L’Encyclopédie/1re édition/COCHON

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COCHON, s. m. (Hist. nat. Œconom. rustiq. Mat. med. Diete, & Myth.) sus ; animal quadrupede qu’on a mis au rang des animaux à piés fourchus qui ne ruminent pas. Il est assez distingué par ses poils roides qu’on appelle soie, par son museau allongé & terminé par un cartilage plat & rond où sont les narines : il a quatre dents incisives dans la mâchoire supérieure, & huit dans l’inférieure, deux petites dents incisives en-dessus, & deux grandes en-dessous ; celles-ci sont pointues & creuses ; elles servent de défense à l’animal. Il se forme dans le cochon, entre la peau & le pannicule charnu, une sorte de graisse que l’on appelle lard : elle est fort différente de celle des animaux ruminans, & même de celle du reste du corps de cet animal ; on appelle celle-ci axonge. Les femelles ou truies ont jusqu’à six mammelles & plus ; elles portent jusqu’à vingt petits à la fois. Le cochon peut vivre quinze à vingt ans.

On donne le nom de toit ou de sou à l’endroit où l’on enferme les cochons. Il faut avoir deux toits, l’un pour les mâles, & l’autre pour les femelles & leurs petits ; sans quoi les verrats pourront blesser les truies quand elles seront pleines, & même dévorer les petits. L’aire du toit doit être bien pavée ; les murs bien solidement construits, à moëllon & mortier, & revêtues en-dedans de douves de futailles. Comme ils font beaucoup de petits, le profit de ce bétail est considérable. Le porc châtré s’appelle cochon ; celui qui ne l’est pas, verrat. Le verrat doit être choisi quarré & vigoureux : il peut suffire à dix truies ; & il n’est bon que depuis un an jusqu’à quatre ou cinq. La truie sera longue, & elle produira depuis un an jusqu’à six ou sept : elle porte quatre mois, & cochonne dans le cinquieme ; ainsi elle peut cochonner deux fois par an. Elle recherche l’approche du mâle quoique pleine.

Il faut donner aux cochons une petite litiere, & nettoyer soigneusement leurs étables. Ces animaux aiment les bois, les glands, la faine, la châtaigne, & les fruits sauvages qu’on y trouve en automne, les terres fangeuses, les vers, les racines dont elles sont remplies, &c.

On les fait paître depuis le mois de Mars jusqu’en Octobre, deux fois par jour ; le matin après la rosée jusqu’à dix heures ; le soir depuis deux heures jusqu’au soleil couchant ; en Octobre une fois, en hyver une fois, pourvû qu’il n’y ait ni neige, ni pluie, ni vent, &c.

Il ne faut pas laisser souffrir la soif aux cochons. On soue, c’est-à-dire on lâche la femelle au mâle, en Février, Mars, & Avril ; on prend pour cela le tems de maniere que les petits n’ayent pas à souffrir les rigueurs de l’hyver.

On nourrit amplement la truie quand elle a cochonné ; on lui donne un mêlange de son, d’eau tiede, & d’herbes fraîches : on ne lui laissera que sept à huit petits ; on vendra les autres à trois semaines. On gardera les mâles de préférence aux femelles ; on ne laissera qu’une femelle sur quatre à cinq mâles : on sevrera ceux-ci à deux mois ; on les laissera aller aux champs trois semaines après qu’ils seront venus ; on les nourrira d’eau blanchie avec le son soir & matin, jusqu’à ce qu’ils ayent deux mois ; on les châtrera au printems ou en automne, à six ou à quatre mois.

Quand les cochons seront forts, & qu’on se proposera de les engraisser, on leur donnera de l’orge pendant cinq ou six semaines, avec de l’eau mêlée de son ; on les menera dans les forêts à la glandée, ou on leur donnera dans la maison le gland qu’on aura ramassé. Il faudra donc ramasser le gland dans la saison ; on le conservera en le faisant sécher au four. On joindra à cette nourriture les bûvées d’eau chaude, avec les navets, les carotes, les choux, & tous les rebuts des herbes potageres.

Quand le cochon est engraissé, ce qui ne demande guere que deux mois au plus, on le tue ; on le grille à un feu de paille ; on le racle ; on enleve toutes les parties du dedans, & on sale le reste. Le saloir est une espece de cuve oblongue & basse, avec un couvercle : on lave cette cuve avec de l’eau chaude, ou l’on a mis bouillir du thym, de la lavande, du laurier, &c. puis on l’enfume avec des noix muscades ; on couvre le fond de sel : on prend un morceau de cochon, on le trempe dans l’eau, on l’essuie, on le pose sur la couche de sel ; on fait un second lit de sel & un second lit de cochon, & ainsi de suite, stratum super stratum ; on finit par un lit de sel. Il faut environ une livre de sel pour chaque vingt livres de viande ; on y ajoûte un peu de gérofle concassé ; on ferme le saloir. On laisse le cochon dans cet état environ un mois ; alors on peut l’ouvrir & manger du porc salé : pour cela on le trempe dans l’eau bouillante, on l’expose à l’air, & on l’employe comme on veut.

Il y a d’autres manieres de saler le porc, mais elles reviennent toutes à celles-ci. Le cochon est particulierement sujet à la ladrerie : on s’apperçoit de cette maladie à des ulceres qu’on lui remarque à la langue & au palais, à des grains dont sa chair est parsemée, &c. Voyez Boucher. Il n’est pas exempt pour cela des autres maladies des bestiaux.

La chair fraîche du cochon, sa chair salée ou fumée mangée en petite quantité, aident la digestion ; en grande quantité, elle se digere difficilement. Le bouillon de porc-frais peut arrêter le vomissement : le vieux lard fondu déterge & consolide les plaies : la panne est émolliente, anodyne, & résolutive : on attribue au fiel la propriété de déterger les ulceres des oreilles, & de faire croître les cheveux ; à la fiente, celle de résoudre, de guérir la galle, d’arrêter le saignement de nez, prise en poudre, & de soulager dans l’esquinancie appliquée en cataplasme : la graisse lavée & préparée entre dans quelques emplâtres, & dans un grand nombre d’onguens ; c’est la base des pommades.

La viande de cochon a été proscrite chez quelques peuples, par exemple en Arabie, où il n’y a point de bois, point de nourriture pour cet animal, & où la salure des eaux & des alimens rend le peuple très sujet aux maladies de la peau : la loi qui le défend dans ces contrées, est donc purement locale, & ne peut être bonne pour d’autres pays où le cochon est une nourriture presque universelle, & en quelque façon nécessaire.

Sanctorius a observé que la chair de cochon se transpire peu, & que la diminution de cette excrétion va à un tiers dans ceux qui s’en nourrissent ; d’ailleurs on sait que le défaut de transpiration occasionne ou aigrit les maladies de la peau : cette nourriture doit donc être défendue dans les pays où l’on est exposé à ces maladies, comme la Palestine, l’Arabie, l’Egypte, la Lybie, &c. V. l’esprit des lois.

Le cochon étoit immolé par les anciens aux Lares, à Priape, aux Sylvains, à Bacchus, à Cérès, à Hercule, &c. On sacrifioit à Lacédémone un cochon de chaque ventrée.

Cochon de Guinée, porcus Guincensis, Maregr. animal quadrupede qui est de couleur rousse, & qui ressemble à nos cochons pour la figure ; mais sa tête n’est pas si élevée : ses oreilles sont longues & pointues ; sa queue descend fort bas, & n’est point couverte de poil non plus que le dos. Il y a sur tout le reste du corps un poil court, roux, & brillant ; mais il est plus long près de l’origine de la queue & autour du cou. Rai, synop. anim quadr. Voyez Quadrupede. (I)

Cochon d’Inde, cuniculus sive porcellus Indicus, Gesn. mus seu cuniculus Americanus, & Guincensis porcelli pilis & voce. Au Bresil on donne à cet animal le nom de cavia cobaya. Maregr. C’est un quadrupede plus petit que le lapin ; son corps est plus court & plus gros : ses oreilles sont courtes, minces, transparentes, évasées, arrondies, presqu’entierement dégarnies de poil, & peu différentes de celles des rats : le museau & la barbe ressemblent à ces mêmes parties dans le lievre : la levre supérieure est fendue comme celle du lapin. Le cochon d’Inde n’a point de queue ; ses dents sont semblables à celles des rats, & son poil peut être comparé à celui du cochon. Il crie comme les petits cochons, c’est pourquoi on l’a appellé cochon de Guinée. Sa couleur varie ; on en voit de blancs, de roux, & de noirs, & la plûpart sont en partie blancs, & en partie roux & noirs. Il y a quatre doigts aux piés de devant, & trois à ceux de derriere ; le doigt du milieu est le plus long. Ces animaux frottent leur tête avec les pattes de devant, & s’asseyent sur celles de derriere comme les lapins ; mais ils ne creusent pas en terre. Les femelles portent jusqu’à huit petits à la fois. Les cochons d’Inde vivent de foin & de toutes sortes de plantes : ils sont bons à manger, mais non pas excellens. Rai, synop. anim. quadr.

Cet animal est naturalisé dans ce pays-ci, & mis au nombre de nos animaux domestiques. On l’éleve aisément ; il ne craint que le grand froid. Voyez Quadrupede. (I)

Cochon Chinois. Cet animal est parvenu en Europe ; on le connoît en France. On dit qu’il est plus petit que notre cochon, qu’il a le dos concave & pour ainsi dire ensellé, &c. On l’engraisse, & il passe pour très-bon à manger.

Cochon-maron ; c’est le nom que l’on donne dans les îles de l’Amérique aux cochons que l’on y a portés des autres parties du monde, & qui y sont devenus sauvages. On en distingue de trois especes.

Ceux de la premiere sont courts ; ils ont la tête grosse, le museau peu allongé, & les défenses fort longues : les jambes de devant sont plus courtes que celles de derriere presque d’un tiers, ce qui les fait souvent culbuter lorsqu’ils courent en descendant. Ils deviennent féroces, & très-dangereux quand ils sont blessés par les chasseurs. On prétend qu’ils ont été apportés par les Espagnols dans le tems de la découverte de l’Amérique, & qu’ils ont été tirés de Cadix, où on en voit encore qui leur ressemblent beaucoup.

Les cochons-marons de la seconde espece ne different en aucune façon de nos cochons domestiques, & il paroît qu’ils se sont échappés des parcs où on les nourrissoit après avoir été transportés aux îles.

Enfin ceux de la troisieme espece sont appellés cochons de Siam, parce qu’ils ont été apportés aux îles par des vaisseaux François qui revenoient de Siam & de la Chine. (I)