L’Encyclopédie/1re édition/POUPÉE

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POUPÉE, s. f. (Hist. anc. & mod.) Ce jouet des enfans étoit fort connu des Romains ; leurs poupées étoient faites d’ivoire, de plâtre ou de cire, d’où vient le nom de plaguncula que leur donne Cicéron dans ses lettres à Atticus. Les jeunes filles nubiles, dit Perse, alloient porter aux autels de Vénus les poupées qui leur avoient servi d’amusement dans le bas âge. Veneri donatæ à virgine puppæ. Peut-être vouloient-elles faire entendre par cette offrande à la déesse des amours, de leur accorder de jolis enfans, dont ces poupées étoient l’image ; ou plutôt encore cette consécration de leurs poupées indiquoit qu’elles quittoient ces marques de l’enfance, pour se dévouer aux occupations sérieuses du ménage. C’est ainsi que les garçons, lorsqu’ils entroient dans les fonctions publiques de la société, déposoient la robe de l’enfance, & prenoient celle de l’adolescence. Aussi les Romains donnoient le nom de puppa & pupula aux jeunes filles, comme nous l’apprend Martial dans ce vers satyrique :

Puppam se dicit Gallia cùm sit anus.

De-plus, ils ensevelissoient leurs enfans morts avec leurs poupées & leurs grelots ; les Chrétiens les imiterent, & de-là vient qu’on a trouvé dans des tombeaux des martyrs près de Rome, de ces sortes de petites figures de bois & d’ivoire parmi des reliques & des ossemens d’enfans baptisés.

L’usage des poupées a passé jusqu’à nous ; & c’est si bien notre triomphe, que je ne crois pas que les Romains eussent de plus belles poupées que celles dont nos Bimblotiers trafiquent. Ce sont des figures d’enfans si proprement habillées & coëffées, qu’on les envoie dans les pays étrangers pour y répandre nos modes. S. Jérôme conseilloit de donner aux enfans pour récompense, outre les douceurs qui pouvoient flatter leur goût, des brillans & des poupées. Ce moyen n’est certainement pas le meilleur à pratiquer dans la bonne éducation ; mais nous l’avons préféré à tous les sages conseils de Locke. Cependant un philosophe pourroit tirer parti des poupées, toutes muettes qu’elles sont : veut-il apprendre ce qui se passe dans une maison, connoître le ton d’une famille, la fierté des parens, & la sottise d’une gouvernante, il lui suffira d’entendre un enfant raisonner avec sa poupée. (D. J.)

Poupée, (Tourneur.) qu’on auroit mieux fait d’appeller porte-pointe, est la partie du tour qui porte les pointes ou pivots sur lesquels on tourne l’ouvrage ; ou les lunettes par où passe l’axe du tour à la lunette. Voyez au mot Tour & les fig.

Fausses poupées sont des pieces de fer qui font partie du tour figuré ; elles sont attachées en-travers de la grande rainure de l’établi par des gougeons qui en traversent l’épaisseur, & qui sont retenus avec des vis par-dessous. Au milieu de la fausse poupée est un écrou par où passe une vis qui a une pointe à son extrémité ; c’est sur cette pointe que porte l’axe DD du tour figuré Pl. IV. A la partie supérieure de la fausse poupée sont deux oreilles qui sont traversées par des vis, dont l’usage est de fixer quand on veut les vraies poupées qui passent entr’elles. Voyez Tour figuré, & les Pl. III. & IV. du tour.