L’Encyclopédie/1re édition/FOIBLE

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FOIBLE, subst. m. (Grammaire.) qu’on prononce faible, & que plusieurs écrivent ainsi, est le contraire de fort, & non de dur & de solide. Il peut se dire de presque tous les êtres. Il reçoit souvent l’article de : le fort & le foible d’une épée ; foible de reins ; armée foible de cavalerie ; ouvrage philosophique foible de raisonnement, &c.

Le foible du cœur n’est point le foible de l’esprit ; le foible de l’ame n’est point celui du cœur. Une ame foible est sans ressort & sans action ; elle se laisse aller à ceux qui la gouvernent. Un cœur foible s’amollit aisément, change facilement d’inclinations, ne résiste point à la séduction, à l’ascendant qu’on veut prendre sur lui, & peut subsister avec un esprit fort ; car on peut penser fortement, & agir foiblement. L’esprit foible reçoit les impressions sans les combattre, embrasse les opinions sans examen, s’effraye sans cause, tombe naturellement dans la superstition. Voyez Foible. (Morale).

Un ouvrage peut être foible par les pensées ou par le style ; par les pensées ; quand elles sont trop communes, ou lorsqu’étant justes, elles ne sont pas assez approfondies ; par le style, quand il est dépourvû d’images, de tours, de figures qui réveillent l’attention. Les oraisons funebres de Mascaron sont foibles, & son style n’a point de vie en comparaison de Bossuet. Toute harangue est foible, quand elle n’est pas relevée par des tours ingénieux & par des expressions énergiques ; mais un plaidoyer est foible, quand avec tout le secours de l’éloquence & toute la véhémence de l’action, il manque de raisons. Nul ouvrage philosophique n’est foible, malgré la foiblesse d’un style lâche, quand le raisonnement est juste & profond. Une tragédie est foible, quoique le style en soit fort, quand l’intérêt n’est pas soûtenu. La comédie la mieux écrite est foible, si elle manque de ce que les Latins appelloient vis comica, la force comique : c’est ce que César reproche à Térence : lenibus atque utinam scriptis adjuncta foret vis. C’est sur-tout en quoi a péché souvent la comédie nommée larmoyante. Les vers foibles ne sont pas ceux qui péchent contre les regles, mais contre le génie ; qui dans leur mécanique sont sans variété, sans choix de termes, sans heureuses inversions, & qui dans leur poésie conservent trop la simplicité de la prose. On ne peut mieux sentir cette différence, qu’en comparant les endroits que Racine, & Campistron son imitateur, ont traités. Article de M. de Voltaire.

Foible, s. m. (Morale.) il y a la même différence entre les foibles & les foiblesses qu’entre la cause & l’effet ; les foibles sont la cause, les foiblesses sont l’effet. On entend par foible un penchant quelconque : le goût du plaisir est le foible des jeunes gens, le desir de plaire celui des femmes, l’intérêt celui des vieillards, l’amour de la louange celui de tout le genre humain. Il est des foibles qui viennent de l’esprit, il en est qui viennent du cœur. Moins un peuple est éclairé, plus il est susceptible des foibles qui viennent de l’esprit. Dans les tems de barbarie l’amour du merveilleux, la crainte des sorciers, la foi aux présages, aux diseurs de bonne aventure, &c. étoient des foibles fort communs. Plus une nation est polie, plus elle est susceptible des foibles qui viennent du cœur, 1°. parce que faire des fautes sans le savoir, ce n’est pas être foible, c’est être ignorant ; 2°. parce que, à mesure que l’esprit acquiert plus de lumieres, le cœur acquiert plus de sensibilité. Les femmes sont plus susceptibles des foibles de l’esprit, parce que leur éducation est plus négligée, & qu’on leur laisse plus de préjugés ; elles sont aussi plus susceptibles des foibles du cœur, parce que leur ame est plus sensible. La dureté & l’insensibilité sont les excès contraires aux foibles du cœur, comme l’esprit fort est l’excès opposé aux foibles de l’esprit. Il y a encore cette différence entre les foibles & la foiblesse, qu’un foible est un penchant qui peut être indifférent, au lieu que la foiblesse est toûjours repréhensible. Voyez Foiblesse.

Foible, dans le Commerce, se prend en différens sens, qui tous font entendre qu’une marchandise, une denrée, ou toute autre chose qui entre dans le négoce, a quelque défaut ou n’a pas la qualité requise.

Ainsi l’on dit du vin foible, un cheval foible, de la monnoie foible, un drap foible.

Dans la balance romaine on nomme le foible le côté le plus éloigné du centre de la balance qui sert à peser les marchandises les moins pesantes ; il y a un des membres de cette balance que l’on appelle la garde-foible. Voyez Balance. On dit qu’un poids est trop foible, lorsqu’il n’est pas juste & qu’il pese moins qu’il ne doit.

Lorsqu’on dit qu’une marchandise a été vendue le fort portant le foible, cela signifie qu’elle a été vendue toute sur un même pié, sans que l’on ait fait distinction de celle qui est supérieure d’avec celle qui est inférieure en bonté ou en qualité. Dictionn. de Commerce, de Trévoux, & Chambers. (G)

Foible, (Ecriture.) se dit d’un tuyau de plume qui plie sous les doigts ; ces sortes de tuyaux ne sont pas bons pour écrire, si ce n’est sur du papier verni, encore faut-il qu’ils soient maniés par une main extrèmement legere.

Foible, (Jardinage.) se dit d’un arbre trop foible pour être replanté ou greffé, & qui ne donne pendant une année que des jets très-foibles. (K)