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L’Encyclopédie/1re édition/PERSÉPOLIS

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PERSÉPOLIS, (Géog. anc.) ville de la Perside, selon Ptolomée liv. VI. ch. iv. qui la place dans les terres. Quinte-Curce la met à 20 stades de l Araxe, & lui donne le titre de capitale de l’orient. Il est dit dans le II. liv. des Macchabées, ch. vj. v. l. & suiv. qu’Antiochus Epiphanes étant à Persépolis, dans le dessein d’y piller un temple très-riche, tout le peuple courut aux armes, & le chassa de la ville avec sa troupe ; mais comme Persépolis étoit ruinée de fond en comble du tems d’Antiochus Epiphanès, il y a nécessairement une faute dans le texte du livre que nous venons de citer. Peut-être que l’auteur a mis Persépolis pour signifier la capitale de la Perse, quoique son vrai nom fût Elymaïs.

Ce qui nous intéresse le plus, ce sont les superbes masures connues sous le nom de ruines de Persépolis. Ces ruines sont dans une vaste plaine sur la riviere de Baudemir. L’ancien palais des rois de Perse, communément nommé la maison de Darius, & appellé dans la langue du pays, chelminar ou chilminar, est à l’ouest de cette plaine, au pié d’une montagne qui est de roche vive. La façade de ce superbe bâtiment ruiné a six cens pas de large du nord au sud, & trois cens quatre-vingt-dix pas de l’ouest à l’est. On ne voit ensuite que restes de portiques, d’escaliers, de colonnes, de murailles, de figures d’hommes & d’animaux. Plusieurs de ces colonnes sont encore toutes entieres, ainsi que des niches, & des figures sans nombre, grandes comme nature. On voit aussi dans la montagne deux tombeaux taillés dans le roc, tous deux ayant environ 70 piés par en bas, autant de hauteur, & 40 piés de large.

Toutes ces ruines de Persépolis ont été décrites dans plusieurs livres, & copiées dans plusieurs estampes. Il est vrai que la plûpart des écrivains qui en ont parlé, n’ont songé qu’à plaire par des relations pompeuses, & que d’autres qui les ont examinées n’y ont point apporté les connoissances nécessaires. Je crois que c’est à le Brun & à Thevenot que nous en devons la relation la plus exacte.

On ne sauroit douter que ces ruines qu’ils ont décrites, ne soient celles d’un palais superbe qui étoit décoré de magnifiques portiques, galeries, colonnes, & autres ornemens splendides. De plus, il est constant que les ruines de Chilminar, sa situation, les vestiges de l’édifice, les figures, leurs vêtemens, les ornemens, & tout ce qui s’y trouve, répond aux manieres des anciens Perses, & a beaucoup de rapport à la description que Diodore de Sicile donne de l’ancien palais de Persépolis.

Cet auteur, liv. XVII. ch. lxxj. après avoir dit qu’Alexandre exposa cette capitale du royaume de Perse au pillage de ses Macédoniens, à la réserve du palais royal, décrit ce palais comme une piece particuliere en cette sorte.

Ce superbe édifice, dit-il, ou ce palais royal, est ceint d’un triple mur, dont le premier, qui étoit d’une grande magnificence, avoit 16 coudées d’élevation, & étoit flanqué de tours. Le second semblable au premier quant à la structure, étoit deux fois plus élevé. Le troisieme est quarré, taillé dans le roc, & a 60 coudées de hauteur. Le tout étoit bâti d’une pierre très-dure, & qui promettoit une stabilité éternelle. A chacun des côtés il y a des portes d’airain, & des palissades de même métal, hautes de vingt coudées ; les dernieres pour donner de la terreur, & les autres pour la sureté du lieu. A l’orient du palais est une montagne appellée la montagne royale, qui en est éloignée de quatre cens piés, & où sont les tombeaux des rois.

Il est certain que la description de le Brun répond autant qu’il est possible à celle de Diodore, & l’on ne peut la lire sans une espece d’admiration pour des masures mêmes, échappées aux flambeaux dont Alexandre & la courtisane Thaïs mirent Persépolis en cendres. « Mais étoit-ce un chef-d’œuvre de l’art, qu’un palais bâti aux piés d’une chaîne de rochers arides ? Les colonnes qui sont encore debout ne sont assurément ni dans des belles proportions, ni d’un dessein élégant. Les chapiteaux sur chargés d’ornemens grossiers, ont presque autant d’hauteur que le fût des colonnes. Toutes les figures sont aussi lourdes que celles dont nos églises gothiques sont encore malheureusement ornées. Ce sont en un mot des monumens de grandeur ; mais non pas des monumens de goût. » (D. J.)