L’Encyclopédie/1re édition/FOUAGE ou AFFOUAGEMENT

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FOUAGE ou AFFOUAGEMENT, (Jurisprud.) appellé dans la basse latinité foagium & focagium, étoit un droit dû au roi par chaque feu ou menage. Ce droit est encore dû à quelques seigneurs.

L’étymologie de foüage ou feu ne vient pas à feudo, comme quelqu’un l’a prétendu, mais du latin focus, feu, d’où l’on a fait focagium, & par corruption foagium, & en françois foüage.

En quelques endroits ce même droit est appellé fournage, à cause du fourneau ou cheminée qui doit l’imposition ; pourquoi on l’a aussi appellé fumarium tributum. Spelman l’appelle tributum ex foco, & dit qu’en Angleterre il est appellé cheminagium.

Au pays de Forès on leve un droit semblable, appellé blande.

En quelques endroits on l’appelle droit d’hostelage ou d’ostise.

L’origine du foüage ou imposition qui se leve sur chaque feu ou chef de famille, est fort ancienne. Cedrenus & Zonare en font mention dans l’histoire de Nicéphore, où ils appellent ce droit fumarium tributum ; & Landulphe, lib. XXIV. dit que cet empereur exigeoit un tribut sur chaque feu, per singulos focos census exigebat.

Dans une constitution de Manuel Comnene il est parlé de la description des feux en ces termes, describere focos ; ce qui est appellé focularia par Frédéric II. roi de Naples & de Sicile. Lib. I. tit. ult.

Ce droit est aussi fort ancien en France ; on en le voit au profit du roi dès le tems de la premiere race, sous les rois de la seconde, & encore pendant long tems sous la troisieme race.

Le foüage eut d’abord lieu principalement en Normandie ; il appartenoit au roi comme duc de Normandie ; on le lui payoit tous les ans, afin qu’il ne changeât point la monnoie : c’est pourquoi dans la coûtume de cette province il est nommé monnéage. Voyez Monnéage. Il est parlé du foüage dans la charte commune de Roüen, de l’an 1207, & dans une chronique de la même ville, de l’an 1227.

Cette imposition par feux fut aussi établie dans plusieurs autres provinces, tant au profit du roi que de divers seigneurs particuliers qui s’attribuerent ce droit. Les priviléges manuscrits de Saint-Didier en Champagne, de l’an 1228, font mention que chaque personne mariée, ou qui l’avoit été, payoit au seigneur cinq sous pour le foüage.

Une charte d’Alphonse comte de Poitou, de l’an 1269, justifie qu’on lui payoit tous les ans un droit de foüage.

On en paya aussi en 1304 pour la guerre de Flandres, suivant un compte du bailli de Bourges de l’an 1306.

Les foüages dont la levée étoit ordonnée par le roi pour fournir aux besoins extraordinaires de l’état, étoient d’abord quelquefois compris sous le terme général d’aide : telle fut l’aide établie en conséquence de l’assemblée des états tenus à Amiens en Décembre 1363, qui consistoit dans un droit de foüage ou imposition par feux. Il en fut de même de l’imposition qui fut mise sur chaque feu dans le Dauphiné, en 1367.

Dans la suite les foüages furent distingués des aides proprement dites, qui se percevoient sur les denrées & marchandises, à cause que certaines personnes étoient exemptes des foüages, au lieu que personne n’étoit exempt des aides : c’est ce que l’on voit dans des lettres de Charles VI. du 24 Octob. 1383, portant que l’aide qui étoit alors établie, seroit payée par toutes sortes de personnes, & notamment par ceux des habitans de Languedoc qui s’en prétendoient exempts ; & la raison qu’en donne Charles VI. est que ces aides n’avoient pas été établies seulement pour la défense de ceux qui n’étoient pas taillables, mais aussi de ceux qui étoient taiilables ; & que lesdites aides n’étoient pas par maniere de foüage, mais par maniere d’imposition & de gabelle.

Il y avoit des villes, bourgs & villages, qui étant dépeuplés, demandoient une diminution de feux, c’est-à-dire que l’on diminuât l’imposition qu’ils payoient pour le foüage, à proportion du nombre de feux qui restoit ; & lorsque ces lieux ruinés se rétablissoient en tout ou en partie, on constatoit le fait par des lettres qu’on appelloit réparation de feux ; on fixoit par des lettres le nombre des feux existans, pour augmenter le foüage à proportion du nombre de feux qui avoient été réparés, c’est-à-dire rétablis.

Quelques auteurs disent que les tailles ont succédé au droit de foüage ; ce qui n’est pas tout-à-fait exact : en effet dès le tems de S. Louis & même auparavant, nos rois levoient déjà des tailles pour les besoins de l’état. Ces tailles n’étoient point ordinaires. Le roi & même quelques-uns des grands vassaux de la couronne, levoient aussi dès-lors un droit de foüage dans certaines provinces. Les ducs de Normandie, les comtes de Champagne & autres seigneurs, percevoient chacun dans leur territoire des droits de foüage.

Ces droits cessoient néanmoins quelquefois, moyennant d’autres impositions ; ainsi lorsque les communautés d’habitans de la sénéchaussée de Beaucaire se soumirent, le 18 Février 1357, à payer au comte de Poitiers, en qualité de lieutenant-général du royaume, un droit de capage ou capitation ; ce fut à condition que tant qu’il percevroit ce capage, il ne pourroit exiger d’eux aucune autre imposition, soit à titre de foüage ou autrement.

Charles V. fit lever un droir de foüage pour la solde des troupes : il étoit alors de quatre liv. pour chaque feu.

Du tems de Charles VI. le prince de Galles voulut imposer en Aquitaine sur chacun feu un franc, le fort portant le foible ; ce qui ne lui réussit pas.

Charles VII. rendit le foüage perpétuel, & depuis ce tems il prit le nom de taille.

Il n’y a donc plus présentement de foüage qu’au profit des seigneurs, qui sont fondés en titre ou possession suffisante pour lever ce droit sur leurs sujets.

Quelques curés prétendent aussi droit de foüage sur leurs paroissiens le jour de Pâques. Voyez Spelman, en son gloss. les recherches de Pasquier, liv. II. ch. vij. le glossaire de Lauriere, au mot foüage. (A)