L’Encyclopédie/1re édition/INCONSTANCE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 654).

* INCONSTANCE, s. f. (Gram. & Morale.) indifférence ou dégoût d’un objet qui nous plaisoit ; si cette indifférence ou ce dégoût naît de ce qu’à l’examen nous ne lui trouvons pas le mérite qui nous avoit séduit, l’inconstance est raisonnable ; s’il naît de ce que nous n’éprouvons plus dans sa possession le plaisir qu’il nous faisoit ; s’il est le même, mais s’il ne nous émeut plus ; s’il est usé pour nous ; s’il ne nous fait plus cette impression qui nous enchaînoit ; si la fée a perdu sa baguette, il faut que le charme cesse, & l’inconstance est nécessaire. Celui qui fait des vœux qu’il ne pourra rompre ; celui qui prononce un serment qui l’engage à jamais, est quelquefois un homme qui présume trop de ses forces, qui s’ignore lui-même & les choses du monde. Je ne connois qu’un remede à l’inconstance, c’est la solitude & les soins assidus. Fuir la dissipation qui nous répandroit sur trop d’objets, pour que nous pussions demeurer à un seul. Sur-tout multiplier les sacrifices. Vous vous rendrez tous les jours l’un à l’autre plus agréables, si tous les jours vous vous rendez l’un à l’autre plus nécessaires. Je ne blâme point l’inconstance qui nous fait abandonner un objet de prix pour un objet plus précieux encore, dans toutes ces bagatelles qui ne souffrent point, qui ne sentent point, & qui font notre bonheur sans le partager. Mais en amitié, en attachement de cœur, si l’on permettoit cette préférence ; on quitteroit, on seroit quitté, & la porte seroit ouverte au plus étrange déréglement.