L’Encyclopédie/1re édition/EPIPHONEME

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EPIPHONÊME, s. f. (Rhét.) mot consacré que nous avons emprunté des Grecs à l’exemple des Latins.

C’est une figure de Rhétorique qui consiste ou dans une espece d’exclamation à la fin d’un récit de quelque évenement, ou dans une courte réflexion sur le sujet dont on a parlé. Cette figure échappe aux esprits vifs & aux esprits profonds : son élégance part du goût, du choix, de la vérité ; il faut aussi qu’elle naisse du sujet, & qu’elle coule de source ; alors c’est un dernier coup de pinceau qui fait une image frappante dans l’esprit du lecteur, ou de l’auditeur. Ainsi Virgile, après avoir dépeint tout ce que la colere suggere à une déesse immortelle contre son héros, ne peut s’empêcher de s’écrier, Tantæ-ne animis celestibus iræ ! & dans un autre endroit, Tantæ molis erat romanam condere gentem ! C’est encore une belle épiphonême, & souvent citée, que celle de S. Paul, lorsqu’après avoir discouru de la rejection des Juifs, & de la vocation des Gentils, il s’écrie : O profondeur des richesses, de la sagesse, & de la connoissance de Dieu !

Cette figure n’est déplacée dans aucun ouvrage, mais il me semble que c’est dans l’histoire qu’elle produit sur-tout un effet intéressant. Velleius Paterculus qui, indépendamment du style, nous a montré son talent pour l’eloquence, dans son éloge admirable de Cicéron, est l’historien romain qui se soit le plus servi de l’épiphonême ; il a l’art de l’employer avec tant de grace, que personne ne l’a surpassé dans cette partie. Aussi faut-il convenir que cette figure mise en œuvre aussi judicieusement qu’il l’a sû faire, a des charmes pour tout le monde ; parce que rien ne plaît, ne délasse, n’attache, & n’instruit davantage, que ces sortes de pensées sententieuses & philosophiques jointes à la fin d’un récit des grandes actions & des principaux faits, dont on vient de tracer le tableau fidele. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.