L’Encyclopédie/1re édition/PORTIQUE

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PORTIQUE, s. m. (Archit.) espece de galerie avec arcades sans fermeture mobile, où l’on se promene à couvert, qui est ordinairement voûtée & publique ; & quelquefois avec sophite, ou de plancher, comme par exemple, les portiques de la grande cour de l’hôtel royal des Invalides. Les plus célebres portiques de l’antiquité sont ceux du temple de Salomon, qui formoient l’atrium, & qui environnoient le sanctuaire ; celui d’Athènes, bâti pour le plaisir du peuple, & où s’entretenoient les philosophes ; ce qui donna occasion aux disciples de Zénon de s’appeller Stoïques, du grec στοὰ, portique ; celui de Pompée à Rome, élevé par magnificence, & formé de plusieurs rangs de colonnes qui portoient une plate-forme de grande étendue. Serlio a donné le dessein de ce portique dans ses bâtimens antiques. Le plus fameux portique moderne est celui de la place de St. Pierre du Vatican à Rome.

Quoique le mot portique soit dérivé de porte, on appelle cependant portique, toute disposition de colonne.

Portique circulaire, c’est une galerie avec arcades à-l’entour d’une tour ronde ; tels sont les portiques du château de caprarole.

Portique rhodien, c’étoit chez les Grecs celui des quatre portiques qui regnoit autour d’une cour ; il étoit plus large que les autres, & avoit son exposition au midi. Voyez l’architecture de Vitruve, liv. VI. ch. x. (D. J.)

Portique, (Ant. rom.) galerie jointe aux édifices publics ou particuliers.

La magnificence & la beauté des portiques étoit quelque chose d’étonnant parmi les Romains. Il y en avoit de publics qui servoient à l’ornement des théâtres & des basiliques, & il y en avoit de particuliers qui servoient à la commodité des palais qui leur étoient contigus.

Ces portiques étoient couverts ou découverts. Les portiques couverts étoient de longues galeries soutenues par un ou plusieurs rangs de colonnes de marbre enrichies en-dedans de statues, de tableaux & d’autres ornemens, avec des voûtes superbes. Les côtés étoient percés de plusieurs fenêtres garnies de pierres spéculaires, presqu’aussi transparentes que notre verre ; on ouvroit ces fenêtres en hiver du côté du midi pour y laisser entrer le soleil, & l’été on les ouvroit du côté du septentrion. Ces portiques couverts servoient à se promener & à s’y entretenir agréablement, sans être exposé aux injures du tems : on les appelloit studiatæ porticus. Les portiques découverts, qu’on nommoit subdiales ambulationes, servoient quelquefois aux athletes pour les combats de la lutte.

De tous les portiques qui furent bâtis à Rome, les trois plus considérables ont été celui de Pompée, d’Auguste & de Néron. Pompée fit faire le sien devant sa cour, & c’étoit la plus délicieuse promenade de la ville, & la plus fraîche en été ; aussi les poëtes l’appelloient par excellence Pompeiam umbram ; c’est ce que fait Ovide :

Tu modo Pompeiâ lentus spatiare sub umbrâ
Cum sol Herculei terga leonis adit.

Le portique d’Auguste servoit d’ornement à son palais & à sa bibliothéque. Les colonnes de ce portique étoient de marbre de Numidie, & l’on y voyoit les statues des cinquante filles de Danaüs rangées par ordre.

Néron fit enrichir son palais de trois portiques, chacun de trois mille pas de long, qui furent appellés pour cela porticus milliariæ.

On comptoit du tems d’Auguste plus de quarante-cinq portiques publics à Rome remplis de boutiques de marchands qui vendoient toutes sortes de bijoux. Entre les portiques de princes, ceux qui portoient le nom de portique Palatin, portiques d’Apollon, de Pompée, de Livie, d’Octavie, d’Agrippa, étoient les plus superbes.

Il y en avoit deux à Rome qui portoient le nom d’Agrippa ; le portique de Neptune étoit nommé indifféremment le portique des Argonautes ou d’Agrippa, parce qu’Agrippa l’avoit embelli de tableaux qui représentoient l’histoire de Jason. Le portique d’Agrippa proprement ainsi nommé, fut ensuite appellé le portique de l’heureux événement, porticus boni eventûs. Il étoit près du Panthéon, à l’entrée du champ de Mars, & c’étoit le lieu le plus fréquenté de Rome, parce que le champ de Mars, comme la grande place romaine, étoit le rendez-vous ordinaire des gens qui vouloient paroître & se faire voir.

Un peu avant Caton, les particuliers n’avoient point encore de grands portiques qui regardassent le septentrion pour y prendre le frais en été ; mais bientôt après on ne vit plus à Rome de maison qui n’eût un lieu propre à se délasser pour y recevoir le vent du nord, & les bâtimens y sont aujourd’hui tournés de cette maniere.

Les Romains, ce peuple si pauvre, si simple dans son origine, devint si délicat & si dédaigneux après ses conquêtes de Grece & d’Asie, qu’il ne put plus ni se reposer, ni se promener qu’à couvert. Ne voulant plus que ses divertissemens dépendissent de la disposition du ciel, il eut recours à l’art, & se fit des promenoirs couverts & des portiques, où la propreté disputoit avec la magnificence. Il n’étoit pas raisonnable, selon lui, qu’on attendît le beau tems pour prendre l’air, ni qu’on pût être exposé au injures du tems.

Balnea sexcentis, & pluris porticus in quâ
Gestetur dominus, quoties pluit ; aut ne serenum
Expectet, spargatve luto jumenta recenti ?
Hic potiùs, namque hic mundæ nitet ungula mulæ.

Juven. sat. VII. 178.

Cicéron qui conservoit encore quelque chose des mœurs antiques, parle assez modestement d’un portique qu’il vouloit ajouter à sa maison : tecta igitur ambulatiumcula addenda est. Quelle différence de cette galerie à celles qu’on vit sur la fin du même siecle, & qui pour leur longueur furent appellés militaires ! Vitruve & Columella prescrivirent la maniere dont il falloit les tourner afin qu’elles fussent de toutes les saisons : ut & hieme plurimùm solis, & æstate minimum recipiant. Les grands seigneurs avoient ces sortes de commodités au-tour de leurs palais, quelques-uns même dans les fauxbourgs.

Pline parlant des portiques ou des galeries qu’il avoit dans sa maison de campagne, en fait une description qui excite encore aujourd’hui l’admiration de tout le monde ; & il est à croire que ce n’étoit pas les seules qui fussent si belles & si spacieuses. Dans les anciens tems de la république on n’employoit le marbre qu’à embellir les temples des dieux, ou les places publiques, & non pas à former de vastes galeries pour un usage particulier.

Nulla decem pedis
Metata privatis opacam
Porticus excipiebat arcton,
Nec fortuitum spernere cespitem
Leges sinebant, oppida publico
Sumpta jubentes, & deorum
Templa novo decorare saxo
.

Les portiques étoient cependant utiles à bien du monde. C’étoient ordinairement dans ces lieux que ceux qui aimoient les plaisirs tranquilles passoient les premieres heures de leur après-dînée. Les uns s’entretenoient de choses graves, les autres de choses agréables, selon leurs goûts & leur caractere. Les poëtes profitoient assez souvent de l’oisiveté qui régnoit dans ces promenoirs & dans ces momens, pour réciter leurs ouvrages à qui vouloit les entendre ; c’est ce qui a fait dire à Juvenal que les portiques de Fronton devoient savoir & répéter comme un écho, les fables d’Eole, d’Eaque, de Jason, des Cyclopes, & tous les autres sujets des poëmes vulgaires. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Portique des Persans, (Architec. greq) στοὰ περσικὴ, ancien monument de Lacédémone, dont on voit encore quelques vestiges à Misitra. Les Grecs modernes l’appellent le palais du roi Ménélas. Ce fut à la construction de ce portique que l’on employa pour la premiere fois dans le monde des colonnes travaillées en statues d’hommes pour soutenir des voûtes, des ornemens d’architecture, & faire l’effet des statues de femmes qu’on appelle des caryatides.

Il y a plus de 1700 ans que Vitruve a rendu raison de cet usage, qui de son tems n’étoit pas une nouveauté : ce qu’il rapporte du portique des Persans est si glorieux aux Lacédémoniens, que ce seroit leur dérober un ornement, que d’omettre ici le passage qui les concerne à cet égard.

« Les Lacédémoniens, dit le prince de l’architecture romaine, après avoir défait avec une poignée d’hommes la puissante armée des Perses, à la bataille de Platée, emmenerent leurs prisonniers, & bâtirent du butin des ennemis le portique qu’ils appellerent persique, dans lequel la voûte étoit soutenue par des statues représentant des perses captifs. Ils imaginerent cet opprobre pour punir une nation orgueilleuse, laisser à la postérité un monument de leurs victoires, rendre leur valeur redoutable, & exciter le peuple à la défense de sa liberté ».

Depuis lors, à l’imitation des Lacédémoniens, plusieurs architectes firent soutenir les architraves & autres ornemens sur des statues persiques, & enrichirent leur ouvrage de ce genre d’invention. Ce fameux portique de Sparte étoit d’une figure quarrée. Le trait fondamental de ses quatre faces se reconnoît par les ruines. Dans le dernier siecle on trouvoit encore dans le voisinage des entre-colonnes de cet édifice avec leurs entablemens, les voûtes mêmes étoient bien maintenues ; & c’est un miracle de la fortune que ces tristes débris se soient si long-tems conservés. Je ne sai s’il en subsiste aujourd’hui quelque chose, mais je crains fort que quelque vizir n’ait fait enlever tout le reste du marbre de ce portique célebre pour l’employer à un imaret ou à une mosquée. (D. J.)

Portique d’arbres, (Jardin.) on appelle portique d’arbres, certains portiques artificiels qu’on fait avec des arbres, dont on assujettit les branches. Pour leur faire prendre les contours nécessaires on les plie, on les entrelace, & l’on abat ce qui est superflu afin que la figure soit exacte, ce que l’on continue de faire à mesure qu’il pousse quelque nouveau jet.

Portique de treillage, s. m. (Décorat. de jardin.) c’est une décoration d’architecture de pilastres, montans, frontons, &c. faits de barres de fer & d’échalas de chênes maillés, & qui sert pour l’entrée d’un berceau dans un jardin.

Portique d’appui, (Archit.) especes de petites arcades en tiers-point qui servent de balustres, & qui garnissent les appuis évidés des bâtimens gothiques. (D. J.)