L’Encyclopédie/1re édition/CASSIS ou CASSIER

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 747-748).
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CASSIS ou CASSIER, s. m. (Hist. nat. bot.) est une des six especes de groselier de Boerhaave, ou des quatorze que compte Miller.

Le nom de cassier, ou plûtôt de cassis, qui a présentement passé en usage, lui a été donné par les Poitevins. Quelques-uns l’appellent très-improprement poivrier. La dénomination de cassier est équivoque ; celle de cassis ne méritoit guere de faire fortune. On devroit nommer cet arbrisseau groselier noir. En effet, c’est le ribes nigrum ou nigra, ribes fructu nigro, folio olente des Botanistes.

Ses feuilles sont semblables à celles de la vigne ; elles sont larges, un peu velues en-dessous, d’une odeur fétide, ainsi que ses fleurs qui naissent du même tubercule plusieurs ensemble, ramassées en grappe, & ressemblant à celles du groselier blanc épineux. Ses baies sont oblongues, noires, acides, soit qu’elles soient mûres, soit qu’elles soient vertes, d’une saveur peu agréable. Cette plante vient communément dans le Poitou & la Touraine : elle est plus rare aux environs de Paris, & on la trouve seulement auprès de Montmorency.

On la cultive dans quelques jardins, mais très-rarement, à cause de son peu d’efficace réelle en Medecine. Sa principale vertu consiste à être apéritive & diurétique : c’est pourquoi quelques auteurs prescrivent le suc exprimé de ses feuilles fraîches, leur infusion ou décoction, dans les douleurs de reins & de la vessie.

On prépare dans plusieurs boutiques d’Apothicaires un sirop, ou une conserve des feuilles ; & dans quelques maisons une gelée du fruit, qui n’a ni l’odeur, ni l’agrément de celle des groseilles rouges.

Paul Contant a vanté si fortement, si positivement les vertus du cassis pour la guérison de l’hydropisie & de la morsure des viperes, qu’il a trouvé bien des gens qui lui ont ajoûté foi. Cet Apothicaire de Poitiers est le premier qui a mis cette plante en réputation dans les provinces méridionales de France ; & par une bisarrerie qui dépend peut-être de la mauvaise odeur de ses fleurs, de ses feuilles, & du mauvais goût de son fruit, elle a trouvé de tems en tems des panégyristes qui ont du moins ressuscité la mémoire de son nom.

On vit paroître en 1712 à Bourdeaux, un petit traité intitulé Propriétés admirables du cassis, dans lequel il est vanté comme une panacée universelle pour toutes sortes de maladies. Peu de tems après, M. Chauvelin, qui a été intendant de Touraine, ensuite de Picardie, conseiller d’état, mais qui n’étoit pas medecin, s’engoüa des vertus du cassier, & répandit dans le public pour la guérison de la rage une composition, qu’on disoit éprouvée, dont les feuilles de cet arbrisseau étoient la base.

Enfin il y a environ dix ans qu’on renouvella en Guienne les anciens éloges qu’on avoit ci-devant prodigués au cassis : mais comme nous donnons avec vivacité dans les nouveautés réelles ou prétendues, nous nous en dégoûtons de même. Ces éloges tomberent l’année suivante ; la composition de M. Chauvelin contre la rage, a fait place à d’autres ; & toutes les vertus du cassis contre la morsure des viperes, l’hydropisie, la pierre, & le rhûmatisme, se sont évanoüies dans pays où on les avoit ressuscitées. Article communiqué par M. le chev. de Jaucourt.

Cassis, (Géog.) petite ville de France en Provence, avec un petit port de mer.