L’Encyclopédie/1re édition/CONSTITUANT (complément)

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CONSTITUANT, signifie aussi quelquefois celui qui a cédé la jouissance d’une chose à quelqu’un à titre de constitut ou précaire ; ce terme est alors employé par opposition à celui de constituaire, qui signifie celui qui jouit à titre de constitut ou précaire.

On peut voir sur cette matiere Dasset, t. II. l. V. tit. j. chap. j. où il rapporte un arrêt du parlement de Grenoble du 26 Août 1627, qui a jugé que le constitut rend le constituaire préférable à l’héritier du constituant, quoiqu’avec inventaire.

Constituant signifioit aussi chez les Romains celui qui s’obligeoit par forme de constitut, soit pour sa dette personnelle ou pour celle d’autrui. Voy. Constitut.

Le constituant pouvoit s’obliger pour sa dette personnelle, ou pour la dette ou le fait d’autrui.

Dans ce dernier cas, le constitut avoit beaucoup de rapport avec la fidéjussion ou cautionnement, car l’action qui naissoit du constitut appellée actio de constituti, ou action de constitutâ pecuniâ, étoit telle, qu’elle servoit à poursuivre tous ceux qui s’étoient constitués, soit pour eux, soit pour autrui. Cette action étoit prétorienne, attendu que le constitut étoit en un pacte nud, qui suivant le droit civil, ne produisoit point d’action.

Mais il y avoit cette différence entre la fidéjussion & le constitut, que la premiere n’a jamais pour objet que de payer la dette d’autrui, au lieu que le constitut pouvoit avoir lieu pour la dette personnelle du constituant, comme pour celle d’autrui. Le consentement seul suffisoit pour former le constitut, & l’on n’étoit point assujetti à s’y servir d’une certaine formule de parole, plutôt que d’une autre ; au lieu que la fidéjussion ne pouvoit se contracter que par la forme de stipulation proprement dite ; & pour former un véritable constitut, il falloit que l’on n’eût point usé de stipulation, & c’est la raison pour laquelle il ne produisoit qu’une action prétorienne ; tellement que si le constituant eût promis à quelqu’un qui usât de stipulation, alors le constituant étoit tenu jure civili, & ce n’étoit plus un véritable constitut.

Suivant l’ancien droit, le constitut pouvoit avoir deux causes ; savoir, ce qui étoit dû, & ce qui ne l’étoit pas. Ce constitut fait pour ce qui est dû, produisoit l’action de constituto, au lieu que l’action résultante du constitut formé pour ce qui n’étoit pas dû, étoit appellé actio receptitia.

On ne pouvoit d’abord constituer que pour les choses qui consistoient en nombre, poids & mesure.

Par le nouveau droit, on supprima toutes ces distinctions, il fut permis de constituer pour toutes sortes de choses dûes, soit par une obligation civile, ou par une obligation naturelle, & l’action de constitutâ pecuniâ eut lieu indistinctement dans tous les cas ; mais on ne pouvoit plus constituer pro non debito, quand même la chose auroit été dûe par quelque obligation précédente ; il suffisoit pourtant que la chose fût dûe au tems du constitut, quand même elle auroit cessé de l’être depuis, parce que l’action de constitutà pecuniâ avoit un effet rétroactif.

Du reste, on pouvoit constituer purement & simplement, ou à terme, ou sous condition ou autrement.

Le constitut ne pouvoit pas être fait pour une somme plus forte que celle qui étoit due, mais celui qui se constituoit pour autrui, pouvoit s’obliger de payer la dette entiere, quoi qu’il n’eût pas de sa part autant de droit à la chose, & il étoit permis de s’obliger pour une moindre somme que celle qui étoit due.

Toutes personnes capables de s’obliger, pouvoient constituer, même les femmes mariées ; & les pupilles qui approchoient de la puberté pouvoient faire un constitut sans autorisation de leur tuteur ; on pouvoit constituer au profit d’un autre que du créancier, de même qu’un autre que le débiteur pouvoit constituer. Ainsi on pouvoit constituer au tuteur, curateur, au fonde de procuration, au maître de l’esclave, mais on ne pouvoit constituer qu’un autre payeroit pour soi.

Quant à la formule du constitut par l’ancien droit, elle étoit renfermée dans certaines bornes ; mais par le nouveau droit, elle ne fut soumise qu’à la volonté des parties, desorte qu’on ne pouvoit constituer entre absens comme entre présens, par lettres ou par l’entremise d’un commissionnaire, & en toutes sortes de termes, soit par soi-même ou par autrui.

Il falloit cependant qu’il y eût quelques termes qui engageassent le constituant en tout ou partie, comme quand il disoit, satisfaciam tibi, ou satisfiet tibi a me aut ab illo, s’il disoit a me & ab illo ; en ce cas l’autre refusant d’acquitter toute la dette, le constituant en étoit tenu pour sa part personnelle, mais s’il disoit simplement satisfiet tibi, il n’étoit point censé s’obliger personnellement.

Celui qui constituoit pouvoit le faire sans exprimer la quantité, auquel cas cela étoit relatif à ce qui étoit dû ; & s’il constituoit purement & simplement, c’est-à-dire, sans aucun terme ni délai, on ne pouvoit cependant pas exiger aussi-tôt de lui la somme, on lui accordoit au-moins dix jours pour payer : ce qui revient assez aux dix jours de grace que l’on donne parmi nous à celui qui a accepté une lettre de change.

L’objet du constitut étoit de la part du constituant de libérer le débiteur, lequel néanmoins n’étoit point déchargé envers le créancier, que la dette ne fût payée. Si le constituant s’obligeoit pour lui-même, l’objet en ce cas étoit de rendre l’action plus sûre & plus certaine.

En exécution du constitut qui étoit fait pour autrui, il falloit, avant que de poursuivre le constituant, discuter d’abord le principal obligé lorsqu’il étoit présent, & en cas d’absence, le constituant pouvoit obtenir du juge un délai pour l’avertir, à moins que par le constitut, il n’eût renoncé à cet avantage ; & si plusieurs s’étoient substitués conjointement, ils avoient, suivant la lettre d’Adrien, les mêmes bénéfices que les co-fidéjusseurs & co-obligés, c’est-à-dire, le bénéfice de division, & celui appellé cedendarum actionum ; du reste, on pouvoit discuter les constituans avant d’attaquer les tiers détenteurs.

L’action qui naissoit du constitut, étoit une action directe, prétorienne & personnelle ; elle ne duroit autrefois qu’un an, mais par le nouveau droit, elle duroit trente ans, tant contre le constituant que contre ses héritiers.

Tels étoient les principes que l’on suivoit par rapport à cette forme singuliere d’obligation, quoique toutes ces subtilités ne soient point d’usage parmi nous, il étoit néanmoins nécessaire de les expliquer pour l’intelligence des lois répandues dans le digeste, dans le code & dans les novelles qui traitent de cette matiere.