L’Encyclopédie/1re édition/MARAIS

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MARAIS, s. m. (Géograph.) lieu plus bas que les lieux voisins, où les eaux s’assemblent & croupissent, parce qu’elles n’ont point de sortie ; on appelle aussi marais certains lieux humides & bas, où l’eau vient quand on creuse un pié ou deux dans la terre.

Les Grecs ont deux mots pour exprimer un marais, savoir elos, qui répond assez à l’idée que nous avons du mot marais, c’est-à-dire une terre basse noyée d’eau ; & limné, que les Latins rendent également par palus & par stagnum, un marais ou un étang, c’est à-dire un terrein couvert d’eau. Mais les Latins ont fort étendu le sens du mot palus, car ils l’emploient à signifier un lac ; ainsi ils ont dit le Palus Méotide, pour désigner un grand lac, qui mérite bien le nom de mer, & qui est à l’embouchure du Don.

Les marais se forment de plusieurs manieres différentes.

Il y a des terres voisines des rivieres, le débordement arrivé, l’eau se répand sur ces terres, y fait un long séjour, & les affaisse. Pour lors ces terres deviennent des marais & restent telles, à moins que l’ardeur du soleil ne les desseche, ou que l’art ne fasse écouler ces eaux. On est parvenu à cet art pour ne pas perdre le terrein, en pratiquant des canaux par où l’eau s’écoule, & en coupant des fossés, dont la terre sert à relever les prairies & à ramasser les eaux auxquelles on ménage un cours, soit par des moulins, soit par quelqu’autre artifice semblable. On empêche de cette maniere que de grands terreins ne restent inondés. Les Hollandois ont desséché quantité de marais par cette invention, & c’est ce qu’ils nomment des polders.

Il arrive encore que dans un terrein inculte & dépeuplé, les plantes sauvages naissent confusément, & forment avec le tems, un bois, une forêt ; les eaux s’assemblent dans un fond, & les arbres qui les couvrent en empêchent l’évaporation. Voilà un marais fait pour toujours. Il y a de tels marais à Surinam, qui ont commencé avec le monde, & qui ont des centaines de lieues d’étendue.

Les marais qui ne consistent qu’en une terre très-humide, se corrigent par des saignées, & deviennent capables de culture, comme le prouvent un grand nombre de lieux des Pays-bas & des Provinces-unies.

L’art même vient à-bout de dessécher les terres que l’eau couvre entierement. Il n’a tenu qu’au gouvernement de Hollande de consentir que l’espace qu’occupe aujourd’hui la mer de Harlem, qui n’est proprement qu’un marais inondé, ne se changeât en un terrein couvert de maisons & de prairies. Cela seroit exécuté depuis longtems, si les avantages qu’on en tireroit avoient paru sans risque & supérieurs à ceux que cette mer procure au pays.

Il y a des marais qu’il ne seroit ni aisé ni utile de dessécher ; ce sont ceux qui sont arrosés d’un nombre plus ou moins grand de fontaines, dont les eaux se réunissant dans une issue commune, se frayent une route, & forment une riviere qui se grossissant de divers ruisseaux, fait souvent le bonheur de tout le pays qu’elle arrose.

On appelle à Paris improprement marais, des lieux marécageux, bonifiés & rehaussés par les boues de la ville qu’on y a apportées, & où à force de fumier, on fait d’excellens jardinages.

On appelle sur les côtes de France marais salans, des lieux entourés de digues, où dans le tems de la marée, on fait entrer l’eau de la mer qui s’y change en sel. (D. J.)

Marais, (Jardinage.) est une espece de légumier situé dans un lieu bas, tel qu’on en voit aux environs de Paris, de Londres, de Rome, de Venise, & des grandes villes.

Marais salans, voyez l’article Saline.