L’Encyclopédie/1re édition/GONORRHÉE

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GONORRHÉE, s. f. en termes de Medecine, signifie un flux ou écoulement involontaire de la semence, ou de quelque autre humeur, sans délectation & sans érection de la verge. Voyez Semence. Ce mot est formé du grec γόνος, semence, & ῥέω, je coule.

Il y a deux sortes de gonorrhée, l’une simple & l’autre virulente.

La gonorrhée simple, sans virus ou malignité, est causée quelquefois par des exercices violens, par l’usage immodéré d’alimens chauds & sur-tout de liqueurs fermentées, comme le vin, la bierre, le cidre, &c. on en guérit en prenant du repos, des alimens nourrissans, des bouillons, &c.

Cette espece se subdivise en gonorrhée véritable, dans laquelle l’humeur qui s’écoule est réellement de la semence ; & en gonorrhée fausse ou bâtarde, où l’humeur qui se vuide n’est point de la semence, mais une matiere qui sort des glandes placées autour des prostates. Voyez Prostates.

Cette derniere espece a quelque ressemblance avec les fleurs blanches des femmes, & on en peut être incommodé long-tems sans perdre beaucoup de ses forces : quelques-uns l’appellent gonorrhée caterreuse. Son siege est dans les glandes prostates, qui sont trop relâchées ou ulcérées.

La gonorrhée virulente vient de quelque commerce impur ; c’est le premier symptome de la maladie venérienne, & ce qu’on appelle la chaude-pisse. Voy. Maladie vénérienne & Chaude-pisse

Les parties que ce mal affecte d’abord, sont les prostates dans les hommes & les lacunes dans les femmes. Ces parties étant ulcérées par quelque matiere contagieuse qu’elles ont reçûe dans le coït, elles commencent par jetter une liqueur blanchâtre & aqueuse, & causent une douleur aiguë : ensuite cette liqueur devient jaune, plus acre, enfin verdâtre & souvent fétide ou de mauvaise odeur.

Elle est accompagnée d’une tension & inflammation de la verge, & d’une ardeur ou acreté d’urine qui cause au malade une douleur sort vive dans le passage urinaire qu’elle déchire & excorie par son acrimonie : de-là naissent les tumeurs & ulceres sur le prépuce & sur le gland, lesquelles affectent aussi quelquefois l’urethre.

La cause de la gonorrhée virulente, selon M. Littre, est quelque humeur acide échauffée & raréfiée, qui dans le tems du coït se leve des parties intérieures du pudendum d’une femme infectée, & vient se loger dans l’urethre de l’homme ; elle a différens siéges dans le corps : quelquefois elle ne s’attache qu’aux glandes mucilagineuses de Cowper ; quelquefois aux prostates, quelquefois aux vésicules séminales ; quelquefois elle affecte deux de ces parties, & quelquefois toutes les trois ensemble.

C’est par rapport à cette diversité de siéges, que M. Littre distingue la gonorrhée virulente en simple, qui n’affecte qu’une de ces trois places, & en compliquée ou composée, qui en affecte plusieurs ; il observe que celle qui siége dans les glandes mucilagineuses, peut continuer d’être simple pendant tout le cours de la maladie, parce que les canaux de ces glandes sont ouverts dans l’urethre à un pouce & demi de distance en deçà des prostates, & ont leur écoulement en-bas, de sorte qu’elles déchargent aisément leur liqueur ; les deux autres especes se produisent mutuellement l’une l’autre, parce que les conduits des vésicules séminaires se terminent dans l’urethre au milieu des glandes des prostates ; de sorte que leurs liqueurs se communiquent aisément.

La gonorrhée qui n’affecte que les glandes mucilagineuses, est la moins commune & la plus aisée à guérir ; la cure se fait par des cataplasmes émolliens, par des fomentations sur la partie, & par des demi-bains. Mèm. de l’acad. ann. 1711.

Les autres especes demandent des remedes plus forts, dont les principaux sont le mercure, l’émulsion de chenevi verd, os de seche, térébenthine, sucre de Saturne, &c.

Les Anglois font beaucoup de cas du précipité verd de mercure, de mercure doux : le baume de Saturne térébenthiné, préparé à petit feu, le sucre de Saturne, l’huile de térébenthine, & le camphre, sont aussi très-bien. Quand l’inflammation est grande vers les reins & les génitoires, il faut avoir recours aux saignées, aux émulsions, aux calmans & adoucissans, tant internes qu’externes. Une infusion de cantharides dans du vin, est le remede spécifique d’un fameux medecin hollandois ; ce remede me paroît suspect & peut avoir des suites bien funestes : on recommande aussi la résine de gayac, & on regarde comme un remede spécifique le baume de Copaïba ; à quoi il faut ajoûter l’antimoine diaphorétique, le bezoar minéral, l’eau dans laquelle on a fait bouillir du mercure, les injections d’eau de chaux, le mercure doux, le sucre de Saturne, &c.

Pitcarn traite la gonorrhée virulente de cette maniere. Au commencement de la maladie, il purge avec une tisanne laxative de senné, de sel de tartre & de fleurs de mélilot ; il prescrit du petit-lait pour la boisson du malade. Après l’avoir purgé ainsi pendant trois ou quatre jours, si l’urine est moins échauffée, le flux moins considérable, & la couleur & la consistence de la matiere devenue meilleure, il lui fait prendre pendant six ou sept jours des bols de térébenthine & de rhapontic ; si ces bols lui tiennent le ventre libre, c’est un bon signe. Il faut éviter absolument de donner des remedes astringens ; la gonorrhée ne dégénerant presque jamais en vérole, à-moins qu’on ne se presse trop de l’arrêter. Pitcarn, in manu scripto.

Du Blegny veut que l’on commence la cure d’une gonorrhée par un cathartique bénin de casse, de senné, de crystal minéral, de tamarin, de guimauve, & de rhubarbe, que l’on prend alternativement de deux jours l’un ; ensuite des diurétiques, & sur-tout ceux de térébenthine ; & enfin des astringens bénins, comme les eaux minérales, le crocus Martis astringent, les teintures de rose & de corail en cochenille, &c.

Le ptyalisme ou la salivation ne guérit jamais la gonorrhée. Chambers. (Y)