L’Encyclopédie/1re édition/MÉDAILLON

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MÉDAILLON, (Art numismat.) médaille d’une grandeur extraordinaire, & communément d’un beau travail. Nous avons emprunté des Italiens le mot de médaillon pour exprimer une grande médaille, comme le mot de sallon pour signifier une grande salle.

La plûpart des antiquaires prétendent que les médaillons n’étoient pas des monnoies courantes, du moins chez les Romains ; mais qu’on les frappoit comme des monumens publics, pour répandre parmi le peuple, dans les cérémonies des jeux & des triomphes, ou pour donner aux ambassadeurs & aux princes étrangers. Ces pieces étoient nommées par les Latins missilia.

Il y a des médaillons d’or, d’argent & de bronze, & comme ceux d’or sont fort rares, les particuliers qui en possédent, se contentent de les mettre à la tête de l’or ou de l’argent, pour faire l’honneur de leur cabinet.

Le cardinal Gaspard Carpegna est un des premiers qui se soit attaché à former une suite de médaillons. Cependant dans la premiere édition de son recueil, on en fit graver seulement 23, & on donna la description de 45. Dans la suite cette collection s’étant fort augmentée, dans la seconde édition, à laquelle on ajouta les observations de M. Buonarotti, on en fit graver jusqu’à 129. M. Vaillant en a décrit environ 450 depuis César jusqu’à Constance, qu’il avoit vûs dans différens cabinets de France & d’Italie. On publia à Venise il y a quelques années, sans date, & sans nom de ville ni d’imprimeur, un autre recueil de médaillons sous le titre de Numismata ærea selectior a maximi moduli, è musæo Pisano olim corrario. Il s’y trouve environ 229 médaillons gravés en 92 planches.

Les chartreux de Rome avoient une très-belle collection de médaillons, qu’ils avoient aussi fait graver ; mais cette collection ayant été vendue à l’empereur, les planches sont passées avec les originaux, dans le cabinet de S. M. impériale ; & on a supprimé toutes les épreuves qui avoient été tirées, mais qui n’avoient pas encore été distribuées ; ensorte que ces gravures sont aujourd’hui d’une extrème rareté, je n’en ai vû qu’un seul exemplaire à la grande chartreuse.

Dans le siecle passé on fit graver plus de 400 médaillons qui se trouvoient alors dans le cabinet du Roi : le nombre en a été extrèmement augmenté depuis ce tems-là, & il vient de l’être tout récemment par l’acquisition que le roi a faite de tous ceux de M. le maréchal d’Estrées. Cette suite comprend tous les médaillons qui avoient appartenu à l’abbé de Camp ; outre ceux qui avoient paru avec des explications de M. Vaillant, & qui n’alloient qu’à 140, dont j’ai vû des épreuves tirées. M. l’abbé de Rothelin en avoit aussi une suite assez considérable. Ainsi on pourroit aujourd’hui, sans sortir de Paris, exécuter le projet de M. Morel, c’est-à-dire, faire graver plus de mille médaillons ; & le cabinet du Roi suffiroit seul pour fournir ce nombre, & peut-être davantage.

Il est vraissemblable que l’intention de ceux qui faisoient frapper ces médaillons n’étoit pas qu’ils servissent de monnoies ; nous pensons cependant que lorsque ces pieces avoient rempli leur premiere destination, & qu’elles étoient distribuées, on leur donnoit un libre cours dans le commerce, en reglant leur valeur à proportion de leur poids & de leur titré. C’est du moins ce que M. de la Bastie croit en pouvoir induire des contre-marques qu’il à observées sur plusieurs médaillons, telles que sur deux de Caracalla, & sur une de Mactin. Ces trois médaillons sont grecs, & il est certain que les médaillons grecs étoient de vraies monnoies. Or, selon toute apparence, les Romains suivirent l’exemple des Grecs, & mirent aussi leurs médailles au nombre des pieces de monnoie courante. Enfin cette explication nous paroît la seule qui puisse concilier les différens sentimens des antiquaires sur cette matiere.

On a avancé comme un principe fixe, que les colonies n’ont jamais battu de médaillons, mais c’est une erreur : M. Vaillant a fait graver un médaillon d’Auguste, frappé à Sarragosse, un de Livie, frappé à Patras, un de Tibere, frappé à Turiato, aujourd’hui Tarascona, en Espagne, & un autre d’Auguste, frappé à Cordoue, comme on l’apprend de la légende Colonia patricia.

On ne trouve que très-peu de médaillons d’argent battus en Italie qui soient du poids de quatre dragmes. Il n’y a eû que les Grecs qui nous aient donné communément des médaillons de ce volume, soit de leurs villes, soit de leurs rois, soit des empereurs. M. Vaillant rapporte dans son dernier ouvrage un Hadrien de ce même poids. Nous avons les Vespasiens avec l’époque Ε Τοὺς Νεοῦ Ιερῆ & M. Patin cite des médaillons de Constantius & de Constant d’un beaucoup plus grand volume, mais d’une bien moindre épaisseur. Il y a dans le cabinet du roi un Verus d’argent parfaitement beau.

Les Antiquaires font beaucoup plus de cas des médaillons que des médailles ordinaires, parce que leurs revers représentent communément ou des triomphes, ou des jeux, ou des édifices, ou des monumens historiques, qui sont les objets qu’un vrai curieux recherche davantage, & qu’il trouve avec le plus de satisfaction. Ainsi l’on doit bien de la reconnoissance à ceux qui nous ont fait connoître les médaillons de leurs cabinets. Erizzo a commencé à nous en faire voir, M. Tristan en a fait graver plusieurs, M. Patin nous en a donné de fort beaux dans son trésor, M. Carcavi a mis au jour ceux du cabinet du Roi, & M. l’abbé de Camps publia les siens quelque-tems après, avec les belles explications de M. Vaillant.

Le recueil des médaillons de M. l’abbé de Camps parut sous ce titre : Selectiora Numismata in are maximi moduli, è musoeo, Ill. D. Francisci de Camps, abbatis sancti Marcelli, &c. concisis intérpretationibus per D. Vaillant D. M. &c. illustrata. Paris 1695. in-4°. Mais pour réunir tout ce que nous avons de mieux écrit sur les médaillons, il faut joindre à ce recueil, sceltà dè medaglioni più rari, n’ella BBa. d’ell eminentissimo & reverend. principe, il signor card. Gasparo Carpegna, Rom, 1679. in-4°. Les explications sont de Jean-Pierre Bellori. Dans la suite le nombre des médaillons du cardinal Carpegna ayant été fort augmenté, on les donna de nouveau au public avec les observations du sénateur Philippe Buonarotti ; osservazioni istoriche sopra alcuni medaglioni antichi : all’altezza serenissima di Gosimo III. grand duca di Toscana, Rom. 1698. grand in-4°. c’est un excellent ouvrage. (D. J.)