L’Encyclopédie/1re édition/HAVRE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 65-66).
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HAVRE, s. m. (Géog.) ce mot que les Latins expriment par celui de portus, étoit appellé par les Grecs λίμνη, & ὅρμος ; il ne répond pas au statio navium des Latins, comme l’a pensé le pere Lubin. Le port ou le havre marque un lieu fermé, ou capable d’être fermé ; statio navium signifie au contraire, une rade, un abri, un moüillage, où les vaisseaux sont seulement à couvert de certains vents. L’usage du mot havre s’étend à quelques façons de parler, qui en marquent les avantages ou les inconvéniens.

On appelle havre de barre, un havre dont l’entrée est fermée par un banc de roches ou de sable, & dans lequel on ne peut aborder que de pleine mer. Le havre de Goa est un havre de barre, quoique ce soit un des plus beaux ports du monde.

Le havre de toutes marées est celui où l’on n’est pas obligé d’attendre pour entrer ou pour sortir, la commodité de la marée, mais où l’on peut entrer également de haute & de basse mer.

Le havre d’entrée signifie la même chose ; c’est un havre où il y a toûjours assez d’eau pour y entrer ou pour en sortir, même en basse marée.

Le havre brute ou crique est celui que la nature seule a formé, & auquel l’industrie des hommes n’a encore rien ajoûté pour le rendre plus sûr & plus commode ; les François qui navigent en Amérique, appellent cul-de-sac un havre de cette espece.

Quelquefois le havre est resserré à son entrée par une longue digue qui s’avance dans la mer, ou même par deux digues qu’on appelle jettées. Voyez Jettée. Quelquefois, sur-tout en Italie & dans le Levant, au lieu de jettées il y a un mole qui ferme le port. Voyez Mole. (D. J.)

Havre-de-Grace (le), Géog. ville maritime de France dans la haute-Normandie, au pays de Caux, avec un excellent port, une citadelle, & un arsenal pour la marine. Elle doit son origine à François I. qui la fit bâtir & fortifier ; les Anglois la bombarderent en 1694. Elle est à l’embouchure de la Seine, dans un endroit marécageux, à 12 lieues de Caën, 18 N. O. de Roüen, 8 S. O. de Fécamp, 2 d’Harfleur, 45 N. O. de Paris. Long. 17. 40. 10. lat. 49. 29. 9.

M. & Mademoiselle de Scudery sont de cette ville ; M. de Scudery (Georges) y naquit en 1603. Favori du cardinal de Richelieu, il balança quelque tems la réputation de Corneille ; son nom est aujourd’hui plus connu que ses ouvrages, sur lesquels on sait les vers satyriques de Despréaux. Il mourut à l’âge de 64 ans.

Scudery (Magdelaine) sa sœur, est née en 1607 ; elle publia quelques vers agréables, & les énormes romans de Clélie, d’Artamène, de Cyrus, & autres, outre dix volumes d’entretiens. Elle remporta en 1671 le premier prix d’éloquence fondé par l’académie françoise ; elle a joüi d’une pension du cardinal Mazarin, d’une autre du chancelier Boucherat sur le sceau, & d’une troisieme de deux mille livres que Louis XIV. lui donna en 1683.

On nous a conservé son aventure dans un voyage qu’elle fit en Provence ; elle causoit avec son frere dans l’hôtellerie de son roman de Cyrus, & lui demandoit ce qu’il pensoit qu’on devoit faire du prince Mazart, un des héros du roman, dont le dénoüement l’embarrassoit. Ils convinrent de le faire assassiner ; des gens qui étoient dans la chambre voisine ayant entendu la conversation, crurent que c’étoit la mort de quelque prince appellé Mazart, dont on complotoit la perte ; ils en avertirent la Justice du lieu ; M. & Mademoiselle de Scudery furent mis en prison, & eurent besoin de quelque tems pour prouver leur innocence : cette Dame mourut en 1701. (D. J.)