L’Encyclopédie/1re édition/GOUFFRE

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GOUFFRE, s. m. (Phys.) les gouffres ne paroissent être autre chose que des tournoyemens d’eau causés par l’action de deux ou de plusieurs courans opposés ; l’Euripe si fameux par la mort d’Aristote, absorbe & rejette alternativement les eaux sept fois en vingt-quatre heures ; ce gouffre est près des côtes de la Grece. Voyez Euripe. Le Carybde qui est près du détroit de Sicile, rejette & absorbe les eaux trois fois en vingt-quatre heures : au reste on n’est pas trop sûr du nombre de ces alternatives de mouvement dans ces gouffres.

Le plus grand gouffre que l’on connoisse, est celui de la mer de Norvege ; on assûre qu’il a plus de vingt lieues de circuit : il absorbe pendant six heures tout ce qui est dans son voisinage, l’eau, les baleines, les vaisseaux, & rend ensuite pendant autant de tems tout ce qu’il a absorbé.

Il n’est pas nécessaire de supposer dans le fond de la mer des trous & des abysmes qui engloutissent continuellement les eaux, pour rendre raison de ces gouffres ; on sait que quand l’eau a deux directions contraires, la composition de ces mouvemens produit un tournoyement circulaire, & semble former un vuide dans le centre de ce mouvement, comme on peut l’observer dans plusieurs endroits auprès des piles qui soûtiennent les arches des ponts, sur-tout dans les rivieres rapides : il en est de même des gouffres de la mer, ils sont produits par le mouvement de deux ou de plusieurs courans contraires ; & comme le flux & le reflux sont la principale cause des courans, ensorte que pendant le flux ils sont dirigés d’un côté, & que pendant le reflux ils vont en sens contraire, il n’est pas étonnant que les gouffres qui résultent de ces courans, attirent & engloutissent pendant quelques heures tout ce qui les environne, & qu’ils rejettent ensuite pendant tout autant de tems tout ce qu’ils ont absorbé. Voyez Courans.

Les gouffres ne sont donc que des tournoyemens d’eau qui sont produits par des courans opposés, & les ouragans ne sont que des tourbillons ou tournoyemens d’air produits par des vents contraires ; ces ouragans sont communs dans la mer de la Chine & du Japon, dans celle des îles Antilles, & plusieurs endroits de la mer, sur-tout auprès des terres avancées & des côtes élevées ; mais ils sont encore plus fréquens sur la terre, & les effets en sont quelquefois prodigieux. « J’ai vû, dit Bellarmin (je ne le croirois pas si je ne l’eusse pas vû), une fosse énorme, creusée par le vent, & toute la terre de cette fosse emportée sur un village ; ensorte que l’endroit d’où la terre avoit été enlevée, paroissoit un trou épouvantable, & que le village fut entierement enterré par cette terre transportée ». Bellarminus, de ascensu mentis in Deum. Cet article est tiré du premier volume de l’hist. naturelle, géner. & partic. p. 489.