L’Encyclopédie/1re édition/INCESTE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 645).
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INCESTE, s. f. (Théolog.) conjonction illicite entre des personnes qui sont parentes jusqu’aux dégrés prohibés par les loix de Dieu ou de l’Eglise.

L’inceste se prend plûtôt pour le crime qui se commet par cette conjonction, que pour la conjonction même, laquelle dans certains tems & dans certains cas, n’a pas été considérée comme criminelle : car au commencement du monde, & encore assez longtems depuis le déluge, les mariages entre freres & sœurs, entre tante & neveu, & entre cousins-germains, ont été permis. Les fils d’Adam & d’Eve n’ont pû se marier autrement, non plus que les fils & filles de Noé, jusqu’à un certain tems. Du tems d’Abraham & d’Isaac, ces mariages se permettoient encore ; & les Perses se les sont permis bien plus tard, puisqu’on dit que ces alliances se pratiquent encore à-présent chez les restes des anciens Perses. Voyez Gavres ou Guebres.

Quelques auteurs pensent que les mariages entre freres & sœurs & autres proches parens ont été permis, ou du moins tolérés jusqu’au tems de la loi de Moyse ; que ce législateur est le premier qui les ait défendus aux Hébreux. D’autres tiennent le contraire ; & il est mal-aisé de prouver ni l’un ni l’autre sentiment, faute de monumens historiques de ces anciens tems.

Les mariages défendus par la loi de Moyse, sont 1°. entre le fils & sa mere, ou entre le pere & sa fille, & entre le fils & la belle-mere. 2°. Entre les freres & sœurs, soit qu’ils soient freres de pere & de mere, ou de l’un & de l’autre seulement. 3°. Entre l’ayeul ou l’ayeule, & leur petit-fils ou leur petite-fille. 4°. Entre la fille de la femme du pere & le fils du même pere. 5°. Entre la tante & le neveu ; mais les rabbins prétendent qu’il étoit permis à l’oncle d’épouser sa niece. 6°. Entre le beau pere & la belle-mere. 7°. Entre le beau-frere & la belle-sœur Cependant il y avoit à cette loi une exception, savoir, que lorsqu’un homme étoit mort sans enfans, son frere étoit obligé d’épouser la veuve pour lui susciter des héritiers. 8°. Il étoit défendu au même homme d’épouser la mere & la fille, ni la fille du fils de sa propre femme, ni la fille de sa fille, ni la sœur de sa femme, comme avoit fait Jacob en épousant Rachel & Lia.

Tous ces degrés de parenté dans lesquels il n’étoit pas permis de contracter mariage, sont exprimés dans ces quatre vers :

Nata, soror, neptis, matertera, fratris & uxor
Et patrui conjux, mater, privigna, noverca,
Uxorisque soror, privigni nata, nurusque
Atque soror patris, conjungi lege vetantur.

Moyse défend tous ces mariages incestueux sous la peine du retranchement. Quiconque, dit-il, aura commis quelqu’une de ces abominations, périra du milieu de son peuple, c’est-à-dire, sera mis à mort. La plûpart des peuples policés ont regardé les incestes comme des crimes abominables ; quelques uns les ont punis du dernier supplice. Il n’y a que des barbares qui les ayent permis. Calmet, diction. de la bible, tom. II. pag. 368 & 369.

Parmi les Chrétiens, non-seulement la parenté, mais encore l’alliance forme un empêchement dirimant du mariage, de même que la parenté. Un homme ne peut sans dispense de l’Eglise contracter de mariage après la mort de sa femme avec aucune des parentes de sa femme au quatrieme degré, ni la femme après la mort de son mari, avec ceux qui sont parens de son mari au quatrieme degré. Voyez Empêchement.

On appelle inceste spirituel le crime que commet un homme avec une religieuse, ou un confesseur avec sa pénitente. On donne encore le même nom à la conjonction entre personnes qui ont contracté quelqu’alliance ou affinité spirituelle. Cette affinité se contracte entre la personne baptisée & le parain & la maraine qui l’ont tenue sur les fonts, de même qu’entre le parain & la mere, la maraine & le pere de l’enfant baptisé, entre la personne qui baptise & l’enfant baptisé, & le pere & la mere du baptisé. Cette alliance spirituelle rend nul le mariage qui auroit été célébré sans dispense, & donne lieu à une sorte d’inceste spirituel, qui n’est pourtant pas prohibé par les loix civiles, ni punissable comme l’inceste spirituel avec une religieuse, ou celui d’un confesseur avec sa pénitente.