L’Encyclopédie/1re édition/MARÉCHAL

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MARÉCHAL, s. m. (Hist. mod. & art mil.) il y a un grand nombre d’officiers de ce nom. Voyez les articles suivans.

Maréchal de Bataille, (Art milit.) c’étoit autrefois, dans les armées de France, un officier dont la principale fonction étoit de mettre l’armée en bataille, selon l’ordre dans lequel le général avoit résolu de combattre. Ce titre ne paroît pas plus ancien que Louis XIII. Il s’est seulement conservé dans le commencement du regne de Louis XIV. Il n’en est plus question depuis la guerre de Hollande en 1672.

Marechal de camp, (Art militaire.) officier général de l’armée dont le grade est immédiatement au-dessus de celui de brigadier, & au-dessous de celui de lieutenant général.

C’est l’officier de l’armée qui a le plus de détail lorsqu’il veut bien s’appliquer à remplir tous les devoirs de son emploi. On peut dire qu’un officier qui s’en est acquitte dignement pendant sept à huit ans de pratique & d’exercice, est très-capable de remplir les fonctions de lieutenant général.

C’est sur le maréchal de camp que roule le détail des campemens & des fourrages.

Il est de jour comme le lieutenant général, dont il prend l’ordre, pour le donner ensuite aux majors généraux de l’armée. Son poste dans une armée est a la gauche des troupes qui sont sous les ordres du lieutenant général & sous les siens.

Quand le général veut faire marcher l’armée, il donne ses ordres au maréchal de camp, qui conduit le campement & l’escorte nécessaire pour sa sûreté, aux lieux qui lui ont été indiqués. Lorsqu’il est arrivé, il doit envoyer des partis dans tous les endroits des environs, pour reconnoître le pays & observer s’il n’y a point de surprise à craindre de l’ennemi : on ne sauroit être trop alerte & trop vigilant sur ce sujet ; mais il est à-propos de ne faire aller à la découverte que de petits partis conduits par des officiers intelligens, afin de ne point fatiguer excessivement & sans nécessité les troupes de l’escorte.

Avant que de faire marquer le camp, il doit en poster les gardes & sur-tout n’en pas trop mettre, car c’est ce qui fatigue extrèmement l’armée quand il faut les relever journellement. Il est absolument nécessaire d’épargner aux troupes toutes les fatigues inutiles, elles en ont toujours assez, sans qu’il soit besoin de leur en ajoûter de superflues.

Quand les gardes sont postées & que le terrein est bien reconnu, le maréchal de camp doit examiner, conjointement avec le maréchal des logis de l’armée & les majors généraux, la disposition qu’il veut donner au camp, & observer de mettre les troupes dans le terrein qui leur convient. Il prend ensuite les points de vûe nécessaires pour l’alignement du camp. Le maréchal général des logis fait après cela la distribution du terrein aux officiers majors de l’infanterie & de la cavalerie, qui en font la répartition aux majors des régimens, suivant l’étendue fixée pour le front de chaque bataillon & de chaque escadron.

Le maréchal de camp doit s’instruire des fourrages qui se trouvent dans les environs du camp, & rendre après cela compte au général de tout ce qu’il a fait & observé.

Les maréchaux de camp ont à proportion de leur rang des honneurs militaires réglés par les ordonnances.

Un maréchal de camp qui commande en chef dans une province par ordre de sa majesté, doit avoir une garde de quinze hommes commandés par un sergent, sans tambour. Il en sera de même s’il commande sous un chef au dessus de lui.

Si un gouverneur de place est maréchal de camp, l’usage est que l’officier de garde fasse mettre sa garde en haie & le fusil sur l’épaule lorsque le gouverneur passe, mais le tambour ne bat pas.

Que si le maréchal de camp a ordre pour commander en chef un corps de troupes, alors il a pour sa garde trente hommes avec un tambour, commandés par un officier, & le tambour doit appeller quand il passe devant le corps-de-garde.

Les maréchaux de camp ont en campagne neuf cens livres d’appointemens par mois de campagne ou de 45 jours.

Le grade de maréchal de camp est aujourd’hui une charge dont l’officier est pourvu par brevet du roi.

Maréchal de France, (Art milit.) c’est le premier officier des troupes de France. Sa fonction principale est de commander les armées en chef. Voyez Général.

Le P. Daniel prétend que c’est du tems de Philippe Auguste qu’on voit pour la premiere fois le commandement des armées joint à la dignité de maréchal. Avant ce prince l’office de maréchal étoit une intendance sur les chevaux du prince, aussi-bien que celui de connétable, mais subordonné & inférieur à celui-ci.

Le premier maréchal de France qu’on trouve avoir quelque commandement dans les armées, est Henri Clement, qui étoit à la tête de l’avant-garde dans la conquête que Philippe Auguste fit de l’Anjou & du Poitou, ainsi que Guillaume le Breton, historien de ce prince le rapporte. On voit dans le même historien que ce maréchal commandoit l’armée par sa dignité de maréchal.

Jure marescalli cunctis pralatus agebat.

La dignité de maréchal de France n’étoit point à vie dans ces premiers tems : celui qui en étoit revêtu la quittoit lorsqu’il étoit nommé à quelqu’autre emploi qu’on jugeoit incompatible avec les fonctions de maréchal. Il y en a plusieurs exemples dans l’histoire, entr’autres celui du seigneur de Morcul, qui étant maréchal de France sous Philippe de Valois, quitta cette charge pour être gouverneur de son fils Jean, qui fut son successeur sur le trône, mais il y fut rétabli dans la suite.

Il n’y eut d’abord qu’un maréchal de France lorsque le commandement des armées fut attaché à cette dignité ; mais il y en avoit deux sous le regne de S. Louis : car quand ce prince alla à son expédition d’Afrique, l’an 1270, il avoit dans son armée avec cette qualité Raoul de Sores, seigneur d’Estrées, & Lancelot de Saint Maard. François I. en ajouta un troisieme, Henri II. un quatrieme ; ses successeurs en ajouterent encore plusieurs autres : mais il fut ordonné aux états de Blois, tenus sous le regne de Henri III. que le nombre des maréchaux seroit fixé à quatre. Henri IV. fut néanmoins contraint de se dispenser de cette loi, & d’en faire un plus grand nombre, qui a encore augmenté par Louis XIII. & par Louis XIV. Il s’en est trouvé jusqu’à vingt sous le regne de ce prince, après la promotion de 1703.

La dignité de maréchal de France est du nombre de celles qu’on appelle charges de la couronne, & il y a déja long-tems : on le voit par un acte rapporté par le P. Anselme, où il est dit : En l’arrêt du duc d’Orléans, du 25 Janvier 1361, est narré que les offices de maréchaux de France appartiennent à la couronne, & l’exercice auxdits maréchaux, qui en font au roi foi & hommage.

Les maréchaux ont un tribunal où ils jugent les querelles sur le point d’honneur, & de diverses autres choses qui ont rapport à la guerre & à la noblesse. Ils ont des subdélégués & lieutenans dans les provinces pour en connoître en premiere instance, avec leur jurisdiction au palais à Paris, sous le titre de connétablie & maréchaussée de France. Ils ont des officiers qui exercent la justice en leur nom.

Le revenu de leur charge n’étoit autrefois que de 500 livres, encore ils n’en jouissoient que pendant qu’ils en faisoient les fonctions ; à-présent leurs appointemens sont de 12000 livres même en tems de paix. Quand ils commandent l’armée, ils en ont de beaucoup plus forts, savoir 8000 livres par mois de 45 jours : outre cela, le roi leur entretient un secrétaire, un aumônier, un chirurgien, un capitaine des gardes, leurs gardes, & plusieurs aides de camp.

Les maréchaux de France, en quelque ville qu’ils le trouvent, quand même ils n’y seroient point de service, ont toujours une garde de 50 hommes, compris deux sergens & un tambour, commandés par un capitaine, un lieutenant, avec l’enseigne & son drapeau.

Lorsqu’ils entrent dans une ville, on fait border les murs d’une double haie d’infanterie, depuis la porte par où ils entrent jusqu’à leur logis : les troupes présentent les armes, les officiers saluent, & les tambours battent aux champs. S’il y a du canon dans la place, on le salue de plusieurs volées de canon.

La dignité de maréchal de France ne s’obtenoit autrefois que par le service sur terre, mais Louis XIV. l’a aussi accordée au service de mer. Jean d’Etrées, pere du dernier maréchal de ce nom, est le premier qui l’ait obtenu : il y en a eu depuis plusieurs autres, comme MM. de Tourville, de Château-Renaud, &c.

Les maréchaux de France portent pour marque de leur dignité, deux bâtons d’azur semés de fleurs-de-lis d’or, passés en sautoir derriere l’écu de leurs armes. Hist. de la milice françoise.

Maréchal général des camps et armées du Roi, (Art. milit.) c’est une charge militaire qui se donne à-présent à un maréchal de France auquel le roi veut accorder une distinction particuliere. Dans son origine elle étoit donnée à un maréchal de camp, & c’étoit alors le premier officier de ce grade. Le baron de Biron en étoit pourvu avant que d’être élevé au grade de maréchal de France ; il en donna sa démission lorsque le roi le fit maréchal de France le 2 Octobre 1583. Voyez sur ce sujet la chronologie militaire par M. Pinard, tome I. p. 320, & le commencement du tome II. du même ouvrage.

La charge de maréchal général des camps & armées du roi fut ensuite donnée à des maréchaux de France. On trouve dans l’histoire des grands officiers de la couronne, trois maréchaux de France qui en ont été revêtus, le maréchal de Biron, second du nom, le maréchal de Lesdiguieres, depuis connétable de France, & M. le vicomte de Turenne. On trouve dans le code militaire de M. de Briquet, les provisions de cette charge pour M. de Turenne : elles ne portent point qu’il aura le commandement sur les autres maréchaux de France ou qu’ils lui seront subordonnés ; c’est la raison sans doute pour laquelle le feu roi ordonna en 1672 qu’ils fussent sous ses ordres, sans tirer à conséquence.

Depuis M. de Turenne, M. le maréchal de Villars à obtenu cette même charge en 1733, & M. le maréchal de Saxe en 1746.

Maréchal général des logis de la cavalerie, (Art milit.) c’est en France un officier qui a à-peu-près les mêmes fonctions & les mêmes détails dans la cavalerie que le major général dans l’infanterie. Voyez Major général. Cet officier va au campement ; il distribue le terrein pour camper la cavalerie sous les ordres du maréchal de camp de jour, dont il prend l’ordre pour le donner aux majors de brigades ; il a chez lui à l’armée un cavalier d’ordonnance pour chaque brigade, afin d’y porter les ordres qu’il peut avoir à donner. Cette charge, selon M. le comte de Bussy, ne paroît point avant le regne de Charles IX.

Il y a, outre la charge de maréchal général des logis de la cavalerie, deux autres officiers qui ont le titre de maréchal des logis de la cavalerie, dont la création est de Louis XIV, ils font dans les armées, lorsque le maréchal général de la cavalerie n’y est point, les mêmes fonctions qui appartiennent à cet officier : ils ont les mêmes honneurs & privileges, & des aides de même que lui. Hist. de la milice françoise.

Maréchal général des logis de l’armée, (Art milit.) est un des principaux officiers de l’armée, dont l’emploi demande le plus de talens & de capacité. Ses fonctions consistent à diriger les marches avec le général, à choisir les lieux où l’armée doit camper, & à distribuer le terrein aux majors de brigade. Cet officier est chargé du soin des quartiers de fourrage, & d’instruire les officiers généraux de ce qu’ils ont à faire dans les marches & lorsqu’ils sont de jour. Le roi lui entretient deux fourriers, dont les fonctions sont de marquer dans les villes & les villages que l’armée doit occuper, les logemens des officiers qui ont le droit de loger.

Le maréchal général des logis de l’armée est en titre d’office, mais le titulaire de cette charge n’en fait pas toujours les fonctions : le roi nomme souvent pour l’exercer un brigadier, un maréchal de camp ou un lieutenant général. Celui qui est chargé de cet important emploi, doit avoir une connoissance parfaite du pays où l’on fait la guerre ; il ne doit rien négliger pour l’acquérir. Ce n’est qu’à force d’usage & d’attention, dit M. le maréchal de Puységur sur ce sujet, qu’on peut y parvenir ; que l’on apprend à mettre en œuvre dans un pays tout ce qui est praticable pour faire marcher, camper & poster avantageusement des armées, les faire combattre, ou les faire retirer en sûreté.

Comme tous les mouvemens de l’armée concernent le maréchal général des logis, il faut qu’il soit instruit des desseins secrets du général, pour prendre de bonne heure les moyens nécessaires pour les exécuter. Quoique cet officier n’ait point d’autorité sur les troupes, la relation continuelle qu’il a avec le général pour tous les mouvemens de l’armée, lui donne beaucoup de considération, sur-tout, dit M. de Feuquiere, lorsqu’il est entendu dans ses fonctions.

Maréchal des logis, le, (Art milit.) dans une compagnie de cavalerie & de dragons est un bas officier qui est comme l’homme d’affaire du capitaine ; il a sous lui un brigadier & un soubrigadier : ces deux derniers sont compris dans le nombre des cavaliers ou dragons ; ils ont cependant quelque commandement sur les autres.

Le maréchal des logis doit faire souvent la visite dans les tentes, pour voir si les cavaliers ne découchent point, & s’ils ont le soin qu’il faut de leur équipage. C’est lui qui porte l’ordre aux officiers de sa compagnie ; il doit être pour ainsi dire l’espion du capitaine, pour l’avertir exactement de tout ce qui se passe dans sa compagnie. Lorsqu’il s’agit de faire quelque distribution aux cavaliers, soit de pain ou de fourrage, c’est le maréchal de logis qui doit les conduire au lieu où se fait la distribution.

Maréchal. (Hist. de Malte.) Le maréchal, dit M. de Vertot, est la seconde dignité de l’ordre de Malte, car il n’y a que le grand-commandeur devant lui. Cette dignité est attachée à la langue d’Auvergne dont il est le chef & le pilier. Il commande militairement à tous les religieux, à la réserve des grands-croix, de leurs lieutenans, & des chapelains. En tems de guerre, il confie le grand étendard de la religion au chevalier qu’il en juge le plus digne. Il a droit de nommer le maitre-écuyer ; & quand il se trouve sur mer, il commande non seulement le général des galeres, mais même le grand-amiral. (D. J.)

Maréchal ferrant, (Art méchan.) est un ouvrier dont le métier est de ferrer les chevaux, & de les panser quand ils sont malades ou blessés. Voyez Ferrer.

Les instrumens du maréchal sont les flammes, la lancette, le bistouri, la feuille de sauge, les ciseaux, les renettes, la petite gouge, l’aiguille, les couteaux & les boutons de feu, le brûle-queue, le fer à compas, l’esse de feu, la marque, la corne de chamois, le boétier, la corne de vache, la cuiller de fer, la seringue, le pas-d’âne, le leve-sole, la spatule, &c. Voyez tous ces instrumens aux lettres & aux figures qui leur conviennent.

Les jurés & gardes de la communauté des maréchaux se choisissent entre les anciens & les nouveaux. Deux d’entr’eux sont renouvellés chaque année, & pris parmi ceux qui ont été deux ans auparavant maîtres de la confrairie de S. Eloi patron de la communauté, & encore auparavant bâtonniers de la même confrairie.

Chaque maître ne peut avoir qu’un apprentif outre ses enfans : l’apprentissage est de trois ans.

Tout maréchal a son poinçon dont il marque son ouvrage, & dont l’empreinte reste sur une table de plomb déposée au châtelet.

Avant d’être reçus maîtres, les apprentifs font chef-d’œuvre, & ne peuvent tenir boutique avant l’âge de 24 ans ; permis néanmoins aux enfans de maitres, dont les peres & meres seront morts, de la lever à dix huit ans.

Aucun maître, de lettres, ne peut entrer en jurande, qu’il n’ait tenu boutique douze ans.

Il n’appartient qu’aux seuls maréchaux de priser & estimer les chevaux & bêtes chevalines, & de les faire vendre & acheter, même de prendre ce qui leur sera volontairement donné pour leurs peines par les vendeurs & acheteurs, sans pouvoir y être troublés par aucuns soi-disans courtiers ou autres.