L’Encyclopédie/1re édition/PORTE ou VEINE-PORTE

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Porte, ou Veine-porte, terme d’Anatomie, c’est une veine très-considérable, qui sert à porter le sang de différentes parties, par un nombre infini de branches dans lesquelles elle se divise, à le porter, dis-je, au foie, dans la substance duquel elle le distribue. Voyez nos Pl. anatom. & leur explication. Voyez aussi Veine & Foie.

La veine-porte est formée de deux grosses veines, la mésentérique & la splénique, qui sont encore formées de plusieurs autres petites veines qui viennent de l’estomac, des intestins ; de la ratte, de l’épiploon, &c. Voyez Mésentérique & Splénique.

Les anciens lui ont donné le nom de porta, parce qu’ils s’imaginoient que par sa branche mésentérique elle portoit le chyle des intestins au foie ; mais quelques modernes lui ont trouvé un autre usage.

La veine-porte a cela de remarquable, qu’à la maniere des arteres, d’un tronc qu’elle est, elle se divise en branches, & se perdant enfin dans les capillaires, elle décharge le sang dans la veine-cave, qui le rapporte immédiatement au cœur. Voyez Cave.

La veine-porte se forme du concours de différentes veines, qui par leur rencontre en font un des plus considérables troncs veineux de tout le corps, quant à sa grosseur ; quoique contraire au cours des autres veines, elle ne va pas loin sous la forme d’un tronc ; mais comme on l’a déjà observé, elle se distribue bien-tôt au foie par des ramifications.

Cette veine se divise vulgairement en branches hors du foie, en branches dans le foie, & en un tronc intermédiaire ; mais cette division n’est pas fort claire, les branches que l’on appelle hors du foie étant plus proprement des racines que des branches, que les Anatomistes ont distinguées par des noms particuliers qui sont pris des parties d’où viennent ces branches.

Les veines qui conspirent à la formation de ce tronc, & sur lesquelles nous ne nous étendrons pas ici, parce qu’elles ont été ou qu’elles seront décrites aux articles qui les regardent en particulier, viennent du placenta dans le fœtus, de la veine ombilicale, de la vésicule du fiel, des deux cystiques, de la partie supérieure de l’estomac, de la veine pilorique, de la gastrique droite, qui va au tronc ; de la grande gastrique & de la mineure gauche, qui vient de l’estomac (dont la majeure est formée de la coronaire du ventricule) ; de l’épiploïque gauche & postérieure qui vient de l’épiploon ; des vasa brevia, qui viennent de l’estomac ; de la splénique, qui vient de la rate, lesquelles se réunissent pour former la branche gauche ou la branche splénique de la porte.

La branche droite ou mésentérique est composée de la gastrique & de l’épiploïque droite, qui vient de l’estomac & de l’épiploon ; de la duodenaire, qui vient du duodenum & du jejunum ; de l’hémorrhoïdale interne, qui vient de l’intestin rectum & du colon ; des mésaraïques, qui viennent du mésentere.

Par le moyen de tous ces vaisseaux la veine-porte reçoit le sang de la plûpart des visceres de l’abdomen, & après la réunion de toutes ses branches, elle commence un tronc dans le foie, sous la surface duquel immédiatement après avoir formé une espece de sinus, elle se divise en deux branches principales, & celles-ci encore en cinq autres, qui jettent ou répandent une infinité de ramifications à-travers toute la substance du foie.

M. Keil croit avoir découvert le véritable usage de cette veine, inconnu jusqu’ici : voici comme il s’explique. La bile, dit-il, devant se mêler avec le chyle, comme il vient de l’estomac dans le duodenum, ne pouvoit être séparé du sang plus avantageusement qu’à l’endroit où est placé le foie ; mais si toutes les branches de l’artere cœliaque portoient au foie tout le sang dont la bile doit être séparée, il est évident, en considérant la proximité du foie au cœur, & le mouvement intestin du sang, qu’une sécrétion aussi visqueuse que la bile, ne pourroit jamais être assez perfectionnée. Voyez Bile.

C’est pourquoi la nature est ici forcée de déroger à sa méthode constante, d’envoyer le sang à toutes les parties du corps par le moyen des arteres ; elle forme une veine moyennant laquelle elle envoye le sang au foie des branches des arteres mésentériques & cœliaques.

Par ces moyens le sang fait un grand tour avant que d’arriver au foie ; de maniere que sa vîtesse étant diminuée, tous les corpuscules qui doivent former la bile, peuvent avoir le tems de s’attirer les uns les autres, & de s’unir avant que d’arriver à leurs vaisseaux secrétoires. Keill. anim. secret. pag. 36. &c. Voyez Sécrétion.

Porte, maladie de la veine (Médec.) le vaisseau en partie veineux & en partie artériel, avec un tronc intermédiaire, recevant le sang des organes de la chylification, pour le conduire par le moyen du foie, dans la veine-cave, & fournissant l’humeur destinée à la sécrétion de la bile, est connu des Anatomistes sous le nom de veine-porte ; ce vaisseau est sujet, ainsi que les autres organes, à des maladies, quoiqu’on en trouve rarement la description.

1o. Cependant comme l’action du cœur & des arteres ne peut pas seul conduire le sang de la veine-porte dans la veine-cave par le foie, mais que cette opération est favorisée par l’action particuliere de ce vaisseau, & par celle de la capitale de Glisson, quand cette même action se trouve affoiblie par le défaut d’appui & de soutien, ou embarrassée par la rigidité ou le relâchement, le sang s’amasse nécessairement dans toute l’étendue de ce vaisseau ; de la naît le gonflement de la partie, l’anxiété, la pesanteur & la corruption de ce sang arrêté, d’où résulte le premier principe de la mélancolie. Il faut alors aider l’action de ce vaisseau par des frictions artificielles, par des secousses ou l’exercice du corps, & par l’usage externe & interne des corroborans. Si ces remedes ne réussissent pas, il faut y joindre ceux qui conviennent spécialement au traitement de la mélancolie.

2o. Si le concours de la circulation du sang de la rate ne diminue point la disposition de stagnation, si naturelle à celui qui est contenu dans le sein de la veine-porte, il arrive souvent des obstructions dans cette partie. Dès qu’une fois elles sont formées par un sang grumeleux, par des compressions extérieures, ou quelque maladie du foie, il en résulte nécessairement un défaut de bile. Tous ces maux demandent l’usage des résolutifs continués long tems, car ce sang rempli de matiere bilieuse, circulant avec lenteur, a une grande disposition à se changer en bile noire.

3o. Le sang étant ainsi amassé, & peu-à-peu altéré, cause des anxiétes, le gonflement des hypocondres, & plusieurs autres maux ; mais il s’ouvre quelquefois un chemin pour retrograder par les vaisseaux courts dans le ventricule, par les vaisseaux mésentériques dans les intestins, par les hémorrhoïdaux qui viennent de l’anus, soit au soulagement du malade, soit sans qu’il en ressente aucun bien : tout cela dépend de la quantité & de la nature du sang mélancolique qui s’évacue ; cela dépend encore des parties affectées & des symptomes qui accompagnent cette crise, mais le médecin ne doit point la troubler. (D. J.)