L’Encyclopédie/1re édition/KAMTSCHATKA

La bibliothèque libre.

KAMTSCHATKA, (Géog.) grande presqu’isle au nord-est de l’Asie, entre un golfe du même nom & la mer du Japon, à l’extrémité orientale de l’empire Russien & de notre continent.

Ce pays, ainsi nommé par les Russiens dans la grande carte de leur empire, semble être le même, selon Kœmpfer, que celui que les Japonois appellent oku-Jéso (le haut Jéso), dont ils ne savent presque rien, excepté que c’est un pays.

Suivant les meilleurs descriptions que les Russiens en ayent pu donner, c’est une presqu’isle située entre les 150 & les 170 degrés de longitude, & 41 & 60 de latitude au nord du Japon.

Elle est contiguë au nord à la Sibérie, & s’étend jusqu’au cap Suétinos, qui est le dernier de la Sibérie au nord-est ; mais la mer la baigne au sud, à l’est & à l’ouest. Elle est habitée par diverses nations, dont celles qui occupent environ le milieu, payent tribut aux Russes ; au lieu que celles qui demeurent plus au nord, & en particulier les Olutorski (nom qu’on leur donne dans la carte de Russie), en sont les ennemis déclarés. Les Kurilski ou Kurilis qui demeurent plus au sud, étant moins barbares que les autres, sont regardés par les Russes comme une colonie des Japonois.

Le commerce entre la Sibérie & Kamtschatka se fait par deux routes différentes. Quelques-uns traversent le golfe de Kamtschatka, qui sépare ce pays de la grande Tartarie & de la Sibérie, à près de 58 degrés de latitude, & ils s’embarquent d’ordinaire à Lama, où les Russiens ont commencé à bâtir de grands vaisseaux pour passer à Pristan, ville qu’ils ont établie dans le Kamtschatka, & qui est habitée par une colonie russienne ; mais les habitans de la Sibérie qui demeurent aux environs du fleuve Lena, & le long de la mer Glaciale, font d’ordinaire par mer le tour du cap Sucotoinos, pour ne point tomber entre les mains des Tskalatzki & Tschatzki, deux nations cruelles & barbares qui habitent la pointe de la Sibérle au nord-est, & qui sont ennemies mortelles des Russes.

Par cette description il paroît qu’il y a un détroit qui sépare Kamtschatka du Japon, suivant les relations des Russes. Il y a dans ce détroit plusieurs petites isles, dont la principale est appellée Matmanska dans une carte publiée depuis 1730 par J. B. Homann, & cette isle pourroit bien être la même que le Matzumai de quelque cartes japonoises.

Il semble aussi qu’il n’est plus douteux, par les belles découvertes des Russes en 1731, qu’il n’y ait au nord du Japon un passage libre pour aller par mer au Kamtschatka ; qu’en suivant la côte on ne parvienne à un détroit qui joint la mer du sud à la mer Glaciale, & dont la partie la plus étroite, qui n’a pas plus de 40 lieues de large, se trouve sous le cercle polaire ; qu’enfin à l’est de ce continent, on ne trouve une terre qui, selon le rapport des habitans, fait une partie du grand continent, abondant en fourrures, & que, selon les apparences, il appartient à l’Amérique septentrionale.

Si toutes ces choses sont vraies, il y a longtems que la Géographie n’avoit fait un si grand pas vers la connoissance desirée du globe terrestre. (D. J.)