L’Encyclopédie/1re édition/INSURRECTION

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 804-805).
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INSURRECTION, s. f. (Hist. anc.) on nommoit ainsi le droit de soulevement accordé aux citoyens de Crete, lorsque la magistrature abusoit de sa puissance & transgressoit les lois. Alors il étoit permis au peuple de se soulever, de chasser ses magistrats coupables, de les obliger de rentrer dans la condition privée, & d’en nommer d’autres à leur place.

Une institution pareille qui permettoit la rebellion pour empêcher l’abus du pouvoir, sembloit devoir renverser quelque république que ce fût ; elle ne détruisoit pas cependant celle de Crete, parce que c’étoit le peuple du monde qui avoit le plus d’amour pour la patrie, & la force de ce grand principe l’entraînoit uniquement dans ses démarches. Ne craignant que les ennemis du dehors, il commençoit toujours par se réunir de ce côté-là, avant que de rien entreprendre au-dedans, ce qui s’appelloit syncrêtisme, & c’est une belle expression.

Les lois de Pologne ont de nos jours leur espece d’insurrection, leur liberum veto ; mais outre que cette prérogative n’appartient qu’aux nobles dans les dietes, outre que les bourgeois des villes sont sans autorité, & les paysans de malheureux esclaves ; les inconvéniens qui résultent de ce liberum veto, font bien voir, dit M. de Montesquieu, que le seul peuple de Crete étoit en état d’employer un pareil remede, tant que les principes de leur gouvernement resterent sains. Esprit des lois, liv. VIII. chap. 9. (D. J.)