L’Encyclopédie/1re édition/CHACONNE

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CHACONNE, s. f. (Musique.) est une sorte de piece de musique faite pour la danse, dont le mouvement est modéré, & la mesure bien marquée. Autrefois il y avoit des chaconnes à deux tems & à trois : on n’en fait plus aujourd’hui qu’à cette derniere mesure. Ce sont pour l’ordinaire des chants qu’on appelle couplets, composés & variés de toutes les manieres, sur une basse contrainte de quatre en quatre mesures, commençant presque toûjours par le second tems. On s’affranchit insensiblement de cette contrainte de la basse, & l’on n’y a presque plus aucun égard. La beauté de la chaconne consiste à trouver des chants qui marquent bien la mesure, & comme elle est d’ordinaire fort longue, à varier tellement les couplets, qu’ils contrastent bien ensemble, & qu’ils réveillent sans cesse l’attention de l’auditeur. Pour cela on passe & repasse à volonté du majeur au mineur, sans quitter pourtant le ton par où l’on a commencé ; & du grave au gai, ou du tendre au vif, sans presser ni rallentir jamais la mesure.

La chaconne est née en Italie, & elle y étoit autrefois fort en usage, de même qu’en Espagne : on ne la connoît plus aujourd’hui qu’en France, dans nos opéra. (S)

Les chaconnes de Lulli ont eu autrefois, & ont encore beaucoup de réputation. Nous en avons dans d’autres opéra plusieurs qui sont estimées : celle de Sémélé de Marais, & celle de Pyrame & Thisbé de MM. Rebel & Francœur. Nous en avons trois admirables de M. Rameau ; celle des Sauvages dans les Indes galantes, celle des Fêtes de Polymnie, & celle de Naïs, dont nous parlerons tout-à-l’heure. (O)

Chaconne, s. f. (Danse.) elle tient de la danse haute, & de la danse terre-à-terre, & s’exécute sur une chaconne, ou sur un air de ce mouvement. Voy. Chaconne en Musique.

On a porté fort loin de nos jours ce genre de danse. Le fameux M. Dupré n’en a guere exécuté d’autre.

Comme les chaconnes sont composées de divers couplets ; que dans ceux du majeur on met ordinairement des traits de symphonie forts & fiers, & dans ceux du mineur, des traits doux, tendres, & voluptueux, ce danseur trouvoit dans cette variété les moyens de déveloper sa précision & ses graces.

Il y a une chaconne en action dans le premier acte de Naïs. Sur ce grand air de violons, on dispute les prix de la lutte, du ceste, & de la course. M. Dupré joüoit dans ce ballet le rôle principal : il recevoit des mains de Naïs le prix du vainqueur, & de celles du parterre les applaudissemens que mérite le plus grand talent en ce genre qu’on ait encore vû en Europe. (B)