L’Encyclopédie/1re édition/INTERREX

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 834).
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INTERREX, s. m. (Hist. rom.) sénateur qui étoit revêtu par élection pour cinq jours de l’autorité suprème, pendant la vacance du trône, & sous la république, dans le cas de quelque anarchie, au défaut d’un dictateur.

Ce nom est proprement latin, mais il faut bien s’en servir dans notre langue puisque nous n’en avons aucun qui lui réponde ; gouverneur, régent & même entre-roi, ne rendent point le nom interrex, & ne peuvent le rendre, attendu la différence de nos gouvernemens avec celui de Rome.

Toutet les fois que dans le commencement de cette république l’élection d’un roi ne se faisoit pas sur le champ, & qu’il y avoit un interregne, le pouvoir cessoit entre les mains des sénateurs, qui choisissoient un chef pour gouverner l’état avec toutes les marques de la dignité royale ; on appelloit le patricien qui en étoit honoré interrex. C’étoit lui qui assembloit le peuple pour procéder à l’élection d’un nouveau roi ; mais sa charge ne duroit que cinq jours, au bout desquels on en déclaroit un autre, si la vacance du trône n’étoit pas remplie. On disoit déclarer l’interrex plutôt qu’élire : le mot consacré étoit, prodere interregem.

Il est vrai cependant que les Historiens ne sont point d’accord sur la maniere dont les sénateurs distribuerent entre eux l’exercice de l’autorité suprème, dans l’interregne qui subsista une année entiere après la mort de Romulus. Denys d’Halicarnasse assure que chaque sénateur fut interrex cinq jours de suite. Tite-Live marque que les sénateurs s’étant partagés en dixaines, chaque dixaine commandoit alternativement durant cinq jours ; mais qu’il n’y en avoit qu’un de ces dix qui portât les marques de la souveraineté, & qui fît marcher devant lui les licteurs avec les haches & les faisceaux.

Le commandement de l’armée après la mort de Romulus, fut prolongé pour un an aux consuls, & le sénat nomma pour premier interrex Cn. Claudius, fils d’Appius. Ce fut sur la fin de cet interregne, que celui qui en fit le dernier la fonction, adressant la parole au peuple en pleine assemblée, lui tint ce discours remarquable : « Elisez donc un roi, Romains, le sénat y consent ; & si vous faites choix d’un prince digne de succéder à Romulus, le sénat le confirmera ».

Après l’établissement de la république sous les consuls, quoiqu’il n’y eût plus de rois, on garda le nom & la fonction d’interrex ; car lorsque les magistrats étoient absens ou morts, qu’ils ne pouvoient tenir les comices, qu’ils avoient abdiqué, qu’il y avoit eu quelque défaut dans leur élection, ou qu’en un mot l’état se trouvoit dans une espece d’anarchie, qui ne demandoit pas néanmoins qu’on vînt à créer un dictateur, on déclaroit un interrex pris du nombre des patriciens ; sa fonction ne duroit comme sous la royauté que cinq jours, au bout desquels on en créoit un autre.

Il convoquoit le sénat par son pouvoir, faisoit assembler le peuple pour l’élection des consuls ou des tribuns militaires lorsqu’ils avoient lieu, & veilloit à ce qu’on y procédât dans les regles.

Pendant le tems de sa charge, tous les magistrats, excepté les tribuns du peuple, déposoient leur autorité. En effet il arriva que l’an 700 de la fondation de Rome, ils s’opposerent si fortement à l’élection des consuls que l’interrex ne pouvant les y contraindre, on fut obligé de déclarer Pompée dictateur : c’est-là, je pense, la derniere fois qu’il est parlé de cette magistrature provisionnelle dans l’Histoire romaine. Elle tomba d’elle-même avec la république, quand les empereurs se rendirent maîtres de tout le gouvernement. Voyez si vous voulez, Rosinus, lib. VII. cap. xvj. Pitisci Lexicon antiq. rom. & Midleton, Traité du sénat romain. (D. J.)