L’Encyclopédie/1re édition/GRAS

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GRAS, adj. (Gramm.) Gras, qui a de la graisse. Voyez Graisse. Il se dit aussi de tous corps enduit de graisse, & de ceux qui donnent au toucher la même sensation que ces corps enduits de graisse, ou que la graisse même. Il s’oppose quelquefois à maigre ; on dit faire gras, faire maigre. Il désigne en d’autres circonstances la marque principale de l’embonpoint : cette femme est grasse. Il se prend substantivement : je n’aime pas le gras de la viande ; le gras de la jambe. Dans ce dernier exemple il est synonyme à charnu. On l’employe au figuré : il s’est engraissé dans cette affaire ; une cause grasse.

Gras, (Coupe des pierres.) signifie un excès d’épaisseur de pierre, ou de bois, ou d’ouverture d’angle plus grand qu’il n’est nécessaire pour le lieu où la pierre, où le morceau de bois doit être placé. Le défaut opposé s’appelle maigre.

Gras, s. m. parler, chanter gras, défaut qui vient plus souvent de l’éducation que de l’organe. Voyez la grammaire de Restaut, sur la lettre R.

Il est rare que les enfans ne parlent pas gras, il est rare aussi qu’avec des soins on ne vienne pas à-bout de les guérir d’un défaut de prononciation aussi desagréable. Voyez Grasseyer, Grasseyement. (B)

Gras, en Peinture & en Sculpture, est un terme dont l’acception revient à celle de moëlleux, de flou & de large. On dit gras large, &c.

Gras de la Jambe, est sa partie charnue, en latin sura.

Gras de Jambe, (Manége.) l’aide du gras de jambe est, après celle du pincer, la plus forte de toutes les aides des jambes du cavalier. Voyez Jambes & Manége. (e)

Gras fondu, épithete par laquelle on désigne un cheval atteint de la maladie que l’on nomme gras fondure. Voyez ci-après . (e)

Gras-Fondure, s. f. adipis fusio, (Manége & Maréchal.) maladie. Le nom qu’on lui a donné designant précisément ce qu’elle n’est pas, on ne sauroit former des doutes sur l’ignorance de ceux de qui elle l’a reçu.

Un travail forcé, un repos excessif l’occasionnent, Le dégoût, l’agitation, l’inquiétude, l’action de l’animal qui se couche, se releve, & regarde sans cesse son flanc, & le battement plus ou moins violent de cette partie, en sont des signes fréquens, mais équivoques. Celui qui lui appartient essentiellement résulte de la présence d’une matiere visqueuse, épaisse & blanchâtre, qui se trouve mêlée avec les excrémens, & qui, sous la forme d’une espece de toile, en enveloppe & en coeffe, pour ainsi dire, les parties marronnées. C’est ce symptome univoque qui en a grossierement imposé, lorsque l’on s’est persuadé que cette humeur muqueuse & cette prétendue membrane ne sont autre chose que la graisse fondue, comme si le tube intestinal en étoit intérieurement & considérablement garni, & comme si, du tissu cellulaire du péritoine dans lequel elle est répandue, elle pouvoit en se fondant se frayer une route dans ce canal, & être dès-lors & par ce moyen évacuée avec la fiente.

Quiconque envisagera la maladie dont il s’agit sous l’aspect d’une affection inflammatoire du bas-ventre, & spécialement du mésentere & des intestins, concevra une juste idée de son génie & de son caractere. En effet si l’on suppose, ensuite d’un exercice outré & de l’extrème accélération du mouvement circulaire, une phlogose fixée plus particulierement, & à raison de certaines dispositions, sur les parties de l’abdomen : ou, si l’on imagine, ensuite d’un repos trop long & conséquemment à la stase des humeurs, un engorgement dans le tissu vasculeux de ces mêmes parties, nécessairement enflammées, dès que leurs fibres nerveuses tiraillées, ou dès que les humeurs stagnantes ayant acquis un degré d’acrimonie susciteront des oscillations plus fréquentes & plus fortes, & donneront lieu à une effervescence ; tous les signes qui caractérisent la gras-fondure, ne présenteront rien qui ait droit de surprendre ; & l’on verra sans peine comment le mucus, toûjours abondant dans les intestins qu’il lubréfie, & qui d’ailleurs est de la nature des sucs albumineux que la chaleur durcit, peut, dans un lieu que la main même du maréchal trouve brûlant, être parvenu au point de consistance qu’il a acquis, lorsqu’il est entraîné avec les crotins qu’il recouvre.

La phlogose qui se manifeste violemment dans la région abdominale est-elle universelle ? la gras-fondure sera jointe à la courbature, ou à quelque autre maladie aiguë. Les engorgemens qui ont lieu dans le tissu vasculeux dont j’ai parlé, sont-ils accompagnés de celui des vaisseaux lymphatiques des parties membraneuses qui enveloppent les articulations ? il y aura fourbure & gras-fondure en même tems. L’inflammation enfin est-elle très-legere & bornée seulement aux intestins ? les desordres qu’elle suscitera seront à peine sensibles.

Du reste c’est une erreur née de la fausse idée que l’on s’est formée de cette maladie, de croire que les chevaux chargés de graisse soient les seuls qui puissent y être exposés ; la masse des humeurs contenant en eux, il est vrai, une grande quantité de parties sulphureuses, est très-susceptible d’alkalisation & d’explosion ; mais d’une autre part, la force & la rigidité des solides dans les chevaux maigres ne les y rend pas moins sujets.

Lorsque la gras-fondure est simple, il est rare que les suites en soient funestes. Elle est aussi plus ou moins dangereuse, selon ses diverses complications ; elle cede néanmoins, dans tous les cas, à un traitement méthodique, pourvû que les secours qu’elle exige ne soient pas tardifs. Ce traitement méthodique consiste uniquement & en général, dans des saignées plus ou moins multipliées, dans l’administration d’un plus ou moins grand nombre de lavemens émolliens, & dans le soin de tenir exactement l’animal à un régime, humectant & délayant ; car on doit absolument proscrire tous remedes cordiaux & purgatifs, capables d’enflammer, d’irriter encore davantage, & d’occasionner infailliblement la mort de l’animal. (e)