L’Encyclopédie/1re édition/CATÉGORIE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 774-775).
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CATÉGORIE, s. f. (Log.) ce mot signifie une classe d’êtres, ou de manieres d’être. Quoique l’on pût fort commodément distinguer toutes nos idées, en idées de substances, idées de modes, & idées de relations, Aristote jugea à propos de former dix classes, dont la premiere exprime la substance, & les autres les accidens ; savoir, la quantité, la qualité, la relation, l’action, la passion, le lieu, le tems, la situation, & enfin l’habillement. Toute cette nomenclature a été tirée par Aristote du tour & du génie de la langue Greque ; & ce philosophe a sacrifié ici la justesse de son génie à l’envie de rendre sa doctrine agréable à ses compatriotes, en leur indiquant de quoi fournir à leur babil. C’est à cette complaisance que l’on doit le livre où il explique fort au long ces dix classes, & les diverses distinctions dont elles sont susceptibles. Cette division de termes plûtôt que d’idées, a trop long-tems occupé les Philosophes, qui l’ont enrichie de leurs éclaircissemens. Porphyre surtout s’est signalé dans cette futile carriere par son traité de prædicabilibus sive universalibus. Il y parle aussi des idées des genres & des especes, sur lesquelles on ne trouve rien aujourd’hui dans Aristote. Diogene Laerce témoigne pourtant qu’il avoit écrit sur cette matiere. Le P. Rapin fait à cette occasion la remarque suivante ; savoir, que Gassendi n’auroit peut-être pas jugé la Logique d’Aristote imparfaite, par le supplément de Porphyre, qu’il a cru nécessaire pour y servir d’introduction, s’il eût fait réflexion que ce traité qui a été mis à la tête de la Logique d’Aristote, est pris de sa Métaphysique d’où Porphyre l’a tiré ; & qu’il y a apparence que ce supplément eût été inutile, s’il ne se fût rien perdu des livres de la Logique d’Aristote, dont Diogene Laerce fait mention.

Il n’y a pas long tems qu’on est revenu de ces sottises : encore a-t-il bien fallu combattre pour les détruire. On a représenté d’abord qu’elles n’étoient pas à leur place dans la Logique, puisqu’il s’y agit des relations des êtres universels, qui sont du ressort de l’Ontologie. On a ajoûté que les distinctions exprimées dans les catégories, étoient frivoles, & qu’on y discernoit la différence du propre, tandis qu’on omettoit la distinction entre l’essence & l’accident. M. le Clerc a fort bien remarqué que les catégories ne nous apprennent autre chose, sinon quelles étoient les classes d’idées dans la tête d’Aristote, & non ce qu’elles sont dans la nature des choses, & qu’ainsi ce n’est pas la peine de donner tant de tems à les étudier. Si pourtant quelqu’un desire une conviction pleine & entiere de l’inutilité des catégories, il peut encore recourir à l’Art de penser, partie premiere, chap. iij. & à M. Crouzaz dans la deuxieme partie de sa Logique. (X)