L’Encyclopédie/1re édition/INFIDÉLITÉ

La bibliothèque libre.
Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 701-702).
◄  INFIDELE

INFIDÉLITÉ (Théolog.) en tant qu’elle est un vice opposé à la foi, est en général un défaut de foi ; en ce sens quiconque n’a pas la foi, est dans l’infidélité.

L’infidélité proprement dite est un défaut de foi dans ceux qui n’ont jamais fait profession des vérités chrétiennes.

On distingue deux sortes d’infidélité. L’une positive, l’autre négative. La premiere est un défaut de foi dans ceux qui ayant entendu parler de Jésus-Christ & de sa religion, ont refusé de s’y soumettre. La seconde est un défaut de foi dans ceux qui n’ont ni connu ni pu connoître Jésus-Christ & sa loi. La premiere est un péché très-grave. L’autre est un malheur, mais non pas un crime, parce qu’elle est fondée sur une ignorance invincible qui, selon tous les Théologiens, excuse de péché.

Infidélité, s. f. (Gram. & Morale.) Ce mot se prend encore pour l’infraction du serment que des époux ou des amans se sont fait, de ne pas chercher le bonheur, l’homme entre les bras d’une autre femme, la femme dans les embrassemens d’un autre homme. Les loix divines & humaines blâment les époux infideles ; mais l’inconstance de la nature, & la maniere dont on se marie parmi nous, semblent un peu les excuser. Qui est ce qui se choisit sa femme ? Qui est-ce qui se choisit son époux ? Moins il y a eu de consentement, de liberté, de choix dans un engagement, plus il est difficile d’en remplir les conditions, & moins on est coupable aux yeux de la raison d’y manquer. C’est sous ce coup d’œil que je hais plus les amans que les époux infideles. Et qui est-ce qui les a forcés de se prendre ? Pourquoi se sont-ils fait des sermens ? La femme infidele me paroît plus coupable que l’homme infidele. Il a fallu qu’elle foulât aux pieds tout ce qu’il y a de plus sacré pour elle dans la société : mais on dira, plus son sacrifice est grand, moins son action est libre, & je répondrai qu’il n’y a point de crime qu’on n’excusât ainsi. Quoi qu’il en soit, le commerce de deux infideles est un tissu de mensonges, de fourberies, de parjures, de trahisons, qui me déplaît : que les limites entre lesquels il ressere les caresses qu’un homme peut faire à une femme, sont bornées ! que les momens doux qu’ils ont à passer ensemble sont courts ! que leurs discours sont froids ! Ils ne s’aiment point ; ils ne se croient point ; peut-être même ils se méprisent. Dispensez les amans de la fidélité, & vous n’aurez que des libertins. Nous ne sommes plus dans l’état de nature sauvage, où toutes les femmes étoient à tous les hommes, & tous les hommes à toutes les femmes. Nos facultés se sont perfectionnées ; nous sentons avec plus de délicatesse ; nous avons des idées de justice & d’injustice plus développées ; la voix de la conscience s’est éveillée ; nous avons institué entre nous une infinité de pacts différens ; je ne sais quoi de saint & de religieux s’est mêlé à tous nos engagemens ; anéantirons-nous les distinctions que les siecles ont fait naître, & ramenerons-nous l’homme à la stupidité de l’innocence premiere, pour l’abandonner sans remords à la variété de ses impulsions ? les hommes produisent aujourd’hui des hommes ; regretterons-nous les tems barbares où ils ne produisoient que des animaux ?