L’Encyclopédie/1re édition/INCHOATIF

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 646).
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INCHOATIF, adj. (Gram.) Priscien, & après lui la foule des Grammairiens, ont désigné par cette dénomination, les verbes caractérisés par la terminaison sco ou scor, ajoutée à quelque radical significatif par lui-même. Tels sont les verbes,

Augesco, dérivé de Augeo, Verbes
Albesco, Albeo,
Calesco, Caleo,
Frigesco, Frigeo,
Dulcesco, Dulcis, Adjectifs.
Mitesco, Mitis,
Lapidesco, Lapis, dis, Noms f.
Irascor, Ira,

Au reste cette dénomination pourroit avoir été adoptée bien légèrement, & il ne paroît pas que dans l’usage de la langue latine, les bons écrivains aient supposé dans cette sorte de verbe, l’idée accessoire d’inchoation ou de commencement, que leur nom y semble indiquer. Le style des commentaires de César devoit avoir & a en effet de l’élégance, de la pureté & de la justesse ; celui de Caton (de R. R.) doit encore avoir plus de précision, parce qu’il est purement didactique ; cependant ces deux auteurs ayant besoin de marquer le commencement de l’événement désigné par des verbes prétendus inchoatifs, se sont servis l’un & l’autre du verbe incipio. cùm maturescere frumenta inciperent, Caes. Et ubi primum incipiunt hiscere, legi oportet, Cat. Cicéron qui savoit louer avec tant d’art, & qui connoissoit si bien les différences délicates des mots les plus aisés à confondre, dit à César (pro Marcel.) en faisant l’éloge de sa justice & de sa douceur, at verb hæc tua justitia & lenitas florescit quotidie magis : peut-on penser qu’il ait voulu lui dire que tous les jours il cessoit d’avoir de la justice & de la douceur pour recommencer chaque jour à en montrer davantage ? En ce cas, c’étoit une satyre sanglante plutôt qu’un éloge ; & dans Cicéron, une absurdité plutôt qu’un effet de l’art.

C’est donc sur d’autres titres, que sur la foi du nom d’inchoatif, qu’il est nécessaire d’établir le caractere différentiel de cette sorte de verbe. Consultons les meilleurs écrivains. On lit dans Virgile, Georg. III. 504.

Sin in processu coepit crudescere morbus ;

Sur quoi Servius fait cette remarque, crudescere, validior fieri, ut dejectâ cru descit pugna camillâ : & lorsqu’il en est à ce vers de l’Eneïde, XI. 833. il l’explique ainsi, crudescit, crudelior fit coede multorum ; ce qui peut se justifier par l’autorité même de Virgile, qui avoit dit ailleurs dans le même sens, magis effuso crudescunt sanguine pugnæ. Æn. VII. 788.

Au douzieme livre de l’Eneïde (45.), Virgile s’exprime ainsi :

Haud quaquam dictis violentis Turni
Flectitur ; exuperat magis, aegrescit que medendo.

Et voici le commentaire du même Servius : indè magna ejus ægritudo crescebat, unde se ei Latinus remedium sperabat afferre.

Il est donc évident que crudescere exprime l’augmentation graduelle de la cruauté, & oegrescere l’augmentation graduelle de la douleur : & c’étoit apparemment d’après de pareilles observations que L. Valle (Elegant. lib. I.) vouloit que l’on donnât aux verbes de cette espece le nom d’augmentatifs. Mais ce terme est déja employé dans la Grammaire greque & dans la Grammaire italienne, pour désigner des noms qui ajoutent à l’idée individuelle de leur primitif, l’idée accessoire d’un degré extraordinaire, mais fixe d’augmentation. D’ailleurs ne paroîtroit-il pas choquant d’appeller augmentatifs les verbes deflorescere, decrescere, defervescere, &c. qui expriment à la vérité une progression graduelle, mais de diminution plutôt que d’augmentation ? Ce n’est que cette progression graduelle qui caractérise en effet les verbes dont il s’agit, & c’étoit d’après cette idée spécifique qu’il falloit les nommer progressifs.

Ces verbes ont tous la signification passive ; & c’est pour cela que Servius les explique tous par le verbe passif fieri ; il y ajoute un comparatif pour désigner la gradation caractéristique : crudescere, validior fieri ; & de même augescere, fieri major ; calescere, fieri calidior ; mitescere, fieri mitior ; lapidescere, fieri ad lapidis naturam propior ; defervescere, minùs fervidus fieri, &c.

Nous avons aussi en françois des verbes progressifs, ou si l’on veut, des verbes inchoatifs, qui sont pour la plûpart terminés en ir, comme blanchir, jaunir, vieillir, grandir, rajeunir, fleurir, &c. (B. E. R. M.)