L’Encyclopédie/1re édition/CHAINE

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* CHAINE, s. f. (Art méchan.) c’est un assemblage de plusieurs pieces de métal appellées chaînons ou anneaux, (Voyez Chaînons) engagés les uns dans les autres, de maniere que l’assemblage entier en est flexible dans toute sa longueur, comme une corde dont il a les mêmes usages en plusieurs occasions, & que les chaînons qui en forment les différentes parties ne peuvent se séparer que par la rupture. On fait de ces assemblages de chaînons, appellés chaînes, avec l’or, l’argent, l’étain, le cuivre, &c. il y en a de ronds, de plats, de quarrés, de doubles, de simples, &c. Ils prennent différens noms, selon les différens usages auxquels on les employe. C’étoit aux maîtres Chaînetiers à qui il appartenoit, privativement à tous autres ouvriers, de les travailler & de les vendre : mais les Orfévres, Metteurs en œuvre, Jouailliers, se sont arrogé le droit de faire celles d’or & d’argent ; ils ont été imités par d’autres ouvriers, & la communauté des Chaînetiers s’est presqu’éteinte. Voyez Chaînetiers.

L’art de faire des chaînes est assez peu de chose en lui-même ; mais il suppose d’autres arts très-importans, tels que celui de tirer les métaux en fils ronds de toute sorte de grosseur. Nous n’expliquerons pas la maniere de fabriquer toutes sortes de chaînes ; nous en allons seulement parcourir quelques especes, d’après lesquelles on pourra juger du travail & du tissu des autres.

Entre les différentes especes de chaînes, une des principales & des plus anciennes est celle qu’on appelle chaîne à la Catalogne : elle est composée de différens anneaux ronds ou elliptiques, enfermés les uns dans les autres, de maniere que chaque anneau en enferme deux, dont les plans sont nécessairement perpendiculaires au sien, si l’on prend la portion de chaîne composée de trois anneaux, & qu’on la laisse pendre librement. Ces anneaux sont soudés, & paroissent d’une seule piece : ce sont eux qui constituent la grosseur de la chaîne. On les appelle mailles, ou maillons. On fait ces chaînes plus ou moins grosses, selon l’usage auquel on les destine. Si les maillons sont ronds, la chaîne s’appelle chaîne à la Catalogne ronde ; s’ils sont elliptiques, elle s’appelle chaîne à la Catalogne longue. Voyez Pl. du Chaînetier, fig. 1. & 2.

Une autre sorte de chaîne composée aussi d’anneaux soudés, & dont on s’est beaucoup servi autrefois pour suspendre les clés des montres à la boîte, est un tissu auquel on a donné le nom de chaîne quarrée. Les anneaux de cette chaîne ne sont point enlacés les uns dans les autres avant que d’être soudés : on commence par les former d’une figure elliptique ; on les ploye en deux ; & dans l’anse que fait un anneau ployé en cet état, on en fait passer un autre ployé de même, dans ce second un troisieme, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on ait donné à la chaîne la longueur qu’on desire. Voyez même Planche, figure 3.

On fabrique de cette maniere des chaînes à six & à huit faces, qu’on appelle cordons, à cause de leur rondeur, par laquelle elles ne different guere d’une corde : celles qui ont moins de faces, prennent leurs noms du nombre de leurs faces : ainsi il y a des chaînes à trois faces, d’autres à quatre, à cinq, &c.

Il y a des chaînes en S de plusieurs sortes & grandeurs : les plus simples sont composées d’S dont les deux bouclettes sont dans le même plan. Après avoir formé, soit au marteau, soit avec la pince, selon la grosseur de la chaîne, un grand nombre d’S, on passe la bouclette de l’une dans l’autre ; puis avec la pince plate ou le marteau, on ferme cette bouclette : on passe la bouclette d’une seconde dans une troisieme, celle d’une troisieme dans une quatrieme, ainsi de suite ; & on a une chaîne d’S toutes attachées les unes aux autres ; de maniere que le plan d’une S quelconque est perpendiculaire au plan des deux S qui lui sont attachées & contigues, & ainsi alternativement : ce qui a fait donner à cette chaîne le nom de chaîne à S plates. Voyez même Planche, fig. 4.

Une autre espece de chaînes, appellée chaîne à quatre faces, ne differe de celle que nous venons de décrire, qu’en ce que les deux bouclettes qui sont pratiquées à l’extrémité de chaque S, sont dans des plans perpendiculaires les uns aux autres ; au lieu que dans la chaîne précédente les deux bouclettes étoient dans le même plan. Fig. 5.

On fait avec du fil-de-fer recuit des chaînes qui ont une très-grande force : pour cet effet on ploye avec la pince le même fil-de-fer plusieurs fois en forme de 8 de chiffre, & on ficelle le milieu avec le même fil-de-fer contourné plusieurs fois. On nomme ces chaînes, chaînes en gerbes. Voyez la fig. 6. Pour ployer le fil-de-fer en 8 avec plus de célérité, on a un autre outil qu’on appelle fourchette : ce sont deux pointes rondes fichées profondément & parallélement dans le bout d’un manche : il est évident qu’en supposant le fil-de-fer placé entre ces deux pointes, si on meut le manche circulairement, le fil de fer prendra nécessairement la forme d’un 8, chaque pointe se trouvant enfermée dans chaque bouclette du 8, & le fil de fer se croisant entre les deux pointes à chaque tour du manche sur lui-même, (Voyez fig. 7.) la fourchette avec le fil-de-fer croisé en 8 sur les pointes. A le manche. B, C, les pointes. D, E, le fil-de-fer. On voit encore qu’il faut passer les mailles les unes dans les autres à mesure qu’on les fabrique.

Les chaînes à trois faces sont de la même espece que celles qu’on appelle chaînes à quatre faces, dont elles ne different qu’en ce que les plans des bouclettes de l’S, au lieu d’être à angles droits, forment ensemble un angle de 120 degrés ; d’où il s’ensuit que la chaîne pourroit être inscrite à un prisme triangulaire ; d’où lui vient sa dénomination de chaîne à trois faces. Voyez la fig. 8.

Il y en a de cette derniere espece qu’on appelle à bouts renfoncés : ce sont celles où les extrémités des bouclettes sont recourbées en crochets, de maniere que le bout de la bouclette d’en-bas rentre dans la bouclette d’en-haut, & le bout de la bouclette d’en-haut rentre dans la bouclette d’en-bas. Voyez la fig. 9. Cette chaîne a beaucoup de force.

La chaîne qu’on appelle catalogne double, doit se rapporter à l’espece des chaînes à quatre faces composées d’anneaux soudés avant que d’être passés les uns dans les autres. Voyez la fig. 10.

On voit qu’il est possible de faire les maillons de la fig. 3. si petits qu’on veut, & qu’on en formera des chaînes très-delicates, L’invention de ces sortes de chaînes qui servent à pendre des montres, des étuits d’or & d’autres bijoux, nous vient d’Angleterre ; ce qui les a fait nommer chaînes d’Angleterre. Nos ouvriers sont enfin parvenus à les imiter avec beaucoup de succès. On les fabrique d’or, mais plus souvent de cuivre doré. Les maillons ont environ trois lignes de longueur, sur une ligne de largeur : quand ils sont repliés & passés les uns dans les autres, ils forment un tissu si serré, qu’on le prendroit non pour de la toile, mais pour ces ornemens de broderie qu’on pratique sur de la toile, & qu’on appellé chaînette. Voyez Chaînette. Il y a jusqu’à quatre mille petits maillons dans une chaîne à quatre pendans ; mais l’assemblage en est si parfait, que l’on prendroit le tout pour une quantité continue & flexible.

Dans le commerce des chaînes, les grosses chaînes de fer se vendent à la piece ; les médiocres de fer, & celles de cuivre de toute grosseur, se vendent au pié : ces dernieres, quand elles sont fines, s’achetent au poids. Il en est de même de celles d’or & d’argent, dont la façon se paye encore à part.

Il se fait en Allemagne des petites chaînes d’un travail si délicat, qu’on en peut effectivement enchaîner les plus petits insectes ; telles sont celles qu’on apporte de Nuremberg, & de quelques autres villes d’Allemagne. La maniere dont ces ouvrages s’exécutent, ne differe pas de celle dont on fait les chaînes de montre : les chaînons s’en frappent avec un poinçon qui les forme & les perce en même tems. Voyez Chaîne, Horlog. Chaîne, Marin. Chaîne, Agricult. &c.

Les Romains portoient avec eux des chaînes quand ils alloient en guerre ; elles étoient destinées pour les prisonniers qu’on feroit : ils en avoient de fer, d’argent, & même quelquefois d’or ; ils les distribuoient suivant le rang & la dignité du prisonnier. Pour accorder la liberté, on n’ouvroit pas la chaîne, on la brisoit ; c’étoit même l’usage de la couper avec une hache ; les débris en étoient ensuite consacrés aux dieux Lares. Voyez Affranchi, Prisonnier, Esclave.

La chaîne étoit chez les Gaulois un des principaux ornemens des hommes d’autorité ; ils la portoient en toute occasion : dans les combats, elle les distinguoit des simples soldats.

C’est aujourd’hui une des marques de la dignité du lord maire à Londres : elle reste à ce magistrat lorsqu’il sort de fonction, comme une marque qu’il a possédé cette dignité.

La chaîne entre dans le blason, & forme quelquefois une partie des armoiries. Les armes de Navarre sont des chaînes d’or, sur un champ de gueules.

Chaîne, en terme de Justice, se prend non-seulement pour les liens de fer avec lesquels on attache les criminels qui sont condamnés aux galeres, mais se prend aussi quelquefois pour la peine même des galeres, & quelquefois pour la troupe des criminels que l’on conduit aux galeres.

On forme à Paris une chaîne de tous ceux qui sont condamnés aux galeres. Il y a une chaîne particuliere pour la Bretagne, & une autre pour le parlement de Bordeaux. Il y a un commissaire de Marine, & un capitaine pour chaque chaîne. (A)

Chaîne, dans l’Arpentage, signifie une mesure composée de plusieurs pieces de gros fil-de-fer ou de laiton recourbées par les deux bouts : chacune de ces pieces a un pié de long, y compris les petits anneaux qui les joignent ensemble.

Les chaînes se font ordinairement de la longueur de la perche du lieu où l’on veut s’en servir, ou bien de quatre à cinq toises de long, & même plus longues, si l’on a de grandes stations à mesurer, comme de huit ou dix toises. On les distingue quelquefois par un plus grand anneau de toise en toise : ces sortes de chaînes sont fort commodes, en ce qu’elles ne se noüent point comme celles qui sont faites de petites mailles de fer. Voyez les articles Perche, Verge, &c.

En 1668 on a placé un nouvel étalon ou modele de la toise fort juste, au bas de l’escalier du grand Châtelet à Paris, pour y avoir recours en cas de besoin.

La chaîne sert à prendre les dimensions des terrains. C’est ce que le pere Mersenne appelle l’arvipendium des anciens. Voyez Acre.

On employe aussi au lieu de chaînes des cordes ; mais les sont sujettes à beaucoup d’inconvéniens, qui proviennent soit des différens degrés d’humidité, soit de la force qui les tend.

Schwenterus, dans sa Géométrie pratique, nous dit qu’il a vû une corde de seize piés de long, réduite en une heure de tems à quinze, par la seule chûte d’une gelée blanche. Pour prévenir ces inconvéniens, Wolf conseille de tortiller en sens contraire les petits cordons dont la corde est composée, de tremper la corde dans de l’huile bouillante, & quand elle sera seche, de la faire passer à-travers de la cire fondue, afin qu’elle s’en imbibe : une corde ainsi préparée ne se rallongera ni ne se raccourcira point du tout, quand même on la garderoit un jour entier sous l’eau.

Usage de la chaîne dans l’arpentage. La maniere d’appliquer la chaîne à la mesure des longueurs est trop connue, pour avoir besoin d’être décrite. Lorsqu’on enregistre les dimensions prises par la chaîne, il faut séparer la chaîne & les chaînons par des virgules ; ainsi une ligne longue de soixante-trois chaînes & cinquante-cinq chaînons, s’écrit en cette sorte, 63,55. Si le nombre des chaînons n’est exprimé que par un seul caractere, on met alors un zéro au-devant : ainsi dix chaînes, huit chaînons, s’écrivent en cette sorte, 10,08.

Pour trouver l’aire d’un champ dont les dimensions sont données en chaînes & chaînons, voyez Aire, Triangle, Quarré.

Pour prendre avec la chaîne un angle DAE, Pl. d’Arpent. fig. 1. vous mesurerez en partant du sommet A, une petite distance jusqu’en d & en c ; ensuite vous mesurerez la distance dc. Pour tracer cela sur le papier, vous prendrez à volonté la ligne AE, & vous y rapporterez, au moyen de votre échelle, la distance mesurée sur le côté qu’elle représente. Voyez Echelle.

Ensuite prenant avec votre compas la longueur mesurée sur l’autre côté, du sommet A, comme centre, décrivez un arc dc ; & du point c, comme centre, avec la distance mesurée cd, décrivez un autre arc ab : par le point où cet arc coupe le premier, tirez la ligne AD : par ce moyen l’angle est rapporté sur le papier ; & l’on pourra, si l’on veut, en prendre la quantité sur une ligne des cordes. Voyez Corde & Compas de proportion.

Pour lever le plan, ou pour faire le dessein d’un lieu, comme ABCDE (fig. 2.), en se servant de la chaîne, on en fera d’abord une esquisse grossiere ; & mesurant les différens côtés AB, BC, CD, DE, on écrira la longueur de chaque côté le long de son côté correspondant dans l’esquisse ; ensuite si on leve le plan en-dedans du lieu proposé, au lieu de mesurer les angles comme ci-dessus, on mesurera les diagonales AD, BD, & la figure se trouvera de la sorte réduite en trois triangles, dont tous les côtés seront connus, comme dans le premier cas, & pourront être rapportés sur le papier suivant la méthode ci-dessus.

Si on leve le plan en-dehors du lieu proposé, il faudra prendre en ce cas les angles de la maniere suivante. Pour prendre, par exemple, l’angle BCD, on prolongera les lignes BC, CD, à des distances égales en ab (par exemple de la longueur de cinq chaînes), & on mesurera la distance ab ; on aura par-là un triangle isocelle cab, dans lequel l’angle acb = BCD son opposé, est connu : ainsi l’on connoîtra l’angle B C D, & l’on pourra le tracer comme ci-dessus.

Trouver avec la chaîne la distance entre deux objets inaccessibles l’un par rapport à l’autre de quelque point, comme C (fig. 3.), dont la distance à chaque objet A & B, soit accessible en ligne droite. Mesurez la distance CA, que je suppose de cinquante chaînes, & prolongez-la jusqu’en D, c’est-à-dire, cinquante chaînes encore plus loin ; mesurez de même BC, que je suppose de trente chaînes, & prolongez-la jusqu’en E, trente chaînes encore plus loin : vous formerez de la sorte le triangle CDE, semblable & égal au triangle ABC ; & ainsi mesurant la distance DE, vous aurez la distance inaccessible cherchée.

Trouver la distance d’un objet inaccessible, comme la largeur d’une riviere, par le moyen de la chaîne. Sur l’une des rives plantez bien perpendiculairement une perche haute de quatre ou cinq piés, où il y ait dans une fente pratiquée en-haut, une petite piece de fil-de-fer, ou d’autre matiere semblable, bien droite, & longue de deux ou trois pouces ; vous ferez ensuite glisser cette petite piece en-haut ou en-bas, jusqu’à ce que votre œil apperçoive ou rencontre l’autre rive, en regardant le long de ce fil-de-fer ; vous tournerez ensuite la perche, en laissant toûjours le fil-de-fer dans la même direction ; & regardant le long de ce fil, comme ci-dessus, remarquez sur le terrein où vous pouvez opérer, l’endroit où aboutit votre rayon visuel : enfin mesurez la distance qu’il y a de votre perche à ce dernier point ; ce sera la largeur de la riviere proposée. Voyez Arpenteur, Rapporteur, &c. (E)

* Chaîne sans fin, (Art méchan.) c’est ainsi qu’on appelle la chaîne où les chaînons se tiennent tous, & où il n’y en a par conséquent aucun qu’on ne puisse regarder comme le premier & le dernier de la chaîne. Voyez Chapelet.

Chaînes, en Architecture, se dit dans la construction des murs de moilon, des jambes de pierre élevées à plomb, ou faites d’un carcan ou d’une pierre posée alternativement entre deux harpes (Voyez Harpes), ou deux autres pierres plus longues, pour former liaison dans le mur : elles servent à porter les principales pieces de bois d’un plancher, comme poutres, solives d’enchevêtrure, & sablieres ; & à entretenir les murs, qui n’auroient pas assez de solidité n’étant que de moilon, s’il n’y avoit point de chaînes. (P)

* Chaînes de fer, (Architect. & Serrur.) assemblage de plusieurs barres de fer plat, liées bout à bout par des clavettes ou crochets. On pose cet assemblage sur le plat dans l’épaisseur des murs, avec des ancres à chaque extrémité : son effet est d’entretenir les murs, & d’en empêcher l’écartement. V. Serrurerie, Pl. XII. fig. 1. le tirant d’une chaîne. K le crochet. L le coin ou la clavette. N, N, une moufle double, K une moufle simple. R, P, Q, ces pieces assemblées, & telles qu’elles sont posées en ouvrage. V, T, S, autre maniere de faire les moufles des chaînes. Cette construction est plus simple. V la barre qui porte la moufle simple, & qui est soudée avec l’œil du tirant. S la moufle double. T, T, la clavette qui tient les trois moufles réunies. R, R, partie de la chaîne avec un crochet.

Chaîne de port, (Marine.) ce sont plusieurs chaînes de fer, ou quelquefois une seule, tendues a l’entrée du port, pour empêcher qu’on puisse y entrer Lorsque la bouche du port est grande, elles portent sur des piles placées d’espace en espace.

Chaîne de vergues, (Marine.) ce sont de certaines chaînes de fer qu’on tient dans la hune d’un vaisseau, & dont on se sert dans le combat pour tenir les vergues, lorsqu’il arrive que le canon en coupe les cordes ou manœuvres.

Chaînes de chaudiere, (Marine.) ce sont des chaînes de fer qui servent à tenir la chaudiere où cuisent les vivres de l’équipage lorsqu’elle est sur le feu. (Z)

* Chaîne, (Commerce.) mesure qui s’applique à différentes sortes de marchandises, telles que le bois, le grain en gerbes, le foin, & même aux chevaux dont on veut prendre la hauteur. Cette mesure est faite d’une petite chaîne de fer ou de laiton divisée en différentes parties égales par des petits fils de laiton ou de fer fixés sur sa longueur. Ces divisions sont ou par piés & par pouces, ou par palmes, selon l’usage des pays. La chaîne s’applique à Paris, particulierement à la mesure du bois de compte : l’étalon en est gardé au greffe du châtelet : il a quatre piés de longueur ; à l’un des bouts est un petit anneau dans lequel peut être reçû un crochet qui est à l’autre bout, & qu’on peut encore arrêter en d’autres points de la chaîne. Comme il y a trois sortes de bois de compte, dont la grosseur excede celle du bois qui se mesure dans la membrure, il y a sur la longueur de la chaîne, depuis le crochet, trois divisions différentes distinguées par des S de fer, & chacune de ces divisions marque la circonférence du bois qui doit être admis ou rejetté de la mesure de la chaîne. Pour savoir si une piece de bois doit être membrée, ou mesurée à la chaîne, on lui applique la portion de la chaîne comprise depuis le crochet jusqu’à l’S, qui termine la longueur qui doit lui servir de mesure : si cette portion est précisément la mesure de la circonférence de la piece de bois, cette piece est réputée de l’espece de bois de compte désignée par la portion de chaîne qui lui a été appliquée : si elle est lâche sur cette piece de bois, cette piece est renvoyée à l’espece de bois de compte qui est au-dessous de la mesure employée, ou même elle est entierement rejettée. Au contraire elle est réservée pour l’espece de bois de compte qui est au-dessus, si la portion de chaîne qui lui est appliquée étant trop petite pour l’embrasser, le crochet ne peut pas entrer dans la bouclette de fer de l’S qui termine cette portion de la chaîne. On a donné quatre piés à la longueur de la chaîne, parce qu’on peut l’appliquer par ce moyen à toute autre mesure de bois, soit neuf soit flotté ; ces mesures ou membrures devant porter quatre piés en quarré. Voyez Bois, Membrure.

* Chaîne, s. f. (Agricult.) c’est dans une charrue un gros anneau de fer qui tient le timon avec le paumillon. Le timon passe dans cet anneau, & y est arrêté par une cheville. On avance ou on recule la chaîne, en faisant monter ou descendre l’anneau sur le timon, & en le fixant avec la cheville qu’on place alors dans un trou plus haut ou plus bas, selon qu’on se propose de tracer des sillons plus ou moins profonds. Il est évident que selon qu’on descend l’anneau plus ou moins bas sur le timon, le timon se trouve plus ou moins parallele à l’horison ; & que formant avec le terrein un plus grand ou un plus petit angle, le soc poussé par le laboureur enfonce en terre plus ou moins facilement, plus ou moins profondement.

* Chaînes, mettre en chaînes, (Agricult.) se dit dans la récolte du chanvre ou du lin, de la maniere d’exposer à l’air & de faire sécher ces plantes. Ainsi les chaînes de chanvre ou de lin, sont de longues files de poignées assez grosses de ces plantes, dressées en chevron les unes contre les autres, de maniere que les têtes se croisent, & que les tiges soient écartées en cone, & puissent recevoir de l’air par le bas. Voyez les articles Chanvre & Lin.

Chaînes. On dit de plusieurs tas ou meules de foin, des chaînes de foin. (K)

* Chaîne, (Pêche.) la pêche à la chaîne se fait de la maniere suivante. On cherche une greve un peu spatieuse, où il n’y ait que trois ou quatre piés d’eau : on prend une longue chaîne ; on y attache d’espace en espace des fagots d’épines avec des ficelles longues d’un demi-pié ou envíron, de maniere que ces fagots soient suspendus entre deux eaux : cela fait, on étend au bas de la greve deux filets tout proches l’un de l’autre ; puis sans faire de bruit on descend du haut de la greve en-bas, en entraînant la chaîne tendue avec les fagots qui lui sont attachés. Ces fagots chassent le poisson devant eux jusqu’à l’endroit où sont les filets. Lorsqu’on est parvenu à cet endroit, les tireurs de chaîne la levent de toute leur force : le poisson effrayé veut plonger ; mais ceux qui veillent aux filets venant à les lever en même tems, ils vont au-devant du poisson, qui se précipite & qui se prend.

* Chaînes, (Salines.) se dit des barres de fer dont le bout est rivé par-dessous la chaudiere avec une clavette de fer, & dont l’extrémité supérieure est rabattue de façon à entrer dans des anneaux attachés à de grosses pieces de bois de sapin, appellées traversiers. Voyez Traversiers.

* Chaîne, outil de Charron. Cet outil est composé de plusieurs gros chaînons quarrés, longs, & soudés ; à un de ses bouts est une grosse vis de fer retenue au dernier chaînon par un anneau ; à l’autre bout est un morceau de fer quarré, creusé en long, & fait en écrou, propre à recevoir la vis dont on vient de parler. Les Charrons s’en servent pour approcher les raies d’une roue, & pour les faire entrer dans les mortoises des jantes : ce qu’ils exécutent en entourant deux raies avec cette chaîne, & les forçant de s’approcher par le moyen de l’écrou & de la vis, qu’ils assemblent & qu’ils serrent avec une clé à vis. Voyez les fig. 16. & 16. n°. 2. Pl. du Charron. Voyez les articles Roue, Raie, Jante.

Chaîne de montre, (Horloger.) petite chaîne d’acier fort ingénieusement construite, qui sert à communiquer le mouvement du tambour ou barillet à la fusée. Elle est composée de petites pieces ou maillons tous semblables, & percés à leurs extrémités. On en voit le plan dans la fig. 54. Plan. X. de l’Horlogerie. Pour les assembler, on en prend deux, A & B ; entre eux on fait entrer par chaque bout les extrémités des deux autres D & E, en telle sorte que leurs trous se répondent ; ensuite on les fait tenir ensemble par des goupilles, qui passant à travers ces trous, sont rivées sur le maillon de dessus & sur celui de dessous ; ce qui forme l’assemblage L S, fig. 42. dont la répétition compose la chaîne entiere. Ces maillons se font avec un poinçon, qui les coupe & les perce d’un seul coup : à chaque bout de la chaîne il y a un crochet ; l’un, T, sert pour le barillet ; l’autre, F, pour la fusée.

On attribue communément l’invention de la chaîne à un nommé Gruet, Génevois, qui demeuroit à Londres : ce qu’il y a de certain, c’est que les premieres ont été faites en Angleterre, & que les meilleures viennent encore aujourd’hui de ce pays-là. Au reste, celui qui l’a imaginée, remédiant par-là aux inconvéniens de la corde de boyau, a rendu un très-grand service à l’horlogerie. Voyez là-dessus l’article Montre. Voyez Fusée, Barillet, &c. (T)

Chaîne, (Maréchall.) voyez Mesure.

* Chaînes d’étui de pieces, &c. en terme de Metteur en œuvre, est une chaîne couverte de diamans, moins longue que celle d’une montre, ayant à ses côtés deux œufs. Voyez Œufs & Etui de pieces. C’est à cette chaîne que l’étui est suspendu.

* Chaîne, s. f. terme commun à tous les ouvriers qui ourdissent le fil, la laine, le lin, le coton, le crin, la soie, &c. C’est des matieres qui entrent dans la fabrique des ouvrages d’ourdissage, la partie qui est tendue sur les ensuples, ou ce qui en tient lieu, distribuée entre les dents du peigne, & divisée en portions qui se baissent, se levent, se croisent, & embrassent une autre partie des matieres qui entrent dans la fabrique des mêmes ouvrages, & qu’on appelle la trame. Voyez Trame.

D’où il s’ensuit que les chaînes varient, soit chez le Tisserand, le Rubanier, le Manufacturier en soie ; soit chez le Drapier, le Gazier, & les autres ouvriers de la même espece, relativement à la matiere, qui peut être ou fil, ou laine, ou coton, ou soie, ou fil & laine, ou fil & coton, ou fil & soie, & ainsi des autres matieres & des combinaisons qu’on en peut faire ; à la quantité des fils qui peut être plus ou moins grande en total ; au nombre des parties dans lesquelles on peut la diviser, & qu’on appelle portées, ces portées pouvant être en plus ou moins grand nombre, & chacune pouvant contenir un nombre de fils plus ou moins grand (Voyez Portée) ; à la longueur qui peut aussi varier. Toutes ces différences influent sur la nature des étoffes, leur qualité, leur largeur & leur longueur. Je dis toutes ces différences, sans en excepter le nombre des lisses & leur jeu. Voyez Lisses.

Les réglemens ont statué sur toutes : par exemple, ils ont ordonné que dans certaines provinces les burats petits à petits grains auroient à la chaîne trente portées ; que chaque portée seroit de vingt-huit fils ; que les fils seroient distribués dans des rots ou peignes de deux pans & trois quarts de largeur, pour revenir après la foule à deux pans un tiers, & que les pieces auroient quarante cannes de longueur ; que les burats doubles auroient à la chaîne trente-sept portées ; que chaque portée seroit de seize fils, y compris les lisieres ; qu’ils seroient travaillés sur des rots ou peignes de trois pans de large, pour revenir du foulon à deux pans & demi, & que les pieces auroient de longueur trente-deux à trente-trois cannes ; ainsi des burats grenés à petits grains, des burats demi-doubles & communs, des cordelats à fil fin, des cordelats à gros fil, des cadis, des serges, des razes passe-communes & communes, des draps de toute espece, & de toutes les étoffes en soie. Voyez ces étoffes à leurs articles. Voyez aussi les réglemens pour les Manufactures.

Comme il est difficile de discerner, quand l’étoffe est foulée, si la chaîne a le nombre de fils prescrits, il est aussi enjoint par les réglemens sur plusieurs étoffes, de laisser à la tête de chaque piece un bout de chaîne non tramée, dont on puisse connoître les portées & compter les fils.

Les chaînes se préparent sur l’ourdissoir. Voyez à l’article Ourdir, la maniere dont ce préliminaire s’exécute. Il faut que la matiere en soit bonne : les jurés ont droit de les visiter ; il faut qu’elles soient bandées convenablement sur les ensuples. Il est ordonné pour toutes les étoffes de laine, que les fils de la chaîne soient de même qualité & de même filure, & qu’ils soient bien collés ou empesés, soit avec de la colle de Flandre, soit avec de la raclure de parchemin bien apprêtée. Voyez dans les régl. génér. des Manuf. celui du mois d’Aout 1669. Il est défendu aux Manufacturiers de Lyon & de Tours de faire ourdir leurs chaînes ailleurs que chez eux, ou chez les maîtres ou veuves de leur communauté. Voyez les réglemens pour ces manufactures de 1667.

Voilà ce qu’il y a de plus général sur les chaînes : on trouvera les particularités aux différens articles des étoffes.