L’Encyclopédie/1re édition/DEFTARDAR ou DEFTERDAR

La bibliothèque libre.

DEFTARDAR ou DEFTERDAR, s. m. (Hist. mod.) surintendant des finances ou grand-thrésorier de l’empire Ottoman. Ce nom est composé du mot defter, qui signifie dans langue turque cahier, mémoire, &c. & qui selon la conjecture très-vraissemblable du très-savant Mesgnien Meninski, est originairement un nom grec que les Turcs ont pris des peuples qu’ils ont conquis ; car διφθέρα signifie une peau ou parchemi sur lequel on écrivoit anciennement. Le second mot dont deftardar est composé est dar, nom turc & persan, qui signifie qui prend, qui tient ; de sorte que defterdar signifie celui qui tient le livre de la recette & de la dépense du grand seigneur.

Meninski l’appelle supremus thesaurarius, grand-thrésorier, præfes cameræ, comme qui diroit président de l’échiquier ou surintendant des finances. Castel le fait gardien & contrôleur des finances de l’empire.

Le defterdar, ou comme Vigenere l’appelle dephterderi, est celui qui tient les rôles & les états de la milice & des finances, qui reçoit tous les revenus du grand-seigneur, qui paye les troupes, & qui fournit toute la dépense nécessaire pour les affaires publiques ; & par-là cette charge est différente de celle du chasnadar, qui est seulement thrésorier du serrail, au lieu que le defterdar l’est de l’état. Voyez Chasnadar.

Il y a, suivant Ricant, un defterdar dans chaque beglerbeglio ou gouvernement. Vigenere assure qu’il n’y en a que deux ; l’un pour l’Europe & l’autre pour l’Asie. Le premier réside à Constantinople, & a sous lui deux commis généraux ou intendans ; l’un pour la Hongrie, Valachie, Transylvanie, Croatie, Bulgarie, Servie, Bosnie, &c. l’autre pour la Grece, la Morée, & les îles de l’archipel.

Chacun d’eux a autant d’agens qu’il y a de sangiackats dans sa province ; & chacun de ceux-ci, autant de commis subalternes qu’il y a de sabassifs dans leur sangiackat, pour tenir un registre de simariots dans leur district. Le defterdar d’Asie a sous lui deux députés ou intendans généraux, l’un pour la Natolie & l’autre pour la Syrie, l’Arabie, & l’Egypte, qui ont pareillement plusieurs commis ou clercs comme ceux d’Europe. Chambers.

Autrefois le defterdar n’étoit point du nombre des grands de la porte, & ne prenoit que le titre d’effendi, c’est-à-dire révérend. Mais depuis que quelques defterdars se sont distingués par leur habileté dans le maniement des finances, & se sont rendus nécessaires à l’état & au grand-seigneur, on a illustré cet officier de la qualité de pacha. Il a séance au divan, & en tient un particulier dans son serrail pour ce qui concerne les finances. Cette place est ordinairement remplie par une créature du grand-visir. Sa charge est des plus considérables de l’état. Outre le détail de toutes les finances, il a encore soin des armées, des siéges, & des travaux. Ses ordres sont par-tout exécutés comme ceux du sultan même ; & il est ordinairement en bonne intelligence avec le grand-visir, qui procure souvent cette charge à un de ses amis. La suite de ses officiers & domestiques n’est guere moins grande que celle du grand-visir. (G) (a)