L’Encyclopédie/1re édition/CRAPAUD

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CRAPAUD, s. m. animal amphibie Il y en a de deux sortes, le crapaud de terre, bufo rubeta, & le crapaud d’eau, rana palustris venenata.

Le crapaud de terre est plus gros que la grenouille ; il a le corps épais, le dos large, le ventre gonflé, & il est si pesant, qu’il ne saute qu’à peine ; & si lourd, qu’il ne marche que fort lentement. La peau est dure, couverte de tubercules, & de couleur livide, tachée de jaune sur le ventre. Cet animal se retire dans des lieux sombres & humides, & se cache dans des creux infectés de fange & de puanteur : il se nourrit de vers, d’insectes, de coquillages de terre. On a trouvé de ces animaux renfermés dans des troncs d’arbres, & même dans des blocs de pierre, où ils devoient avoir passé grand nombre d’années sans autre aliment que l’eau qui pouvoit suinter à travers le bois ou la pierre. Les crapauds s’accouplent & pondent des œufs comme les grenouilles, voyez Grenouille ; mais leur cri est différent du croassement.

Le crapaud d’eau est plus petit que celui de terre. Rondelet a trouvé tant de ressemblance entre l’un & l’autre, qu’il n’a donné que la figure du crapaud d’eau, & qu’il y renvoye pour donner une idée de celle du crapaud de terre.

On donne encore le nom de crapaud à une sorte de grenouille que l’on trouve dans la terre & sous les fumiers ; elle a le museau plus pointu & les jambes plus courtes que les autres grenouilles ; sa peau est tuberculeuse & parsemée de taches de couleur cendrée ; ses yeux sont saillans & verdâtres, &c.

Les crapauds passent communément pour des animaux venimeux, sur-tout le crapaud de terre ; on prétend qu’il est plus dangereux, lorsqu’il habite dans des lieux secs & froids. On a rapporté, dans les éph. des cur. de la nat. Déc. 1. an. 1. qu’il étoit arrivé de funestes accidens à des gens pour avoir manié des pierres avec lesquelles on avoit écrasé des crapauds. On dit que l’eau dans laquelle ces animaux vivent & l’air qui les environne, sont un poison pour les personnes qui se baignent dans cette eau, ou qui respirent cet air ; & que les fraises ou les autres plantes qui sont infectées de la bave ou de l’urine du crapaud, produisent de mauvais effets lorsqu’on les mange sans qu’elles ayent été lavées. On croit que cet animal darde son urine lorsqu’il est poursuivi. On raconte qu’un charlatan ayant reçû de cette urine dans sa bouche, en mourut une demi-heure après, quoiqu’il eût pris du contre-poison ; & qu’une autre personne eut les yeux fort malades, parce qu’il y étoit tombé de l’urine du même animal. Eph. cent. 4. Il arriva à une autre de dangereux accidens, pour avoir tenu la tête d’un crapaud dans sa bouche. Enfin on a aussi attribué une qualité venimeuse au sang de cet animal, à ses œufs lorsqu’on les avale, &c. Il seroit inutile de rapporter ici tout ce qui a été écrit des effets du venin des crapauds. Passons à d’autres observations, qui jettent beaucoup d’incertitude sur l’existence de ce prétendu venin. Voyez cependant Crapaud (Mat. med.)

Les canards mangent souvent des crapauds, & les fourmis se nourrissent de ceux que l’on jette dans les fourmilieres, sans qu’il paroisse que ni les uns ni les autres en ressentent aucun mauvais effet. On a éprouvé que l’urine du crapaud, soit qu’on l’avale ou qu’on l’applique à l’extérieur, n’a aucune qualité venimeuse ; on a même reconnu que cette urine étoit bonne pour les yeux dans certains cas, au lieu d’être nuisible. Eph. des cur. de la nat. Déc. 3. ann. 7. On prétend que les excrémens du crapaud sont diurétiques : on dit que des gens ont mangé de ces animaux sans en ressentir aucun mal, & qu’ils les ont trouvé d’aussi bon goût que les grenouilles.

Tant de faits rapportés pour & contre l’existence du venin des crapauds, prouvent au moins que cet animal est suspect, & qu’on doit le fuir jusqu’à ce que des épreuves plus exactes & mieux constatées ayent décidé la question. Si dans les climats tempérés les excrémens des crapauds sont corrosifs, il y a lieu de croire qu’ils peuvent être venimeux dans les pays chauds ; & que le crapaud de Surinam, qui est appellé curucu au Bresil, est aussi dangereux qu’on l’a dit dans différentes relations ; cet animal est une fois aussi gros que les crapauds de ce pays-ci ; il a aux deux côtés de la tête des excroissances semblables à de grosses verrues ; son urine & sa bave sont, dit-on, très-venimeux, mais sur-tout son sang, sa graisse & son fiel.

On a vû en Italie, aux environs d’Aquapendente, un crapaud qui avoit plus d’un pié & demi de largeur, & qui étoit plus gros que la tête d’un homme. Eph. des cur. de la nat. Déc. 2. ann. 2. En effet il y a dans plusieurs régions des crapauds beaucoup plus gros que ceux de ce pays-ci : mais je crois que le crapaud de Surinam appellé pipa, est un des plus singuliers de tous, en ce que les œufs éclosent sur le dos du mâle. Voyez Pipa. (I)

Crapaud, (Hist. nat. insect. aquat.) Le crapaud des Antilles n’est proprement qu’une très-grosse grenouille grise, mouchetée, ayant la peau fine ; elle se tient ordinairement dans les costieres sur le penchant des montagnes, & quelquefois au bord des petits ruisseaux. La chair de ce crapaud est blanche & délicate ; on la prépare en fricassée de poulet. Deux de ces animaux suffisent pour former un bon plat. Article de M. le Romain.

* Crapaud, (Mat. med.) on doute de la qualité venéneuse de notre crapaud. Je vais en raconter ce que j’en sai par expérience ; on en conclura ce que l’on jugera à-propos. J’étois à la campagne vers le tems de la Quasimodo ; j’apperçus sur un bassin, à l’extrémité d’un parc, une masse de crapauds collés les uns sur les autres : cette masse flottoit, & étoit suivie d’une foule d’autres crapauds ; je l’attirai au bord du bassin avec une canne, puis je l’enlevai de l’eau avec une branche d’arbre fourchue, & je me mis à séparer ces animaux, au centre desquels j’apperçus une femelle, apparemment étouffée. Tandis que j’étois occupé à mon observation, je me sentis prendre au nez d’une vapeur très-subtile, qui me passa de la gorge dans l’estomac, & de-là dans les intestins ; j’eus des douleurs de ventre, & je fus incommodé d’un crachement assez abondant qui dura trois ou quatre heures, au bout desquelles ces accidens cesserent avec l’inquiétude qu’ils me donnoient & à la personne avec laquelle je me trouvois : c’étoit M. l’abbé Mallet, maintenant professeur royal en Théologie alors curé de Pesqueux, village voisin de Vernouillet, lieu de la scene que je viens de raconter.

Il y en a qui prétendent que le crapaud réduit en poudre, soulage dans l’hydropisie ; on l’ordonne depuis un scrupule jusqu’à deux ; on fonde cette vertu sur une histoire singuliere. On raconte qu’une femme dont le mari étoit attaqué de cette maladie, l’en guérit en lui servant, on ne dit point à quelle sauce, des crapauds, auxquels elle supposoit au contraire une qualité venéneuse très-propre à la débarrasser de son hydropique.

On dit que le crapaud mort ou séché, s’enfle des humeurs peccantes qu’il attire, si on l’applique sous les aisselles, sur la tête, sur la région des reins, & sur les autres parties du corps, où ces humeurs pourront causer des embarras, obstructions, &c. Credat Judæus.

Autre fable ; c’est que si on le met mort ou vivant sur le lit d’une personne attaquée de quelque maladie maligne & venéneuse, il s’enflera du venin de la maladie par une espece d’attraction animale.

Crapaud-volant, (Hist. nat.) Voyez Têtechevre.

Crapaud, (Hist. nat. bot. exotiq.) arbre qui croît dans les Antilles, principalement à la Grenade. Son bois est rouge, dur, très-pesant, & d’un fil mêlé, difficile à travailler. On en fait des planches de 12 à 14 pouces de large, qui ne sont bonnes qu’employées à couvert ; elles sont sujettes à se fendre inégalement, sur-tout lorsqu’on les veut percer à la vrille, ou qu’on y enfonce des clous. Article de M. le Romain.

Crapaud, (Maréchal.) les Maréchaux appellent ainsi une grosseur molle qui vient sous le talon du cheval : on l’appelle aussi fic. (V)