L’Encyclopédie/1re édition/BERNACLE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 210).
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BERNACLE, oiseau. Voyez Cravant. (I)

Bernacle, s. f. concha anatifera, (Hist. nat.) coquillage, dont la coquille est composée de cinq pieces. M. Needham la décrit dans ses nouvelles observations microscopiques. Cette production se trouve dans la mer : on y peut distinguer trois parties différentes ; le pédicule, la coquille, & l’animal qui est renfermé dans la coquille. Le pédicule est une sorte d’étui cylindrique qui a jusqu’à six pouces de longueur, il est noirâtre & compact : c’est par l’une des extrémités de cette sorte de pédicule, que le bernacle adhere aux rochers & aux vaisseaux. Le diametre de la cavité du pédicule n’est pas proportionné à celui de la circonférence extérieure, parce que le tuyau est formé par plusieurs membranes composées de fibres longitudinales qui s’étendent quelquefois au double de leur longueur ordinaire. Lorsque ces fibres se dessechent après la mort de l’animal, elles se durcissent, & deviennent rudes & grenues comme du chagrin. « La coquille tient au pédicule, elle paroît être bivalve en apparence : mais si on l’examine un peu attentivement, on découvre bientôt que chacun de ses côtés est composé de deux pieces adhérentes l’une à l’autre par une fine membrane, qui en tapisse toute la surface concave, & qui s’insinuant entre chaque division, joint ces pieces ensemble, de façon que l’animal a l’avantage de pouvoir attirer à soi l’eau & la nourriture ; & pour cela, il n’est pas nécessaire que les deux battans de sa coquille s’éloignent l’un de l’autre, comme ceux des huîtres & des moules ; ils en sont empêchés par une charniere courbe & concave, dans les bords de laquelle ils sont engrenés, & qui s’étend au-de-là de la moitié de leur circonférence : mais ils forment un angle à chacune de leurs divisions, & par-là ils laissent entr’eux une ouverture qui a à peu près la figure d’un rhomboïde. Ainsi tout ce qui est attiré par le jeu des cornes du poisson, est aisément retenu dans cette cavité. Lorsque l’animal est tranquille, sa coquille est toûjours ouverte, parce qu’il a continuellement besoin de nouvelle eau, qu’il suce & qu’il rejette alternativement ; ce qu’on peut remarquer par le jeu de deux antennes correspondantes, qui ressemblent à celles de quelques insectes, & dont le mouvement répond assez bien à celui des oüïes des autres poissons ». Nouv. observ. microscop. pag. 220. & 221.

La tête de l’animal est au moins garnie d’une vingtaine de petites cornes ou bras de différente longueur ; lorsqu’on voit ces prolongemens par le moyen du microscope, ils paroissent frangés ; au lieu d’être rangés circulairement autour de la bouche, ils sont tous placés à côté ; lorsqu’ils se contractent, ils forment des courbes irrégulieres enfermées les unes dans les autres. Il y a plusieurs incisions sur le côté concave, & on voit dans les intervalles compris entre ces incisions, des touffes de poil assez semblables à de petites brosses. M. Needham croit que lorsque l’animal les agite soit au-dedans de sa coquille, soit au-dehors, il forme dans l’eau un courant, & que par ce moyen il attire les animalcules dont il se nourrit. La tête hérissée de ces sortes de cornes peut sortir au-dehors de la coquille, & rentrer au-dedans.

Il y a au milieu du groupe de ces cornes, précisément au-dessus de la bouche, une trompe qui renferme une sorte de langue longue & ronde, à peu-près comme celle du pivert. La bouche du bernacle est composée de six lames qui peuvent s’écarter les unes des autres, & qui sont dentelées comme une scie sur leur bord convexe ; ces lames sont disposées en cercle, & fixées par l’une de leurs extrémités ; leur arrangement est tel qu’en s’élevant & s’abaissant alternativement, leurs dents se correspondent ; elles sont appliquées les unes contre les autres, de façon qu’elles forment une ouverture plissée ; le corps du bernacle est assez ressemblant à une petite huître.

En l’ouvrant, M. Needham a trouvé dans plusieurs une excroissance bleue placée de chaque côté & immédiatement au-dessous du groupe des cornes. Ces excroissances, vûes au microscope, ont paru être un sac membraneux rempli de petits globules bleus d’une figure ovoïde & uniforme, & assez semblables au frai des autres poissons. M. Needham soupçonne que les bernacles se multiplient comme les polypes, c’est-à-dire, par une sorte de végétation : mais il ne l’assûre pas, parce qu’il n’a pas pû acquérir des preuves convaincantes sur ceux qu’il a vû morts ; cependant il en a trouvé six ou sept en groupe intimement joints ensemble par leur extrémité, & qui ressembloient plûtôt à des rejettons que produit une même racine, qu’à des branches qui naissent d’un même tronc, ou à des petits qui sortent du corps de la mere : mais il n’a pas pu déterminer si cette sorte d’union vient de ce que la multiplication de cet animal est analogue à celle du polype, ou simplement de ce que différentes portions de frai se touchent & croissent sans s’écarter les unes des autres.

M. Needham fait mention d’une autre espece de bernacles plus petite que la précédente. « On les trouve aussi adhérentes aux rochers & aux vaisseaux ; ils different principalement des autres, en ce que la coquille qui renferme immédiatement leur corps avec le pédicule sur lequel il est fixé, est logée dans une autre coquille univalve, qui a la forme d’un cone tronqué, qui s’attache contre le fond des vaisseaux, comme celle d’un gland de mer avec laquelle il est aisé de la confondre, page. 125 ». Au reste ces petits bernacles sont assez ressemblans aux grands.

M. Needham fait observer qu’il y a beaucoup d’analogie entre ces bernacles & les animalcules à roues, dont M. Leuwenhoek a découvert deux especes, & les polypes à pennaches de M. Trembley. On a appellé le bernacle, concha anatifera, parce qu’on croyoit autrefois qu’il sortoit de ce coquillage une espece de canard. Voyez Cravant. (I)