L’Encyclopédie/1re édition/PRÉFECT

La bibliothèque libre.
◄  PRÉFACE

PRÉFECT, s. m. (Ant. rom.) les préfects étoient des officiers au-dessus des lieutenans que les gouverneurs des provinces employoient comme ils le jugeoient à propos. Plusieurs personnes prenoient cette qualité comme un simple titre d’honneur, & sans exercer aucune fonction. Atticus lui-même avoit été nommé préfect par plusieurs gouverneurs, sans être jamais allé avec eux dans leurs provinces. (D. J.)

Préfect de Rome, (Hist. rom.) c’étoit un des premiers magistrats de Rome qui la gouvernoit en l’absence des consuls & des empereurs. Il avoit l’intendance des vivres, de la police, des bâtimens & de la navigation. Son pouvoir s’étendoit à mille jets de pierre hors de Rome, selon Dion. On jugeoit devant lui les causes des esclaves, des patrons, des affranchis & des citoyens turbulens. Au premier jour de l’année il faisoit un présent à l’empereur au nom de tout le peuple, de coupes d’or avec cinq sous de monnoie : vobis solemnes pateras cum quinis solidis ut numinibus integritatis offerimus, dit Symmachus.

Dente Romulius fut choisi par Romulus pour être prefect de la ville de Rome. Ce prince lui attribua le droit d’assembler le sénat, & de tenir les comices. Ses fonctions tomberent lorsqu’on eut créé la charge de préteur, & l’on ne fit alors de préfect à Rome que pour y célébrer sur le mont Alban les fêtes latines instituées par Tarquin le Superbe en l’honneur de Jupiter. Mais Auguste fit revivre la charge de préfect de la ville, & lui attribua de si grandes prérogatives, que dans la suite cette charge absorba dans Rome l’autorité de toutes les autres magistratures. (D. J.)

Préfect des ouvriers, (Art milit. des Rom.) en latin præfectus fabrum, emploi militaire & important chez les Romains. Cette charge avoit dans son détail l’armement des troupes, les machines de guerre, la construction des camps, les équipages, les voitures & généralement tous les ouvrages des charpentiers, des maçons, des forgerons, des pionniers & des mineurs. Il n’y avoit point de charge plus lucrative à l’armée ; César la donna à Balbus en Espagne, & à Mamura dans les Gaules, & tous deux y acquirent des richesses immenses. (D. J.)

Préfect de l’Egypte, (Antiq. rom.) surnommé augustalis. Ulpien nous apprend par la loi unique, que le préfect de l’Egypte conservoit toujours sa préfecture, jusqu’à ce que son successeur fût entré dans Alexandrie ; quoique suivant la regle générale, le successeur au gouvernement exerçât sa charge dès qu’il étoit dans la province. Il jouissoit de tous les honneurs des proconsuls, à la réserve des faisceaux & de la robe bordée de pourpre, appellée prætexta. Son principal soin étoit d’envoyer à Rome la quantité de blé que l’Egypte devoit fournir tous les ans. Le jurisconsulte Modestin a décidé dans la loi xxi. ff. de manumiss. vindict. que le préfect d Egypte pouvoit affranchir les esclaves. Et Ulpien dans la loi j. ff. de tutor. dat. ab his qui jus dandi habent, qu’il pouvoit donner des tuteurs. (D. J.)

Préfect des cohortes nocturnes, (Hist. rom.) les incendies étant très-fréquens à Rome, l’empereur Auguste établit, au rapport de Dion Cassius, un certain nombre de cohortes (les uns disent cinq, & les autres sept), pour veiller pendant la nuit aux incendies, & empêcher le progrès qu’ils faisoient en différens quartiers de la ville. Il y avoit auparavant des personnes à qui on en confioit de tems en tems le soin : mais l’empereur jugea à-propos de rendre fixes les cohortes, qu’il disposa en différens quartiers, sous la conduite d’un préfet appellé præfectus vigilum ; & ordonna en même tems que celui qui les commanderoit auroit la connoissance & la punition de quelques crimes, expliqués dans la loi iij. ff. de offic. præfec. vigil. Mais malgré cette prérogative, on regarda avec mépris les cohortes, soit par rapport à leur emploi, soit parce qu’elles étoient composées de vils affranchis ; & c’est dans cette prévention peu favorable que Juvenal a dit, sat. iv. lib. V.

Dispositis proedives hamis vigilare cohortem
Servorum noctu Licinus jubet.

Ce fut aussi par cette raison qu’on donna aux soldats le titre de sparteoli, parce qu’ils portoient des souliers faits de joncs appellés sparti, selon la remarque de Baudouin, de calceo antiquo, cap. iij. & de Casaubon sur Suétone dans la vie d’Auguste, cap. xxx. où il dit que les pauvres faisoient des souliers avec des cordes appellées spartæ.

Baudouin remarque que le préfect marchoit toute la nuit, calceatus cum hamis & dolabris. Sa chaussure étoit selon les apparences, d’un cuir capable de résister à la pluie & à la neige ; il faisoit porter des vaisseaux propres à y mettre de l’eau, & semblables à nos seaux de cuir dont on se sert dans les incendies, qu’on appelloit hamæ. Il est vrai que quelques interpretes croient que hama veut dire harpago, un croc, qui n’est pas inutile dans ces occasions ; & quant à dolabra, il signifie une doloire, une hache, dont on se sert aussi fort utilement.

Préfect de soldats, (Art milit. des romains.) præfectus militum ; il y en avoit de trois sortes dans les armées ; savoir préfect d’une cohorte, prefect du camp, & préfect d’une légion. La jurisdiction du premier ne s’étendoit que sur sa troupe ; le ministere du second étoit d’asseoir & de fortifier le camp, & d’avoir inspection sur les tentes & sur les machines de guerre ; le troisieme étoit le juge ne de la légion, il faisoit toutes les fonctions du lieutenant général lorsque celui-ci étoit absent, & il avoit une grande autorité sur tous les officiers inférieurs de l’armée. Les armes, les chevaux, la discipline, la jurisdiction, les magasins, les punitions & les graces étoient de son ressort. Voyez Végece & Pomponius, loet. l. I. c. xij.

Préfect du trésor public, (Hist. rom.) le soin du trésor public fut d’abord donné à des questeurs ; mais cet emploi a souvent changé de nom & de pouvoir, comme Tacite l’a remarqué. Auguste permit au sénat de préposer un préfect de l’ordre des prétoriens, & ordonna qu’on l’éliroit par le sort. Le tems ayant fait connoître les inconvéniens de cette sorte d’élection, Néron rétablit les questeurs.

Prefect du prétoire, (Hist. rom.) chef des gardes prétoriennes, lesquelles veilloient à la conservation des empereurs. Plusieurs habiles hommes qui ont écrit en francois, ont dit en latin, præfectus prætorio. Dans les tems que les consuls furent établis à Rome, on appelloit tous les magistrats & ceux qui avoient des dignités militaires, prætores : d’où est venu le nom de prætorium, pour la résidence du préteur, soit aux champs, soit à la ville. Le pavillon même, ou la tente du magistrat aux camps militaires, se nommoit prætorium ; de l’usage de ce mot, les palais des empereurs dans les villes, ou leurs pavillons au milieu de la campagne, ont été nommés prætoria, & les soldats des gardes veillans autour de l’empereur, milites prætoriani, lesquels étoient commandés par certains chefs soumis au præfectus prætorio. Les anciens préteurs, & autres magistrats romains, étant envoyés dans les provinces cum imperio, c’est-à-dire avec droit de justice & de jurisdiction ; on appelloit aussi prætorium, le lieu, le siege ou auditoire auquel ils rendoient la justice. Voyez Prétoire.

La dignité de préfect sous les empereurs, étoit la plus haute & la plus éminente de l’empire, en sorte qu’elle ne se rapporte pas mal à celle du grand-visir de l’empire ottoman, ou si l’on veut, à nos anciens maires du palais ; avec cette différence qu’ordinairement il y en avoit deux : car Auguste qui en fut le premier auteur, en créa deux dès le commencement de leur institution, afin qu’ils s’aidassent mutuellement, & que leur puissance étant divisée, il ne leur fût pas si facile de conspirer contre le prince ou contre l’état. Tibere qui aimoit Séjan, le constitua seul en cette dignité.

L’empereur Commode fit trois préfects du prétoire. Ses prédécesseurs, depuis Tibere, en avoient toujours fait deux. Les successeurs de Commode continuerent à en créer trois jusqu’au regne de l’empereur Constantin, qui en créa quatre qu’il appella præfectos prætorio Orientis, Illiricis, Italiæ & Galliæ, ayant fait sous ce nom un département de toutes les provinces de son empire. Il en agit ainsi pour énerver la puissance extraordinaire de cette sorte de magistrats, en divisant leur autorité, & en leur ôtant une partie des pouvoirs qu’ils avoient sur les gens de guerre, & c’est encore ce qui l’engagea à créer de nouveaux officiers sous le nom de magister equitum & magister peditum, qui résidoient quelquefois en deux personnes & quelquefois en une, transportant à ces offices tout le pouvoir de commander aux armées, & de faire les punitions des crimes commis par les soldats.

Les préfects du prétoire n’étoient pris d’abord que dans l’ordre des chevaliers, & c’étoit une loi fondamentale qu’on ne pouvoit enfreindre. Marc Antonin, au rapport de Julius Capitolinus, marqua le plus grand déplaisir de ne pouvoir nommer à la dignité de préfect du prétoire, Pertinax qui fut depuis son successeur, parce que pour lors Pertinax étoit sénateur. L’empereur Commode craignant de donner cette charge à Paternus, l’en priva adroitement en lui accordant l’honneur du laticlave, & en le faisant sénateur.

Héliogabale conféra cette charge à des bateleurs, selon Lampridius, & Alexandre Severe à des sénateurs ; ce qui ne s’étoit jamais pratiqué auparavant, ou du moins très-rarement ; car excepté Tite, fils de Vespasien, qui étant sénateur & consulaire, fut préfect du prétoire sous son pere, on ne trouve point dans l’histoire qu’aucun sénateur l’ait été jusque à cet empereur.

Quand la place de préfect du prétoire fut unique, celui qui la possédoit fut appellé au jugement de presque toutes les affaires, & devint le chef de la justice. On appelloit de tous les autres tribunaux au sien ; & de ses jugemens il n’y avoit d’appel qu’à l’empereur.

Son pouvoir s’étendoit sur tous les présidens ou gouverneurs de province, & même sur les finances ; il pouvoit aussi faire des lois : enfin dans sa plus haute élévation, il réunissoit en sa personne l’autorité & les fonctions qu’ont eu en France le connétable, le chancelier & le surintendant des finances. C’est dans ce tems-là que cet officier avoit sous lui des vicaires, dont l’inspection s’étendoit sur une certaine étendue de pays appellée diocèse, qui contenoit plusieurs métropoles.

Il étoit nommé par l’empereur, qui lui ceignoit l’épée & le baudrier ; c’étoient les marques d’honneur de sa charge. Hérodien, liv. III. rapporte que Pleutin, préfect du prétoire de l’empereur Septime Sévere, avoit toujours l’épée au côté. Après sa nomination, cet officier paroissoit en public sur un char doré, tiré par quatre chevaux de front, & le héraut qui le précédoit le nommoit dans les acclamations le pere de l’empereur. On ne pratiqua cependant à son égard cette cérémonie, que lorsque sa charge fut devenue la premiere de l’état : on lui donnoit le titre de clarissime, qui étoit le même que l’on donnoit aux empereurs. En effet, dans ces tems-là un empereur n’étoit pour ainsi dire, que le ministre d’un gouvernement violent, élu pour l’utilité particuliere des soldats ; & les préfects du prétoire agissant comme les visirs, faisoient massacrer les empereurs dont ils voyoient qu’ils pourroient occuper la place.

Il faut cependant observer que la charge de préfect du prétoire ne subsista avec toutes ses prérogatives, que jusqu’au regne de Constantin qui cassa la garde prétorienne, parce qu’elle avoit pris le parti de Maxence ; car les quatre préfects du prétoire qu’il créa, chacun pour leurs départemens, n’avoient que l’administration de la justice & des finances, sans aucun commandement dans les armées. Avant ce tems-là les armes & la magistrature avoient été unies ; ceux qui rendoient la justice étoient de robe & d’épée tout ensemble, & la plupart des magistrats qui faisoient les fonctions de juge à la ville, avoient part en vertu de leur magistrature, au commandement des armées : de même ceux que l’on envoyoit dans les provinces rendoient la justice & commandoient les troupes.

Ces nouveaux préfects du prétoire établis par Constantin, ne laisserent pas de jouir de plusieurs avantages, comme entr’autres d’être dispensés de prendre des lettres de poste chaque année, pour courir sur les grands chemins ; au lieu que les autres officiers & magistrats y étoient obligés.

Les préfects du prétoire avoient soin que les cités & les mansions fussent fournies des choses nécessaires au passage des troupes, lorsque l’empereur alloit à la guerre, faire dresser son pavillon, & préparer les grands chemins. Les empereurs entretenoient exprès sous les préfects du prétoire, certain nombre d’hommes, tant pour préparer les grands chemins, que pour meubler les domiciles où ils devoient loger.

Enfin c’étoit aux préfects du prétoire qu’étoit confié le soin de faire charrier tous les deniers provenans des tributs, péages, salines, ports, ponts & passages de l’Empire En conséquence ils avoient toute autorité, tant sur les animaux & chariots que l’on tenoit aux mutations, mansions & cités pour les postes, que sur ceux destinés pour le charroi des différentes especes que l’on transportoit d’un lieu à un autre. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Préfet de la signature de grace, officier de la cour de Rome, qui dans les signatures de grace fait les mêmes fonctions que le préfet de la signature de justice exerce dans les affaires qui sont de son ressort. On appelle signature de grace, celle qui se tient en présence du pape, qui étant souverain dans ses états, peut dispenser de la rigueur des lois ceux qu’il juge à propos d’en dispenser. En l’absence du pape, le cardinal préfet doit être assisté de douze prélats ; & plusieurs juges des autres tribunaux assistent aussi à son audience, mais sans voix délibérative, & seulement pour soutenir les droits de leurs tribunaux quand l’occasion s’en présente. Il a les mêmes appointemens que le préfet de la signature de justice.

Préfect de la signature de justice, (Chancell. rom.) c’est à Rome un cardinal jurisconsulte qui approuve les requêtes, & qui y met son nom à la fin, pour servir de visa ; mais quand elles sont douteuses, il en confere avec les officiers de la signature, avant que de les signer. Il donne de même pour les provinces, des rescrits de droit, qui sont aussi authentiques, que si le pape lui-même les signoit, suivant une constitution de Paul IV.

La jurisdiction de préfect de la signature de justice, s’étend à donner des juges aux parties qui prétendent avoir été lesées par les juges ordinaires. Tous les jeudis il s’assemble chez lui douze prélats, qui sont les plus anciens référendaires de la signature, & qui ont voix délibérative. Il entre aussi dans cette assemblée un auditeur de rote, & le lieutenant civil du cardinal vicaire, pour maintenir les droits de leurs tribunaux ; mais l’un & l’autre n’ont point de voix délibérative.

La chambre apostolique donne au cardinal préfect de la signature de justice, quinze cens écus d’appointemens par an. Il a sous lui deux officiers, le préfet des minutes dont l’office coûte douze mille écus, & en rend environ douze cens ; & le maître des brefs dont l’office coûte trente mille écus, & en produit au moins trois mille de revenu. Ce tribunal rend la justice avec lenteur, & c’est une chose très-préjudiciable en elle-même. (D. J.)

Préfet des brefs, nom qu’on donne à Rome à un cardinal chargé de revoir & de signer les minutes des brefs sujets à la taxe. Cette charge produit les mêmes honoraires que les précédentes.

Il y a encore à Rome divers préfets, c’est-à-dire chefs de différens bureaux, comme le préfet des petites dates, le préfet de la componende, celui des vacances per obitum, &c.