patere ; ce sacrificateur sans barbe pourroit bien être Caracalla. Le grand morceau qui suit est entre deux pilastres d’ordre composite. Sur la corniche entre les chapiteaux il y a deux hommes, dont l’un verse de son vase dans le vase de l’autre. Deux autres plus près des chapiteaux tiennent, l’un un préféricule, & l’autre une acerre. Plus bas sont deux captifs, les mains liées derriere le dos, & conduits par deux soldats. Au-dessous sont des trophées d’armes ; & plus bas un homme qui chasse des bœufs. C’est tout ce qu’on apperçoit dans la planche du Pere de Montfaucon.

L’arc de Galien se ressent un peu des malheurs du tems de cet empereur. L’empire étoit en combustion. Les finances étoient épuisées. Les particuliers avoient enterré leurs richesses. Marc-Aurele Victor fit élever ce monument en l’honneur de Galien & de Salonine sa femme. L’inscription est, cujus invicta virtus sola pietate superata est, ce qui ne convient guere à Galien, qui vit avec joie Valerien son pere tomber entre les mains des Parthes. Les chapiteaux sont d’ordre corinthien d’un goût fort médiocre. On s’apperçoit là que les arts tomboient & suivoient le sort de l’empire.

L’arc de Constantin est un des plus considérables ; on y voit les batailles de Constantin, & il est orné de monumens transportés du forum Trajani ; c’est celui de notre Planche III. d’Antiq. fig. 1. & 2. les têtes & les mains qui manquent aux statues posées sur le haut de l’arc, ont été enlevées furtivement.

L’arc de Saint-Remi en Provence n’a qu’une porte large, au-dessus de laquelle, & sur chaque côté, on a placé une victoire. Il y a à côté de la porte entre deux colonnes cannelées, deux figures d’hommes maltraitées par le tems.

Outre ces arcs de triomphe anciens, les médaillons en offrent un grand nombre d’autres. Ceux qui seront curieux d’en savoir davantage, n’auront qu’à parcourir le quatrieme volume de l’Antiq. expliquée.

Mais les modernes ont aussi leurs arcs de triomphe ; car on ne peut donner un autre nom à la porte de Peyro à Montpellier, aux portes de saint Denys, de saint Martin, & de saint Antoine à Paris. Outre les arcs de triomphe en pierre, il y a des arcs de triomphe d’eau ; tel est celui de Versailles, du dessein de M. le Nautre. Ce morceau d’architecture est un portique de fer ou de bronze à jour, où les nuds des pilastres, des faces & des autres parties renfermées entre des ornemens, sont garnis par des nappes d’eau.