L’Encyclopédie/1re édition/HUMOUR

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 353).
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HUMOUR, s. m. (Morale.) les Anglois se servent de ce mot pour désigner une plaisanterie originale, peu commune, & d’un tour singulier. Parmi les auteurs de cette nation, personne n’a eu de l’humour, ou de cette plaisanterie originale, à un plus haut point que Swift, qui, par le tour qu’il savoit donner à ses plaisanteries, produisit quelquefois, parmi ses compatriotes, des effets qu’on n’auroit jamais pû attendre des ouvrages les plus sérieux & les mieux raisonnés, ridiculum acri, &c. C’est ainsi, qu’en conseillant aux Anglois de manger avec des choux-fleurs les petits enfans des Irlandois, il fit rentrer en lui-même le gouvernement anglois, prêt à leur ôter les dernieres ressources de commerce qui leur restassent ; cette brochure a pour titre, Proposition modeste pour faire fleurir le royaume d’Irlande, &c. Le voyage de Gulliver, du même Auteur, est une satyre remplie d’humour. De ce genre est aussi la plaisanterie du même Swift, qui prédit la mort de Patridge, faiseur d’almanach, & le terme échu, entreprit de lui prouver qu’il étoit mort effectivement, malgré les protestations que son adversaire pût faire pour assurer le contraire. Au reste, les Anglois ne sont point les seuls qui aient eu l’humour en partage. Swift a tiré de très-grands secours des œuvres de Rabelais, & de Cyrano de Bergerac. Les mémoires du chevalier de Grammont sont pleins d’humour, & peuvent passer pour un chef-d’œuvre en ce genre ; & même en général cette sorte de plaisanterie paroît plus propre au génie léger & folâtre du François, qu’à la tournure d’esprit, sérieuse & raisonnée, des Anglois.