L’Encyclopédie/1re édition/GUEULE

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GUEULE, s. f. (Gramm.) c’est ainsi qu’on appelle dans la plûpart des animaux, l’intérieur de la partie qui est armée de dents, où sont la langue & le palais, & qu’on appelle dans l’homme & le cheval la bouche.

Gueule droite & renversée, (Architecture.) ce sont les deux parties de la cimaise qui forment un membre, dont le contour est en S. La plus avancée & concave s’appelle gueule droite ou doucine, voyez Doucine ; & l’autre qui est convexe s’appelle gueule renversée ou salon ; voyez Cimaise.

Gueule Bée, terme de Tonnelier ; c’est ainsi qu’on appelle une futaille ouverte qu’on a défoncée par un bout. Voyez Futaille.

Gueule de Loup, (Bas au métier.) partie du métier à bas. Voyez cet article.

Gueules, en termes de Blason, c’est la couleur rouge ; voyez Rouge.

Le pere Monet dit que le mot de gueules dérive de l’hébreu gulud, ou gulidit, petite peau rougeâtre qui paroît sur une plaie quand elle commence à se guérir : le P. Ménétrier dit que ces mots ne se trouvent point dans la langue hébraïque : mais cela n’est pas exactement vrai ; car dans les langues orientales, comme l’hébreu, le chaldéen, le syriaque, & l’arabe, on dit gheld, pour cutis, pellis, peau, d’où est venu le mot arabe gulud : & en général le mot de gueules signifie la couleur rouge chez la plûpart des orientaux. Les Arabes & les Persans donnent ce nom à la rose.

D’autres avec Nicod dérivent le mot de gueules de gula, la gueule des animaux, qui l’ont ordinairement rouge ; ou du latin cusculium, qui est le coccos des Grecs, ou la graine d’écarlate.

Dans la Gravure, la couleur de gueules s’exprime par des hachures perpendiculaires, tirées du chef de l’écusson à la pointe. On la marque aussi par la lettre G.

Cette couleur passe pour un symbole de charité, de bravoure, de hardiesse, & de générosité ; elle représente la couleur du sang, le cinnabre, & la vraie écarlate ; c’est la premiere des couleurs qu’on employe dans les armoiries ; & elle marque une si grande distinction, que les anciennes lois défendoient à tout le monde de la porter dans les armoiries, à-moins qu’on ne fût prince, ou qu’on n’en eût la permission du souverain.

Spelman dans son aspilogia, dit que cette couleur étoit dans une estime particuliere chez les Romains, comme elle avoit été auparavant chez les Troyens : qu’ils peignoient en vermillon les corps de leurs dieux, aussi-bien que de leurs généraux le jour de leur triomphe. Sous le gouvernement des consuls, les soldats étoient habillés de rouge, d’où étoit venu le nom de russati. Jean de Bado Aureo ajoûte que la teinture rouge appellée par les Grecs phénicienne, & par nous écarlate, fut adoptée d’abord par les Romains, pour empêcher que l’on ne s’effrayât du sang qui découloit des plaies des blessés dans la bataille.

En effet le rouge a toûjours passé pour une couleur impériale, & les empereurs étoient toûjours vêtus, chaussés, & meublés de rouge. Leurs édits, dépêches, signatures, & sceaux, étoient d’encre & de cire rouges ; & c’est de-là qu’est venu le nom de rubrique. Dictionn. étymol. de Trév. & Chambers.