L’Encyclopédie/1re édition/PRÉCAIRE

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PRÉCAIRE, adj. (Jurispr.) se dit de ce qu’on ne possede pas à titre de propriété. Un titre précaire est celui en vertu duquel on ne jouit pas animo domini, tel que la commission d’un gardien, d’un dépositaire, un bail à ferme. La possession d’un fermier n’est pareillement qu’une possession précaire.

Le précaire dans le droit romain est un prêt à usage accordé à la priere de celui qui emprunte une chose pour en user pendant le tems que celui qui la prête voudra la laisser, & à la charge de la rendre quand il plaira au maître de la retirer.

Il differe du prêt ordinaire, en ce que celui-ci est pour un tems proportionné au besoin de celui qui emprunte, ou même pour un certain tems réglé par la convention ; au lieu que le précaire est indéfini, & ne dure qu’autant qu’il plaît à celui qui prête.

Du reste le précaire est sujet aux mêmes regles que le prêt à usage, si ce n’est que le précaire finit par la mort de celui qui a prêté. Voyez ff. de precario, & ci-après le mot Prêt.

La clause de précaire dans les constitutions de rente, signifie que le débiteur qui hypotheque ses héritages ne les possede plus qu’à la charge de la rente, qu’il s’en dessaisit jusqu’à concurrence de la valeur de la somme qu’il emprunte.

On appelloit aussi anciennement précaire & en latin precaria ou precarici, un contrat de bail d’héritages que l’on renouvelloit tous les cinq ans, ou bien à titre d’emphitéose ou à vie. On en a vu dont la jouissance devoit passer jusqu’à la cinquieme génération. Ces sortes de baux à rente se faisoient ordinairement en faveur de l’église ; quand quelqu’un donnoit son bien à l’église, on lui donnoit deux ou trois fois autant du bien de l’église pour en jouir pendant le tems porté par le contrat du précaire ; & en reconnoissance de ce que ces terres appartenoient à l’église, il lui en payoit quelquefois une petite rente annuelle. Ces précaires ne s’accordoient d’abord qu’à des ecclésiastiques, mais dans la suite cela fut étendu à des laïcs.

L’usage de ces précaires commença sous Ebroin, maire du palais, en 660. Ebroin & les seigneurs qu’il gratifioit des biens de l’église, se servirent de la forme des lettres précaires ; ils mirent dans toutes la condition de faire le service militaire.

Pepin rendit les biens à l’église.

Charles Martel renouvella l’usage des précaires.

En 743 & 744, les conciles de Leptine & de Soissons permirent au prince de prendre une partie des biens de l’église à titre de précaire.

Charlemagne en 779 ordonna de renouveller les précaires, & d’en faire de nouvelles. Voyez les capitulaires ; voyez aussi le gloss. de du Cange, au mot præcaria, & Loyseau, traité du déguerpissement, liv. I. ch. jv. (A)

Précaire, contrat, (Hist. du Droit canon.) Fra-Paolo nous apprend dans son livre des matieres bénéficiales, que le premier usage du contrat précaire s’introduisit en France, d’où il passa en Italie ; j’aurois cru tout le contraire sans une si grande autorité. M. Simon remarque dans son histoire des revenus ecclésiastiques, que les vieux cartulaires sont remplis de ces sortes d’actes, qui consistoient en une donation que les particuliers faisoient de leurs biens aux églises, ensuite de quoi ils obtenoient des mêmes églises, sur des lettres qui étoient appellées precariæ ou precatoriæ, les mêmes biens pour les posséder par une espece de bail emphytéotique ; car la plûpart faisoient un bail pour cinq, six, & même sept générations, à condition de donner à l’église ou monastere une certain revenu tous les ans. On en rapporte la preuve par des formules de précaires où les particuliers vendoient leurs biens aux moines, & obtenoient ensuite des lettres à cet effet jusqu’à la cinquieme génération, après laquelle les monasteres pouvoient disposer desdits biens. (D. J.)

Précaire, commerce, (Comm.) Le commerce précaire est celui qui se fait par une nation avec une autre nation son ennemie, par l’entremise d’une troisieme qui est neutre. Ainsi l’on dit que les Anglois font un commerce prècaire avec les Espagnols, par le moyen des Portugais, lorsque les deux premieres nations étant en guerre, la troisieme leur prête ses vaisseaux, ses pavillons & son nom pour continuer leur négoce. Dictionn. de Comm. (D. J.)