L’Encyclopédie/1re édition/CHARBONNÉ

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* CHARBONNÉ, adj. (Peinture.) Il se dit d’un dessein dont les traits ne sont pas nets & distincts, quelle que soit la sorte de crayon qu’on ait employée, quoique ce mot vienne originairement du crayon noir, selon toute apparence. Il est en ce sens synonyme à barbouillé, & ne se prend jamais qu’en mauvaise part.

* Charbonné ou noir, (Agricult.) épithete qu’on donne à un blé qui s’écrase facilement, qui ne germe pas, & qui répand sa poudre noire sur le bon grain, qui a à son extrémité une petite houpe qui la retient facilement. Ainsi il y a deux sortes de grains charbonnés, celui dont la substance est vraiment corrompue, & celui qui n’est taché qu’à la superficie ; on dit de ce dernier qu’il a le bout. Le blé qui a le bout, employé par le Boulanger, donne au pain un œil violet ; mais employé par le Laboureur, il donne de bon grain : ce qui n’est pas tout-à-fait l’avis de M. Tull, auteur Anglois qui a écrit de l’Agriculture, & qui a été traduit en notre langue par M. Duhamel. Il prétend que le blé charbonné par le bout donne du grain noir, à moins que la grande chaleur de la saison ne dissipe ce vice. On ne sait pas encore ce qui charbonne le grain ; on a seulement remarqué qu’il y en a beaucoup lorsqu’il s’est fait des pluies froides pendant la fleur & pendant la formation de l’épi ; ce qui s’accorde fort bien avec le sentiment & l’expérience de M. de Tull qui, ayant pris quelques piés de blé, les ayant plantés dans un vase plein d’eau, & en ayant trouvé tous les grains noirs, crut conséquemment que cette mauvaise qualité naissoit de l’humidité de la terre, Cependant il faut avoüer que les lieux bas ne donnent pas plus de grains charbonnés que les lieux hauts ; c’est une autre expérience que M. Duhamel de l’académie des sciences oppose à celle de M. de Tull ; & il faut convenir que celle de notre Académicien est plus générale, & par conséquent plus décisive que celle de l’auteur Anglois. Pour prevenir le charbonnage du grain ; les uns arrosent leur blé de semence avec une forte saumure de sel marin, les autres ajoûtent à cette précaution, celle de le saupoudrer ensuite au tamis avec de la chaux vive pulvérisée, arrosant de saumure, remuant saupoudrant ainsi à plusieurs repries. Ici on se contente de tremper le grain dans de l’eau de chaux (voyez les art. Semaille, Labour), ou de changer les semences & de les couper, comme on fait les races aux animaux dont on veut avoir de belles especes. Ce dernier expédient est pour ainsi dire général.