L’Encyclopédie/1re édition/INTERROGATION

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 835).

INTERROGATION, s. f. (Belles-Lettres.) figure de Rhétorique, par laquelle celui qui parle avance une chose par forme de question. L’apostrophe qu’il se fait alors à lui-même ou qu’il fait aux autres, ne donne pas peu de poids & de véhémence à ce qu’il dit. L’orateur peut en plusieurs occasions employer cette figure avec avantage. 1°. Quand il parle d’une chose d’un ton affirmatif, & comme ne pouvant souffrir aucun doute ; 2°. quand il veut montrer les absurdités où l’on tomberoit en entreprenant de combattre ses sentimens ; 3°. lorsqu’il veut démêler les réponses captieuses ou les sophismes de son adversaire ; 4°. quand souvent pressé lui-même, il veut à son tour presser vivement son antagoniste. De ce dernier genre est ce bel endroit de l’oraison de Ciceron pour Ligarius, où il s’adresse avec une impétuosité, pour ainsi parler foudroyante, à l’accusateur Tubéron. Quid enim, Tubero, tuus ille districtus in acie Pharsalicâ gladius agebat ? cujus latus ille mucro petebat ? Qui sensus erat armorum tuorum ? Quæ tua mens ? oculi ? manus ? ardor animi ? Quid cupiebas ? quid optabas ? Il est évident que de pareils traits devoient embarasser un homme qui, ayant porté les armes contre Cesar, faisoit à Ligarius un crime de ce qu’il avoit tenu la même conduite.

Cette figure est très-propre à peindre toutes les passions vives, mais sur-tout l’indignation.

Quoi, Rome & l’Italie en cendres
Me feront honorer Silla ?
J’admirerai dans Alexandre,
Ce que j’abhorre en Attila ?