L’Encyclopédie/1re édition/INTERIM

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 829-830).

INTERIM, s. m. (Hist. mod.) nom fameux dans l’Histoire ecclésiastique d’Allemagne, par lequel on a désigné une espece de reglement pour l’Empire, sur les articles de foi qu’il y falloit croire en attendant qu’un concile général les eût plus amplement décidés. Ce mot interim est latin & signifie cependant ou en attendant, comme pour signifier que son autorité ne dureroit que jusqu’à la détermination du concile général.

Pour entendre ce qui regarde l’intérim, il est bon de savoir que le concile de Trente ayant été interrompu en 1548 & transféré à Bologne, l’empereur Charles V. qui n’espéroit pas voir cette assemblée sitôt réunie, & qui vouloit concilier les Luthériens avec les Catholiques, imagina le tempérament de faire dresser un formulaire par des Théologiens qui seroient envoyés pour cet effet à la diete qui se tenoit alors à Augsbourg : ceux-ci n’ayant pu convenir entre eux laisserent à l’empereur le soin de le faire dresser. Il en chargea trois théologiens célebres, qui rédigerent vingt-six articles sur tous les points controversés entre les Catholiques & les Luthériens. Ces articles concernoient l’état du premier homme avant & après sa chute dans le péché ; la rédemption des hommes par J. C. la justification du pécheur ; la charité & les bonnes œuvres ; la confiance qu’on doit avoir en Dieu que les péchés sont pardonnés ; l’église & ses vraies marques, sa puissance, son autorité, ses ministres, le pape & les évêques : les sacremens en général & en particulier ; le sacrifice de la messe, & la commémoration qu’on y fait des Saints leur intercession & leur invocation ; la priere pour les défunts & l’usage des sacremens, auxquels ils faut ajouter la tolérance sur le mariage des prêtres & sur l’usage de la coupe. Quoique les Théologiens qui avoient dressé cette profession de foi, assurassent l’empereur qu’elle étoit très-orthodoxe, à l’exception des deux derniers articles ; le pape ne voulut jamais l’approuver ; & depuis que Charles V. l’eut proposée comme un reglement par une constitution impériale donnée en 1548 dans la diete d’Augsbourg qui l’accepta, il y eut des catholiques qui refuserent de se soumettre à l’interim sous prétexte qu’il favorisoit le luthéranisme ; & pour rendre cette ordonnance odieuse, ils la comparerent à l’Hénotique de Zenon, à l’Ecthere d’Héraclius, & au Type de Constant. Voyez Hénotique, Ecthere & Type. D’autres catholiques l’adopterent, & écrivirent pour sa défense.

L’interim ne fut guere mieux reçu des Protestans, la plupart le rejetterent, comme Bucer, Musculus, Osiander, sous prétexte qu’il rétablissoit la papauté qu’ils pensoient avoir détruite ; d’autres écrivirent vivement contre, mais enfin comme l’empereur agit fortement pour soutenir sa constitution jusqu’à mettre au ban de l’empire les villes de Magdebourg & de Constance qui refusoient de s’y soumettre ; les Luthériens se diviserent en rigides ou opposés à l’interim & en mitigés, qui prétendoient qu’il falloit s’accommoder aux volontés du souverain ; on les nomma Intérimistes ; mais ils se réservoient le droit d’adopter ou de rejetter ce que bon leur sembloit dans la constitution de l’empereur. Ensorte qu’on peut regarder cet interim comme une de ces pieces dans lesquelles en voulant ménager deux partis opposés on les mécontenta tous deux ; & c’est ce que produisit effectivement l’interim qui ne remédia à rien, fit murmurer les Catholiques & souleva les Luthériens.

Interim, (Jurisp.) se dit quelquefois figurément & par allusion à l’interim de Charles-quint, pour signifier quelque chose de provisoire ; c’est ainsi qu’on dit jouir par interim ou exercer quelque fonction par interim, en attendant la décision de quelque contestation. (A)