L’Encyclopédie/1re édition/HÉTRURIE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 192-193).
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HÉTRURIE, ou plutôt sans aspiration, ETRURIE, s. f. Etruria, (Géog. anc.) ancien nom d’une contrée de l’Italie, qui répond en grande partie à la Toscane des modernes ; elle étoit séparée de la Ligurie par la riviere de Magra, & s’étendoit de là jusqu’au Tibre. Ce pays a souvent changé de nom ; les Cimbriens en furent chassés par les Pelasges ; ceux-ci en furent dépossédés à leur tour par les Lydiens, dont un roi de Lydie fit donner aux habitans de l’Hétrurie le nom de Tyrrhéniens, parce qu’il y avoit envoyé une colonie, à la tête de laquelle il avoit mis son fils Tyrrhène ; ensuite ces mêmes peuples, à cause de leurs rites pour les sacrifices, furent appellés dans la langue des Grecs, Thusci ; nous en avons formé le nom moderne du pays, la Toscane, & celui du peuple, les Toscans. La mer de cette côte a conservé le nom de mer Tyrrhénienne ; les Grecs nommoient l’Hétrurie, Τυῤῥηνία.

Anciennement, & avant la grande puissance des Romains, l’Hétrurie étoit partagée en douze peuples ; Tite-Live parle de ces douze peuples, l. IV. c. xxiij. c’étoit autant de villes, qui chacune avoit son territoire ; ces villes ont été indiquées par Cluvier & Holstenius ; le P. Briet en a donné la table fort détaillée, avec les noms modernes, & même ceux des endroits ruinés.

Toutes ces villes furent conquises par les Romains ; & sous les Césars, le nombre en fut augmenté jusqu’à quinze, si l’on en croit deux inscriptions rapportées par Gruter. Avant ce tems-là, l’Hétrurie ne contenoit que douze peuples, dont chacun avoit son lucumon, ou chef particulier. Voyez Lucumon.

Il résulte de la table du P. Briet, dont je viens de parler, que l’ancienne Hétrurie comprenoit entiérement, 1°. le duché de Massa, & ce qui est entre ce duché & l’Apennin ; 2°. la Carsagnana ; 3°. l’état de la république de Lucques ; 4°. tout le grand duché de Toscane ; 5°. le Pérusin ; 6°. l’Orviétan ; 7°. le patrimoine de S. Pierre ; 8o. le duché de Castro & Ronciglione ; 9o. lo stato de gli Presidii.

Telle étoit l’Hétrurie après que les Gaulois furent établis en Italie ; car avant leur arrivée, les Hétrusques avoient des établissemens au-delà de l’Apennin, mais ils en furent aisément dépouillés par des peuples guerriers, auxquels une nation amollie par l’aisance & le repos, n’étoit pas en état de résister longtems.

On conçoit de ce détail, que ce seroit se tromper grossierement, que de traduire toujours l’Hétrurie par la Toscane ; car quoique cet état, qui comprend le Florentin, le Pesan & le Siennois, soit une partie considérable de l’ancienne Hétrurie, il faut y en ajouter huit autres pour faire l’Hétrurie entiere. Voyez Toscane.

Ce furent les Hétrusques qui instruisirent les premiers Romains, soit parce qu’eux-mêmes avoient été éclairés par des colonies grecques, soit plutôt parce que de tout tems, une propriété de cette belle terre a été de produire des hommes de génie, comme le territoire d’Athènes étoit plus propre aux arts, que celui de Thèbes & de Lacédémone.

Il ne nous reste pour tout monument de l’Hétrurie, que quelques inscriptions épargnées par les injures du tems, & qui sont inintelligibles. En vain Gruter a publié l’alphabet de toutes ces inscriptions dans ses tables Eugubines, on n’en est pas plus avancé ; les savans hommes de Toscane, particulierement ceux qui ont travaillé à éclaircir les antiquités de leur pays, comme Vincenzo Borghini, auteur très-judicieux, l’ont ingénuement reconnu.

Ils ont eu d’autant plus de raison d’avouer cette vérité, que par le témoignage des anciens Grecs & Latins, il paroît que les Hétrusques avoient une langue & des caracteres particuliers, dont ils ne donnoient la connoissance à aucun étranger, pour se maintenir par ce moyen plus aisément dans l’honorable & utile profession où ils étoient, de consacrer chez leurs voisins, & même dans des contrées éloignées, les temples & l’enceinte des villes, d’interpréter les prodiges, d’en faire l’expiation, & presque toutes les autres cérémonies de ce genre. (D. J.)