L’Encyclopédie/1re édition/COSMETIQUE

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COSMETIQUE, s. f. On peut donner ce nom en général à la science de l’univers ; elle renferme trois parties, la Cosmographie, la Cosmogonie, & la Cosmologie. Voyez ces mots. On peut aussi donner ce nom en général à la science des ornemens dans quelque genre que ce puisse être ; le même mot grec κόσμος, qui signifie monde & ordre, signifiant aussi ornement. (O)

Cosmétique, (Médecine.) C’est la partie de la Medecine qui a pour objet l’entretien de la beauté naturelle. Ce nom vient du grec κόσμειν, orner. La Cosmétique est non-seulement l’art de l’embellissement du corps, mais encore celui de combattre la laideur, de diminuer les défauts qui peuvent occasionner un objet de dégoût ; de cacher les imperfections, les infirmités qui viennent de naissance, par maladie, ou par quelqu’autre cause que ce soit, & même de prévenir ces infirmités. On a eu de tout tems pour but, & avec raison, de rendre la nature la moins desagréable & la plus attrayante qu’il seroit possible. Il nous manque un ouvrage en ce genre ; & un tel ouvrage, pour être bien fait, demanderoit un fort habile homme. Il faut cependant distinguer cette partie de la Medecine, peu cultivée jusqu’à ce jour, de celle qui fournit le fard, & qui indique pour l’embellissement de la peau, les drogues que nous appellons des Cosmetiques. Voyez l’article suivant. Par M. le Chevalier de Jaucourt.

Cosmétique, s. m. Les cosmétiques sont tous les remedes imaginés pour rendre la peau belle, conserver la couleur & la fraicheur du teint, teindre les cheveux, les sourcils, &c. en un mot tout ce qu’Ovide étale sur ce point dans son poëme de medicamine faciei, supposé que ce poëme soit de lui.

Criton l’Athénien, qui vivoit vers l’an 350 de Rome, considérant que les grands n’ont pas moins à cœur de faire passer de petits boutons, des taches de rousseur, & en général tous les défauts de la peau, que de guérir d’une maladie sérieuse, épuisa la matiere des cosmétiques dans un traité de la composition des médicamens. Galien, qui le cite souvent avec éloge, ajoûte qu’Héraclide de Tarente en avoit déjà dit quelque chose, comme aussi la reine Cléopatre ; mais que ce n’étoit rien en comparaison de ce que Criton avoit écrit sur ce sujet, parce que du tems d’Héraclide, & même du tems de Cléopatre, les femmes ne s’étoient pas portées à cet égard à l’excès où elles parvinrent dans le siecle de Criton. D’ailleurs le même Galien excuse Criton de s’être attaché sérieusement à ces bagatelles, quoiqu’il fût medecin de cour, & d’une cour qui ne les regardoit point avec l’indifférence qu’elles méritent.

Celse a judicieusement remarqué que la plûpart des cosmétiques les plus vantés, ne sont qu’un vain amusement, un pur charlatanisme ; qu’il est inutile d’entreprendre de détruire le hâle, les taches de rousseur, les rougeurs du visage ; que c’est une folie d’espérer de changer la grosseur du teint, la couleur de la peau naturelle ; encore plus de vouloir remédier aux rides : mais que les femmes sont tellement éprises de la beauté, & du desir d’éloigner ou de réparer les débris de la vieillesse, qu’il est impossible de vaincre en elles ce penchant, & de leur persuader la futilité de tous ces beaux secrets qui portent le nom de cosmétiques.

Effectivement les meilleurs se réduisent, à les bien peser, au mérite des simples frictions, des lotions de liqueurs spiritueuses pour la propreté, & de celles qui étant onctueuses, peuvent être employées sans danger pour décrasser, polir & adoucir la peau. Tels sont, par exemple, l’eau de fraises, l’eau de lavande, l’eau distillée de féves, le suc que l’on tire des fleurs de l’oreille d’ours, &c. l’huile de mirrhe par défaillance, d’amandes, de citrouille, de graine de melon, de noisettes, de graine de pavot blanc, de semence de cameline ou de myagrium ; l’huile de behin, de cacao, tirée sans feu ; la cire de canelle de la compagnie hollandoise des Indes orientales, les pommades où entre le blanc de baleine, l’onguent de citron fait avec le camphre & les émulsions de substances farineuses ; l’eau de talc tirée par la même méthode qu’on employe pour l’huile de mirrhe, & autres de cette nature.

On range dans la même classe le fiel de bœuf distillé, mêlé à la quantité de six onces, sur alun de roche, de borax & de suc candi pulvérisés, de chacun demi-once. Cette liqueur étant philtrée, on s’en lave le visage le soir avant que de se coucher, & on l’enleve le matin avec de l’eau de lavande.

Enfin on doit mettre au rang des excellens cosmétiques, le baume de la Mecque & la teinture de benjoin. Voyez Benjoin.

Cette teinture de benjoin mêlangée avec parties égales d’eau de fleurs de féves, ou autre semblable, donne sur le champ ce qu’on nomme le lait virginal, liqueur blanche, laiteuse, opaque, qui est fort bonne pour la peau.

Les dames qui peuvent avoir du baume de la Mecque, le mêlent avec un peu d’huile des quatre semences froides ; d’autres dissolvent de ce baume dans de l’esprit de vin ou de l’eau de la reine d’Hongrie : ensuite elles jettent cette dissolution dans de l’eau de lys, & en font une espece de lait virginal.

Voici la meilleure maniere de préparer ce baume cosmetique, suivant M. Geoffroy.

Prenez baume de la Mecque, huile d’amandes douces nouvellement tirée, de chacune parties égales ; mêlez ces drogues avec soin dans un mortier de verre, pour en faire une espece de nutritum, sur trois drachmes duquel vous verserez, après l’avoir mis dans un matras, six onces d’esprit-de-vin ; laissez-le en digestion jusqu’à ce que vous en ayez extrait une teinture suffisante. Séparez cette teinture de l’huile, & mettez-en une once dans huit onces de fleurs de féves, ou autre analogue, vous aurez un excellent cosmétique laiteux.

Il faut bien se garder de confondre ces sortes de préparations cosmétiques innocentes, avec celles qu’on compose de plomb, de céruse, de vinaigre de Saturne, de magistere, de fleurs de bismuth & autres de cette nature, qui font à la vérité les plus beaux blancs du monde, mais qui par leurs parties salines, venéneuses, arsénicales, indélébiles, alterent & gâtent le teint sans remede.

Comme on blanchit les fleurs de jacynthe bleues, en les passant à la fumée de soufre, cette expérience a fait imaginer qu’on pourroit par le même secours rendre blanche la peau brune & basanée ; mais les personnes qui s’en servent pour les mains & les bras, n’en éprouvent point de succès. A l’égard du visage, si ce moyen étoit pratiquable sans affecter les yeux & la poitrine, il ne manqueroit pas de pâlir les joues & les levres, & de les rider en même tems.

Il est donc très-important de n’employer aucun de tous ces dangereux fards cosmétiques, qui plombent la peau, la dessechent, la minent, & produisent finalement les mauvais effets dont parle la Bruyere, quand il dit que « si les dames étoient telles naturellement qu’elles le deviennent par artifice, c’est-à-dire qu’elles perdissent très-promptement la fraicheur de leur teint ; qu’elles eussent le visage aussi gâté qu’elles se le rendent par la peinture dont elles se fardent, elles seroient inconsolables. » Par M. le chevalier de Jaucourt.