L’Encyclopédie/1re édition/FANTOME

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* FANTOME, s. m. (Gramm.) Nous donnons le nom de fantôme à toutes les images qui nous font imaginer hors de nous des êtres corporels qui n’y sont point. Ces images peuvent être occasionnées par des causes physiques extérieures, de la lumiere, des ombres diversement modifiées, qui affectent nos yeux, & qui leur offrent des figures qui sont réelles : alors notre erreur ne consiste pas à voir une figure hors de nous, car en effet il y en a une, mais à prendre cette figure pour l’objet corporel qu’elle représente. Des objets, des bruits, des circonstances particulieres, des mouvemens de passion, peuvent aussi mettre notre imagination & nos organes en mouvement ; & ces organes mûs, agités, sans qu’il y ait aucun objet présent, mais précisément comme s’ils avoient été affectés par la présence de quelqu’objet, nous le montrent, sans qu’il y ait seulement de figure hors de nous. Quelquefois les organes se meuvent & s’agitent d’eux-mêmes, comme il nous arrive dans le sommeil ; alors nous voyons passer au-dedans de nous une scene composée d’objets plus ou moins décousus, plus ou moins lies, selon qu’il y a plus ou moins d’irrégularité ou d’analogie entre les mouvemens des organes de nos sensations. Voilà l’origine de nos songes. Voyez les articles Sens, Sensation, Songe. On a appliqué le mot de fantôme à toutes les idées fausses qui nous impriment de la frayeur, du respect, &c. qui nous tourmentent, & qui font le malheur de notre vie : c’est la mauvaise éducation qui produit ces fantômes, c’est l’expérience & la philosophie qui les dissipent.