L’Encyclopédie/1re édition/GERANIUM

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GERANIUM, s. m. (Botan.) genre de plante des plus étendus, dont voici les caracteres, selon la méthode de Ray.

Ses feuilles sont pour la plûpart opposées deux à deux : son calice est divisé en cinq parties qui s’étendent en forme d’étoiles : sa fleur en Europe est disposée en rose, & composée de cinq pétales, mais en afrique elle n’en a souvent que quatre ; elle est en casque, & munie de cinq étamines qui embrassent la base de l’ovaire : son fruit est fait en aiguille, & divisé à sa base en cinq loges, dont chacune renferme une semence à queue, & produit un long tuyau. Ces cinq loges venant à s’unir, paroissent représenter, avec l’ovaire, la tête d’une cigogne ou d’une grue ; c’est pourquoi les François donnent à ce genre de plante le nom de bec de grue, ainsi que les Anglois, qui l’appellent craneus-bill. La graine de cette plante est jettée dehors, quand elle est mûre, par le recoquillement du bec des capsules.

Tournefort compte soixante-dix-huit especes de geranium, & Miller en nomme au-moins quarante qui sont cultivées en Angleterre dans les jardins des curieux. De ce nombre, il y en a plusieurs qui le méritent par la beauté de leurs fleurs ; telles sont le geranium annuel, à larges feuilles & à fleurs bleues ; le geranium à petites feuilles, & à grandes fleurs purpurines ; le geranium d’Afrique, à feuilles d’œillet, & à fleurs d’écarlate ; le geranium africain, qui s’éleve en buisson, & qui est à feuilles de mauve, & à fleur d’un rouge de carmin. D’autres especes de geranium, outre la beauté de leurs fleurs, répandent, après le coucher du soleil, une odeur qui embaume l’air.

Miller vous enseignera la culture de toutes les especes de geranium dont il fait mention. Il ne nous est pas possible d’entrer dans ce détail : nous remarquerons seulement que les especes sauvages de geranium, & celles des climats froids, s’élevent sans peine ; mais les especes de geranium d’Afrique, & toutes celles qui viennent des climats chauds, demandent bien des soins pour leur entretien & leur multiplication : il est vrai qu’on en est dédommagé par la belle figure qu’elles font dans nos serres.

Entre les especes utiles de geranium, citées par Tournefort, il y en a trois principales qui sont devenues avec raison d’un grand usage en Medecine ; savoir, 1°. le geranium colombinum des boutiques, en françois pié de pigeon ou bec de grue (voy. Bec de Grue) ; 2°. le geranium robertianum, offic. en françois herbe à Robert (voyez Herbe à Robert) ; 3°. le geranium sanguineum, offic. en françois geranium sanguin, qu’on va décrire dans l’article suivant. (D. J.)

Geranium sanguin, (Botan. & Mat. méd.) Le geranium ou bec de grue sanguin, à grande fleur, est d’abord remarquable par une racine épaisse, rouge, garnie de plusieurs longues appendices, & de quelques fibres ; elle pousse tous les ans de nouvelles racines, qui non-seulement jettent des fibres de la même maniere, mais encore d’autres racines grosses & fermes : ses tiges sont nombreuses, hautes d’une coudée, rougeâtres, velues, noüeuses, partagées en plusieurs branches.

De chaque nœud naissent deux feuilles arrondies, divisées néanmoins en cinq lanieres, & le plus souvent en trois lobes, découpées presque jusqu’à la queue ; elles sont velues, vertes au-dessus, blanchâtres en-dessous, d’une saveur astringente & stiptique.

Il sort de l’extrémité des branches un pédicule oblong, qui porte une fleur plus grande que celles des autres geranium, presque semblable à celle du cyste mâle ; d’une belle couleur rouge, composée de cinq pétales & de dix étamines, portées les unes & les autres sur un calice. Ce calice est composé de cinq petites feuilles garnies de nervûres, velues & verdâtres.

Quand ces fleurs sont passées, il leur succede des fruits en forme de bec à cinq angles, chargés à leur base de capsules renflées, contenant des graines qui s’échappent quand elles sont mûres : alors leurs capsules se roulent & se recoquillent de la base à la pointe du fruit.

Le geranium sanguin se trouve souvent dans les forêts & les buissons : on le cultive chez les curieux dans les jardins de Botanique. Les Medecins le substituent au bec de grue ordinaire, ou à celui qu’on nomme herbe à Robert. Ses feuilles s’employent dans les décoctions & les bouillons vulnéraires astringens ; elles sont stiptiques & un peu salées ; elles donnent, de même que l’alun, une vive couleur rouge au papier bleu ; c’est pourquoi l’on présume que leur vertu vulnéraire dépend sur-tout d’un sel alumineux mêlé avec beaucoup de soufre & de terre, & avec un peu de sel concret. En général, tous les geranium contiennent les mêmes principes, ce qui fait qu’on les met au rang des plantes astringentes. (D. J.)