L’Encyclopédie/1re édition/GALANTERIE

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GALANTERIE, s. f. (Morale.) on peut considérer ce mot sous deux acceptions générales ; 1°. c’est dans les hommes une attention marquée à dire aux femmes, d’une maniere fine & délicate, des choses qui leur plaisent, & qui leur donnent bonne opinion d’elles & de nous. Cet art qui pourroit les rendre meilleures & les consoler, ne sert que trop souvent à les corrompre.

On dit que tous les hommes de la cour sont polis ; en supposant que cela soit vrai, il ne l’est pas que tous soient galans.

L’usage du monde peut donner la politesse commune : mais la nature donne seule ce caractere séduisant & dangereux, qui rend un homme galant, ou qui le dispose à le devenir.

On a prétendu que la galanterie étoit le leger, le délicat, le perpétuel mensonge de l’amour. Mais peut-être l’amour ne dure-t-il que par les secours que la galanterie lui prete : seroit-ce parce qu’elle n’a plus lieu entre les époux, que l’amour cesse ?

L’amour malheureux exclud la galanterie ; les idées qu’elle inspire demandent de la liberté d’esprit ; & c’est le bonheur qui la donne.

Les hommes véritablement galans sont devenus rares ; ils semblent avoir été remplacés par une espece d’hommes avantageux, qui ne mettant que de l’affectation dans ce qu’ils font, parce qu’ils n’ont point de graces, & que du jargon dans ce qu’ils disent, parce qu’ils n’ont point d’esprit, ont substitué l’ennui de la fadeur aux charmes de la galanterie.

Chez les Sauvages, qui n’ont point de gouvernement reglé, & qui vivent presque sans être vêtus, l’amour n’est qu’un besoin. Dans un état où tout est esclave, il n’y a point de galanterie, parce que les hommes y sont sans liberté & les femmes sans empire. Chez un peuple libre, on trouvera de grandes vertus, mais une politesse rude & grossiere : un courtisan de la cour d’Auguste seroit un homme bien singulier pour une de nos cours modernes. Dans un gouvernement où un seul est chargé des affaires de tous, le citoyen oisif placé dans une situation qu’il ne sauroit changer, pensera du-moins à la rendre supportable ; & de cette nécessité commune naîtra une société plus étendue : les femmes y auront plus de liberté ; les hommes se feront une habitude de leur plaire ; & l’on verra se former peu-à-peu un art qui sera l’art de la galanterie : alors la galanterie repandra une teinte générale sur les mœurs de la nation & sur ses productions en tout genre ; elles y perdront de la grandeur & de la force, mais elles y gagneront de la douceur, & je ne sais quel agrément original que les autres peuples tâcheront d’imiter, & qui leur donnera un air gauche & ridicule.

Il y a des hommes dont les mœurs ont tenu toûjours plus à des systèmes particuliers qu’à la conduite générale ; ce sont les philosophes : on leur a reproché de n’être pas galans ; & il faut avoüer qu’il étoit difficile que la galanterie s’alliât chez eux avec l’idée sévere qu’ils ont de la vérité.

Cependant le philosophe a quelquefois cet avantage sur l’homme du monde, que s’il lui échappe un mot qui soit vraiment galant, le contraste du mot avec le caractere de la personne, le fait sortir & le rend d’autant plus flatteur.

2°. La galanterie considérée comme un vice du cœur, n’est que le libertinage auquel on a donné un nom honnête. En général, les peuples ne manquent guere de masquer les vices communs par des dénominations honnêtes. Les mots galant & galanterie ont d’autres acceptions. Voyez l’article précédent.