L’Encyclopédie/1re édition/MULTIPLICATION

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MULTIPLICATION, s. f. en Arithmétique, c’est une opération par laquelle on prend un nombre autant de fois qu’il est marqué par un autre, afin de trouver un résultat que l’on appelle produit. Si l’on demandoit, par exemple, la somme de 329 liv. prises 58 fois ; l’opération par laquelle on a coûtume, en Arithmetique, de déterminer cette somme, est appellée multiplication. Le nombre 329, que l’on propose de multiplier, se nomme multiplicande ; & le nombre 58, par lequel on doit multiplier, est appellé multiplicateur ; & enfin on a donné le nom de produit au nombre 19082, qui est le résultat de cette opération. Voici comment elle s’exécute.

Multiplicande, xxxxxxx xxxxxxx329.
Multiplicateur, xxxxxxx58.
xxxxxxx2632.
xxxxxxx1645.
xxxxxxx19082. Produit.

Après avoir disposé le multiplicateur 58 sous le multiplicande 329, c’est-à-dire les unités de l’un sous les unités de l’autre, les dixaines sous les dixaines, &c. & avoir tiré une ligne, je dis 8 fois 9 = 72 ; je pose 2 & je retiens 7, comme dans l’addition ; ensuite 8 fois 2 = 16, auxquels ajoutant 7 j’ai 23 ; je pose donc 3 & retiens 2 ; après quoi je dis, 8 fois 3 = 24 & 2 retenus font 26 ; j’écris 6 & pose 2 en avançant vers la gauche.

Quand j’ai opéré sur le multiplicande 329 avec le premier nombre 8 du multiplicateur ; je répete une opération semblable avec le nombre suivant 5, ayant soin de mettre le premier chiffre de ce nouveau produit sous les dixaines, parce qu’alors ce sont des dixaines qui multiplient ; & faisant ensuite l’addition des deux produits 2632 & 1645 disposés comme on le voit dans l’exemple, je trouve que le produit total est 19082.

S’il y avoit eu trois chiffres au multiplicateur, on auroit agi sur le multiplicande avec le troisieme chiffre du multiplicateur, de même que l’on a fait avec les deux premiers, observant de placer le premier chiffre de ce troisieme produit sous le chiffre qui multiplie ; ce qui est une loi générale dont la raison est bien évidente ; car à la troisieme place ce sont des cent qui commencent à multiplier des unités, ils produisent donc des cent, & par conséquent il faut en placer le premier chiffre sous la colonne des cent, &c.

On voit donc que toute la difficulté de la multiplication consiste à trouver sur le champ le produit d’un chiffre par un autre chiffre. Ainsi il n’y a qu’à apprendre par cœur la table de multiplication. Voyez Table de Pythagore.

La théorie de cette regle est sujette à des difficultés qui embarrassent les commençans : 45 ouvriers ont fait chacun 26 toises d’ouvrage, quel est le produit total ? quoique le bon sens dise bien clairement qu’il faut multiplier 26 par 45, il paroît toûjours étrange que des toises multiplient des ouvriers. Effectivement cela ne peut pas être. C’est pourquoi quand on propose de multiplier 26 toises par 45 ouvriers, la question se réduit uniquement à prendre 26 toises 45 fois ; & par-là on apperçoit évidemment qu’il n’y a que multiplication de toises.

Cette opération se fait avec beaucoup de célérité, quand il y a plusieurs zéros de suite, soit au multiplicateur soit au multiplicande, sur-tout quand les zéros commencent par la place des unités. Vous avez, par exemple, 2000 à multiplier par 300 ; ne faites pas d’abord attention aux trois zéros du multiplicande, ni aux deux zéros du multiplicateur ; faites simplement l’opération sur les deux chiffres 2, 3, pour avoir leur produit 6, à la suite duquel vous placerez tant les zéros du multiplicande que ceux du multiplicateur, c’est-à-dire cinq zéros en ce cas ; & vous aurez 600000, qui est le produit de 2000 par 300.

Quand les zéros sont mélés avec les chiffres significatifs, vous prendrez toûjours pour multiplicateur celui des deux nombres où il y a moins de chiffres significatifs ; parce que les zéros ne multiplicant jamais, l’opération va plus vîte. Vous avez, par exemple, 500203 à multiplier par 80009 : disposez les nombres comme vous le voyez ici.

xxxxxxx500203.
xxxxxxx80009.
xxxxxxx4501827.
xxxxxxx4001624.xxxx
xxxxxxx40020741827.

où vous remarquerez qu’après avoir fait agir le 9 du multiplicateur l’on a passé tout-d’un-coup à son chiffre 8, qui est à la cinquieme place, & cela par la raison que les zéros ne sauroient rien produire.

Parlons maintenant de la multiplication composée, c’est-à-dire de celle où il y a des quantités de différente espece. On demande à combien reviennent 35 aunes d’étoffe à 24 liv. 15 s. l’aune.

35 aunes
à 24 l. 15 s. l’aune.
140
70
840
Pour 10 s. 17 10
Pour 5 s. 8 15
866 l. 5 s.

Sans faire d’abord attention aux 15 s. on multipliera 35 par 24, dont le produit est 840 liv. après quoi on cherchera ce que produiront 35 aunes à 15 s. l’aune. On observera donc que 15 s. = 10 s. + 5 s. prenons 35 aunes à 10 s. il est certain que si 10 s. valoient une livre, 35 aunes vaudroient 35 livres : mais 10 s. ne sont que la moitié d’une livre ; par conséquent 35 aunes ne vaudront que la moitié de 35 liv. = 17 liv. 10 s. On placera donc ces nombres ainsi que l’opération l’indique ; & l’on prendra ensuite la valeur de 35 aunes à 5 s. mais comme 35 aunes à 10 s. ont produit 17 liv. 10 s. il est évident que 35 aunes à 5 s. produiront la moitié de 17 liv. 10 s. = 8 liv. 15 s. que l’on écrira sous le produit précédent ; faisant ensuite l’addition des différens produits, on trouvera que le produit total est 866 l. 5 s.

Cette maniere de multiplier s’appelle multiplication par les parties aliquotes. Les parties aliquotes d’une quantité sont celles qui divisent exactement & sans reste la quantité dont elles sont parties : ainsi 10 s. est une partie aliquote de la livre, ils en sont la deuxieme partie ; 5 s. en sont le quart, 2 s. le dixieme, & 1 s. le vingtieme. Mais 9 s. ou 7 s. ne sont pas des parties aliquotes de la livre, parce que 9 & 7 ne divisent pas 20 s. valeur de la livre exactement & sans reste : mais il est facile de transformer ces quantités en parties aliquotes de la livre ; car 9 s. = 4 s. + 5 s. parties aliquotes de la livre.

La preuve de la multiplication se fait en divisant le produit par un des deux facteurs, l’autre facteur doit venir au quotient si l’opération est bien faite ; savoir le multiplicande, si on a divisé par le multiplicateur, & le multiplicateur si on a divisé par le multiplicande. Ou bien mettez le multiplicateur en la place du multiplicande, & faisant l’opération à l’ordinaire, vous devez retrouver le même produit qu’auparavant : car il est clair que 6 × 8 ou 8 × 6 produisent également 48.

La multiplication en croix est une méthode promte & facile pour multiplier des choses de différentes especes ou dénominations par d’autres de différente espece aussi, par exemple des sols & des deniers par des sols & des deniers, des piés & des pouces par des piés & des pouces ; ce qui est fort usité dans la mesure des terreins. En voici la méthode.

Piés. pouces.

Supposons qu’on ait 5 piés 3 pouces à multiplier par 2 piés 4 pouces ; dites, 2 fois 5 piés font 10 piés, & 2 fois 3 pouces font 6 pouces ; ensuite 4 fois 5 font 20 pouces, ou 1 pié 8 pouces ; enfin 4 fois 3 font 12 parties de pié, ou 1 pouce : la somme de ces trois produits sera 12 piés 3 pouces.

5 3
2 4
10 6
1 8
1
12 3

On pourroit encore faire cette opération d’une maniere assez commode, en considérant les pouces comme des fractions de pié ; ce qui réduiroit l’exemple proposé à cette forme, 5 piés 2 piés  ; car 3 pouces sont le quart d’un pié, & 4 pouces en sont le tiers ; après quoi réduisant chaque terme à une seule fraction, l’on auroit  ; produit qui revient précisément au même que le précédent, puisque de pié = 3 pouces.

La multiplication, en Géométrie, se fait en supposant qu’une ligne ab (Pl. Géométr. fig. 9.) qu’on appelle décrivante, se meuve perpendiculairement le long d’une autre, qu’on appelle la directrice ou dirigente. Voyez Décrivant, &c.

Par ce mouvement la décrivante forme le rectangle adcb ; & si on divise la décrivante & la directrice en un certain nombre de parties égales, on formera par le mouvement autant de petits rectangles qu’il y a d’unités dans le produit du nombre des parties de la décrivante par le nombre des parties de la directrice ; par exemple, ici, 21. Voy. Directrice. En effet, quand la ligne ab a parcouru une partie de ad, les trois parties de la ligne ab ont formé trois petits rectangles dans la premiere colonne. Quand la ligne ab a parcouru deux parties de ad, il y a trois rectangles nouveaux de plus, & ainsi de suite. C’est pour cette raison que la multiplication s’exprime souvent en latin par le mot ducta, conduite ; & c’est delà que vient aussi le mot produit. Ainsi pour dire que ab est multiplié par bc, on dit ab ducta in bc, parce qu’on imagine qu’une de ces lignes se meuve perpendiculairement & parallelement le long de l’autre, pour former un rectangle : de sorte qu’en Géométrie rectangle & produit sont la même chose.

Maintenant comme dans toute multiplication l’unité est à un des facteurs comme l’autre est au produit, on peut faire ainsi la multiplication en lignes. Supposons qu’on ait ab = 2 (fig. 10.) à multiplier par ad = 3. On fera un angle à volonté ; sur un des côtés de cet angle, on prendra la ligne au = 1, & sur le même côté on prendra ad pour le multiplicateur (3) ; ensuite on prendra sur l’autre côté de l’angle ab (2) pour le multiplicande ; on tirera ub, & par le point d la ligne dc parallele à ub : je dis que ac est égal à 6, & est par conséquent le produit ; car au : ad ∷ ab : ac.

La multiplication algébrique est beaucoup plus simple que la numérique ; car pour multiplier une grandeur algébrique par une autre, il ne s’agit que d’écrire ces quantités les unes à côté des autres sans aucun signe ; ainsi a multiplié par b produit ab ; cd multiplié par m donne cdm : mais pour s’exprimer avec plus de facilité, on observera que le signe × signifie multiplié par, & que celui ci = veut dire égale ou vaut : ainsi a × b = ab, signifient que a multiplié par b égale ab, &c. où l’on voit que des quantités algébriques sont censées multipliées l’une par l’autre, dès qu’elles sont écrites les unes immédiatement à côté des autres, sans aucun signe ; ce qui est une pure convention : mais les grandeurs algébriques sont presque toûjours précédées de coëfficiens & des signes + ou −. Voyez Coefficiens & Signe. En ce cas 1°. , en disant , ensuite  ; enfin  ; ensorte que est le produit de .

2°. Si l’on a une grandeur négative à multiplier par une grandeur positive, le produit doit être affecté du signe − : ainsi , en disant  ; après cela , que l’on écrira à la suite du signe −, &  : le produit total de est donc .

3°. Le produit d’une grandeur positive par une négative doit aussi être affecté du signe − ; c’est pourquoi ; ce que l’on détermine en disant + × − = − : 4 × 1 (que l’on suppose toûjours précéder la quantité qui n’en est pas accompagnée) = 4 : enfin . Ainsi le produit de +4rs par −bd = −4bdrs; ce qui suppose que + × − = − ; nous allons bientôt le démontrer.

4°. Deux grandeurs négatives ou affectées du signe − donnent + à leur produit, lorsqu’elles se multiplient ;  : & c’est ce qui ne paroît pas aisé à concevoir. Comment moins par moins peut-il donner plus ? Examinons la maniere dont les signes agissent les uns sur les autres.

Démonstration des regles précédentes. La multiplication des coefficiens ne fait aucune difficulté ; ce sont des nombres qui se multiplient, comme dans l’Arithmétique ; celle des quantités algébriques est de pure convention. Il n’y a donc que la multiplication des signes qui mérite une bonne explication ; il faut prouver que + × + = + ; que + × − = − ; que − × + = − ; que − × − = +.

1°. +3 × +4 doit donner +12 ; car le multiplicateur +4 étant affecté du signe +, montre qu’il faut prendre la quantité +3 positive autant de fois qu’il est marqué par 4 ; c’est-à-dire qu’il la faut prendre 4 fois telle qu’elle est : or 4 fois × 3 = +3 +3 +3 +3 = +12 ; ainsi + × + = +.

2°. +3 × −4 = −12. Remarquez que le multiplicateur 4 étant affecté du signe − fait connoître qu’il faut retrancher la grandeur +3 quatre fois ; or pour retrancher du positif il faut mettre du négatif : on écrira donc . On voit donc pourquoi + × − = −.

3°. −3 × +4 = −12 ; car le multiplicateur 4 étant positif signifie qu’il faut prendre-3 quatre fois, & par conséquent écrire  : ainsi − × + = −.

5°. −3 × −4 = +12. On doit toûjours se régler sur le signe du multiplicateur ; son signe étant négatif, le multiplicateur −4 indique qu’il faut retrancher −3 quatre fois : or pour ôter − on écrit + (Voyez Soustraction.) Donc pour ôter −3 quatre fois, on écrira + 3 + 3 + 3 + 3 = +12. Ce n’est pas à l’apparence qu’il faut s’en tenir ; on doit toûjours remonter à la valeur fondamentale des signes. On a donc tout ce que l’on s’étoit proposé de démontrer.

Ainsi on peut établir une regle générale très-simple pour la multiplication des signes. Toutes les fois que les quantités qui se multiplient ont le même signe, on écrira + au produit (puisque , & que ) ; mais on écrira −, quand elles auront des signes différens ; car  ; &, ainsi qu’on l’a démontré ci dessus.

Nous venons de donner les regles de la multiplication par rapport aux monomes, c’est-à-dire aux quantités algébriques qui n’ont qu’un terme : quant aux polinomes, c’est-à-dire aux quantités algébriques qui ont plusieurs termes, il faut multiplier, comme dans l’Arithmétique, tous les termes du multiplicande par chaque terme du multiplicateur ; on cherche ensuite la somme de tous ces différens produits, en réduisant les quantités semblables, s’il y en a. Voyez Addition & Réduction. Exemple :

a
a
a … produit total

Pour multiplier par , on écrira le multiplicateur sous le multiplicande , comme on le voit dans l’exemple, & tirant une ligne, on dira , on écrira en supprimant le signe +. Ensuite en multipliant le terme par a, en disant  : on écrira donc à la suite de . On continuera de multiplier par a, afin d’avoir , que l’on mettra à la suite de sous la ligne. Et si le multiplicande contenoit un plus grand nombre de termes, on ne finiroit pas de multiplier par a, à moins que tous les termes du multiplicande n’eussent été multipliés par ce premier terme du multiplicateur. Quand le premier terme du multiplicateur a fait son office, on fait agir de même le second terme -c sur tous les termes du multiplicande ; ainsi l’on dira , que l’on écrira, ainsi qu’il est marqué dans l’exemple. On multipliera ensuite −2ac par × −c, en disant − × − = +.  : le produit de par est donc  ; enfin . Tous les termes du multiplicande ayant été multipliés par chaque terme du multiplicateur, on tirera une ligne sous les produits, qui en sont venus ; & faisant la réduction de ces produits, on trouvera que le produit total est .

On voit par cet exemple qu’on ne multiplie jamais qu’un monome par un monome ; ainsi la multiplication des polinomes est plus longue, mais elle n’est pas différente de celle des monomes : un plus grand nombre d’exemples seroit donc inutile, si ce n’est pour s’exercer ; mais l’on peut s’en donner à soi-même tant que l’on voudra. (E)

Nous ajouterons ici quelques réflexions sur la multiplication tant arithmétique que géométrique.

Dans la multiplication arithmétique, un des deux nombres est toûjours ou est censé être un nombre abstrait ; on en a vû ci-dessus un exemple dans le cas des 45 ouvriers, qui ont fait chacun 26 toises ; le produit est 26 toises multipliées non par 45 ouvriers, mais par le nombre abstrait 45. Ainsi la multiplication arithmétique est toûjours d’un nombre concret par un abstrait, ou d’un nombre abstrait par un abstrait. C’est donc une question illusoire, que de proposer, comme l’on fait quelquefois, aux commençans de multiplier des livres, sous, & deniers, par des livres, sous & deniers. Voyez Concret & Division.

A l’égard de la multiplication géométrique, elle n’est qu’improprement appellée telle ; on ne multiplie point des lignes par des lignes, mais on multiplie le nombre des divisions supposées dans la ligne ab par celui des divisions d’une autre ligne ad faites avec la même commune mesure (Voyez Mesure) ; & le produit de ces nombres indique le nombre de petits quarrés que contient le rectangle abcd ; sur quoi voyez la fin de l’article Equation.

A l’égard du calcul qu’on a fait ci-dessus, & par lequel on trouve la ligne ac (fig. 10 Géomét.) = 6, comme étant le produit des deux lignes ab, ad, cela signifie seulement que cette ligne est égale au produit de ab par ad, divisé par la ligne au qu’on a prise pour l’unité ; ou qu’elle est telle que son produit par au est égal au produit de ab par a d, Voyez Parallélogramme.

Sur la multiplication des fractions. Voyez Fraction & Décimal.

Multiplication des plantes, (Jardinage.) est leur vraie production ; c’est le moyen que la nature leur a donné de se reproduire sans l’union des sexes, que quelques auteurs veulent admettre.

La graine est le moyen général qui perpetue les végétaux, eux-mêmes la produisent ; & si l’on considere qu’une seule gousse de pavot contient plus de mille graines, & qu’un pié ayant plusieurs tiges donne plusieurs gousses, on trouvera ce produit immense.

Les plantes ligneuses ont encore une voie plus courte pour se multiplier ; les unes par les boutures, jettons, rejettons, sions, qu’elles poussent à leurs piés, & qu’on leve tout enracinés ; les autres par des boutures, plançons, drageons, crossettes ou branches qu’on coupe sans racines, & qu’on aiguise par un bout pour les ficher en terre ; enfin les marcottes & les provins qui sont des branches que l’on couche en terre pour leur faire prendre racines, en reproduisent plusieurs autres.

Les oignons ou cayeux qui viennent au-tour des gros, & qu’on détache pour les replanter ailleurs, multiplient les plantes bulbeuses plus promptement que si on les semoit.

Les plantes fibreuses ou ligamenteuses, outre des graines très-abondantes, ont encore à leurs piés des talles qui les multiplient à l’infini.

Un moderne (Agricola, Agriculture parfaite, pag. 220.) nous a donné la multiplication universelle des végétaux, en joignant l’art à la nature ; il prétend que la partie inférieure de l’arbre a de même que la supérieure toutes les parties essentielles à la végétation : selon l’ordre de la nature, la tige a en soi un suc d’où peuvent provenir des racines ; & on voit aux branches & aux feuilles des petits filets qui approchent des racines, & qui reprennent en terre ; la branche a donc en soi des racines enfermées matériellement, donc la racine est dans la tige ; de même une racine a de petits nœuds caleux, des coupes ou gersures qui marquent les cercles des années d’où peuvent naître de petites tiges avec leurs branches : si les tiges n’étoient pas dans les racines, au moins matériellement, elles ne pourroient pas en pousser dehors.

Il conclut de-là 2°. qu’on peut greffer plusieurs rameaux sur une grosse racine séparée du corps de l’arbre, & replanter à fleur de terre sans séparer les greffes que lorsqu’elles sont bien reprises. 2°. Qu’on peut également faire les mêmes greffes sur une racine découverte qui tient à l’arbre, en la coupant ensuite par morceaux enracinés où tiendront les greffes. 3°. Qu’une grande branche coupée en plusieurs morceaux qui auront chacun un œil, étant mise en terre par partie, & cirée par les deux bouts, reprendra parfaitement. On suppose que le morceau qui est en terre aura poussé des racines, ainsi que le font les branches de saule ou de figuier ; de même un morceau de racine cirée par les deux bouts, poussera des racines qui étant devenues fortes, donneront de belles branches, pourvu qu’on laisse un peu sortir de terre le bout supérieur de cette racine.

Cet auteur appelle cette multiplication, la cent millieme, par rapport à celle qui se fait en semant ; & il va jusqu’à faire planter des feuilles avec leurs queues en les coupant en deux par en haut, & garnissant de cire la partie coupée : il prétend par-là regarnir les bois & les planter à neuf, ainsi qu’un autre auteur (le P. Mirandola, italien, fameux jardinier), qui de cette maniere a fait prendre racine à des feuilles d’oranger.

Quand on égravillonne les orangers, au lieu de jetter les racines qu’on retranche, il veut qu’on les coupe en morceaux de deux piés, qu’on les cire par les deux bouts, qu’on y ente des branches en fente, & qu’on les replante séparément : tout le secret de l’art consiste, selon lui, à couper les branches par les jointures, & y appliquer chaudement de la cire composée, qu’il appelle la noble momie.