L’Encyclopédie/1re édition/OTAGE

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OTAGE, s. m. (Droit polit.) un ôtage est un gage de la sureté d’une convention ; l’on joint quelquefois aux traités de paix, pour sureté de leur exécution, des ôtages, des gages ou des garants. Les ôtages sont de plusieurs sortes ; car ou ils se donnent eux-mêmes volontairement, ou c’est par ordre de leur souverain, ou bien ils sont pris de force par l’ennemi : rien n’est plus commun aujourd’hui, par exemple, que d’enlever des ôtages de force pour la sureté des contributions.

Le souverain peut, en vertu de son autorité, contraindre quelques-uns de ses sujets à se mettre entre les mains de l’ennemi pour ôtage ; car s’il est en droit quand la nécessité le requiert, de les exposer à un péril de mort, à plus forte raison peut-il engager leur liberté corporelle ; mais d’un autre côté, l’état doit assurément indemniser les ôtages de tout ce qu’ils peuvent souffrir pour le bien de la société.

L’on demande, & l’on donne des ôtages pour la sureté de l’éxécution de quelque engagement ; il faut donc pour cela que l’on puisse garder les ôtages comme on le juge à-propos, jusqu’à l’accomplissement de ce dont on est convenu.

Il suit de-là qu’un ôtage qui s’est constitué tel volontairement, ou celui qui a été donné par le souverain, ne peut pas se sauver ; cependant Grotius accorde cette liberté aux derniers ; mais il faudroit pour cela, ou que l’intention de l’état fût que l’ôtage ne demeurât point entre les mains de l’ennemi, ou qu’il n’eût pas le pouvoir d’obliger l’ôtage à y demeurer. Le premier est manifestement faux ; car autrement l’ôtage ne serviroit point de sureté, & la convention seroit illusoire ; l’autre n’est pas plus vrai, car si l’état en vertu de son domaine éminent, peut exposer la vie même des citoyens, pourquoi ne pourroit-il pas engager leur liberté ? aussi Grotius convient-il lui-même, que les Romains étoient obligés de rendre Clelie à Porsenna ; mais il n’en est pas de même à l’égard des ôtages qui ont été pris par force ; car ils sont toujours en droit de se sauver, tant qu’ils n’ont pas donné leur parole qu’ils ne le feroient pas.

On demande, si celui à qui l’on a donné des ôtages peut les faire mourir, au cas que l’on n’éxécute pas ses engagemens ? Je réponds que les ôtages eux-mêmes n’ont pu donner à l’ennemi aucun pouvoir sur leur propre vie dont ils ne sont pas les maîtres. Pour ce qui est de l’état, il a bien le pouvoir d’exposer au péril de la mort la vie de ses sujets, lorsque le bien public le demande ; mais ici tout ce que le bien public exige, c’est qu’il engage la liberté corporelle de ceux qu’il donne en ôtage, & il ne peut pas plus les rendre responsables de son infidélité au péril de leur vie, qu’il ne peut faire que l’innocent soit criminel ; ainsi l’état n’engage nullement la vie des ôtages : celui à qui on les donne est censé les recevoir à ces conditions ; & quoique par l’infraction du traité, ils se trouvent à sa merci, il ne s’ensuit pas qu’il ait droit en conscience de les faire mourir pour ce sujet seul ; il peut seulement les retenir désormais comme prisonniers de guerre.

Les ôtages donnés pour un certain sujet sont libres, dès qu’on y a satisfait, & par conséquent ne peuvent pas être retenus pour une autre cause pour laquelle on n’avoit point promis d’ôtages. Que si l’on a manqué de parole en quelqu’autre chose ou contracté quelque nouvelle dette, les ôtages donnés peuvent alors être retenus, non comme ôtages, mais en conséquence de cette regle du droit des gens, qui autorise à arrêter la personne des sujets pour le fait de leur souverain.

Un ôtage est-il en liberté, par la mort du prince qui l’avoit donné ? Cela dépend de la nature du traité, pour la sureté duquel on avoit livré l’ôtage, c’est-à-dire qu’il faut examiner s’il est personnel ou réel.

Que si l’ôtage devient l’héritier & successeur du prince qui l’avoit donné, il n’est plus tenu alors de demeurer en ôtage, quoique le traité soit réel ; il doit seulement mettre quelqu’un à sa place, si l’autre partie le demande. Le cas dont il s’agit étoit tacitement excepté ; car on ne sauroit présumer qu’un prince, par exemple, qui auroit donné pour ôtage son propre fils, son héritier présomptif, ait prétendu qu’au cas qu’il vînt à mourir lui-même, l’état fût privé de son chef. (D. J.)