L’Encyclopédie/1re édition/FAIDE

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FAIDE, s. m. (Jurisp.) en latin faida, faidia ou feyda, seu aperta simultas, signifioit une inimitié capitale & une guerre déclarée entre deux ou plusieurs personnes. On entendoit aussi par faide en latin faidosus ou diffidatus, celui qui s’étoit déclaré ennemi capital, qui avoit déclaré la guerre à un autre ; quelquefois aussi faide signifioit le droit que les lois barbares donnoient à quelqu’un de tirer vengeance de la mort d’un de ses parens, par-tout où on pourroit trouver le meurtrier : enfin ce même terme signifioit aussi la vengeance même que l’on tiroit, suivant le droit de faide

L’usage de faide venoit des Germains, & autres peuples du Nord, & singulierement des Saxons, chez lesquels on écrivoit kœhd ou kehd ; les Germains disoient wehd, fhede & ferde ; les peuples de la partie septentrionale d’Angleterre disent feuud ; les Francs apporterent cet usage dans les Gaules.

Comme le droit de vengeance privée avoit trop souvent des suites pernicieuses pour l’état, on accorda au coupable & à sa famille la faculté de se redimer, moyennant une certaine quantité de bestiaux qu’on donnoit aux parens de l’offensé, & qui faisoit cesser pour jamais l’inimitié. On appella cela dans la suite componere de vitâ, racheter sa vie ; ce qui faisoit dire sous Childebert II. à un certain homme, qu’un autre lui avoit obligation d’avoir tué tous ses parens, puisque par-là il l’avoit rendu riche par toutes les compositions qu’il lui avoit payées.

Pour se dispenser de venger les querelles de ses parens, on avoit imaginé chez les Francs d’abjurer la parenté du coupable, & par-là on n’étoit plus compromis dans les délits, mais aussi l’on n’avoit plus de droit à sa succession : la loi salique, & autres lois de ce tems, parlent beaucoup du cérémonial de cette abjuration.

Le faide étoit proprement la même chose que ce que nous appellons deffi, du latin diffidare ; en effet, Thierry de Niem, dans son traité des droits de l’empire, qu’il publia en 1412, dit, en parlant d’un tel deffi : imperatori græco qui tunc erat bellum indixit, eumque more saxonico diffidavit.

Il est beaucoup parlé de faide dans les anciennes lois des Saxons, dans celles des Lombards, & dans les capitulaires de Charlemagne, de Charles-le-Chauve & de Carloman : le terme faida y est pris communément pour guerre en général ; car le roi avoit sa faide appellé faida regia, de même que les particuliers avoient leurs faides ou guerres privées.

Porter la faide ou jurer la faide, c’étoit déclarer la guerre ; déposer la faide ou la pacifier, c’étoit faire la paix.

Toute inimitié n’étoit pas qualifiée de faide, il falloit qu’elle fût capitale, & qu’il y eût guerre déclarée ; ce qui arrivoit ordinairement pour le cas de meurtre ; car suivant les lois des Germains, & autres peuples du Nord, toute la famille du meurtrier étoit obligée d’en poursuivre la vengeance.

Ceux qui quittoient leur pays à cause du droit de faide, ne pouvoient pas se remarier, ni leurs femmes non plus.

Ce terme de faide étoit encore en usage du tems de S. Louis, comme on voit par un édit de ce prince du mois d’Octobre 1245, où il dit : mandantes tibi quatenus de omnibus guerris & faidiis tuæ balliviæ, ex parte nostrâ capias & dari facias rectas trenges ; dans la suite on ne se servit plus que du terme de guerre privée, pour designer ces sortes d’inimitiés, & ces guerres privées furent défendues.

Sur le mot faide, on peut voir Spelman & Ducange en leurs glossaires, & la dissertation 29 de Ducange sur Joinville, touchant les guerres privées. Voyez aussi les lettres historiques sur le parlement, tom. I. pag. 103 & 104. (A)