L’Encyclopédie/1re édition/PROLOGUE

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PROLOGUE, (Belles Lettres.) dans la poésie dramatique est un discours qui précede la piece, & dans lequel on introduit tantôt un seul acteur, & tantôt plusieurs interlocuteurs.

Ce mot vient du grec πρόλογος, præloquium, discours qui précede quelque chose, & il est formé de πρὸ, devant, & de λόγος, discours.

L’objet du prologue chez les anciens & originairement, étoit d’apprendre aux spectateurs le sujet de la piece qu’on alloit représenter, & de les préparer à entrer plus aisément dans l’action & à en suivre le fil ; quelquefois aussi il contenoit l’apologie du poëte & une réponse aux critiques qu’on avoit faites de ses pieces précédentes. On peut s’en convaincre par l’inspection des prologues des tragédies greques & des comédies de Térence.

Les prologues des pieces angloises roulant presque toujours sur l’apologie de l’auteur dramatique dont on va jouer la piece, l’usage du prologue est sur le théatre anglois beaucoup plus ancien que celui de l’épilogue. Voyez Epilogue.

Les François ont presque entierement banni le prologue de leurs pieces de théatre, à l’exception des opéra. On a cependant quelques comédies avec des prologues, telles que les caracteres de Thalie, piece de M. Fagan ; Basile & Quiterie, Esope au Parnasse, & quelque piece du théatre italien. Mais en général il n’y a que les opéra qui aient conservé constamment le prologue.

Le sujet du prologue des opéra est presque toujours détaché de la piece ; souvent il n’a pas avec elle la moindre ombre de liaison. La plûpart des prologues des opéra de Quinault sont à la louange de Louis XIV. On regarde cependant comme les meilleurs prologues ceux qui ont du rapport à la piece qu’ils précedent, quoiqu’ils n’aient pas le même sujet ; tel est celui d’Amadis de Gaule. Il y a des prologues qui sans avoir de rapport à la piece, ont cependant un mérite particulier par la convenance qu’ils ont au tems où elle a été représentée. Tel est le prologue d’Hésione, opéra qui fut donné en 1700 ; le sujet de ce prologue est la célébration des jeux séculaires.

Dans l’ancien théatre on appelloit prologue l’acteur qui récitoit le prologue ; cet acteur étoit regardé comme un des personnages de la piece, où il ne paroissoit pourtant qu’avec ce caractere ; ainsi dans l’Amphitrion de Plaute, Mercure fait le prologue ; mais comme il fait aussi dans la comédie un des principaux rôles, les critiques ont pensé que c’étoit une exception de la regle générale.

Le prologue faisoit donc chez les anciens une partie de la piece, quoique ce ne fût qu’une partie accessoire ; au lieu que chez les Anglois, il n’en fait nullement partie ; c’est un tout absolument séparé & distingué. Chez les anciens la piece commençoit dès le prologue ; chez les Anglois, elle ne commence que quand le prologue est fini. C’est pour cela qu’au théatre anglois la toile ne se leve qu’après le prologue, au lieu qu’au théatre des anciens elle devoit se lever auparavant. Chez les Anglois ce n’est point un personnage de la piece : c’est l’auteur même qui est censé adresser la parole aux spectateurs ; au contraire celui que les anciens nommoient prologue étoit censé parler à des personnes présentes à l’action même, & avoit au moins pour le prologue un caractere dramatique. Les anciens distinguoient trois sortes de prologues ; l’un qu’ils nommoient ὑποθετικὸς, dans lequel le poëte exposoit le sujet de la piece ; l’autre appellé συστατικὸς, ou le poëte imploroit l’indulgence du public ou pour son ouvrage ou pour lui-même ; enfin le troisieme, ἀναφορικὸς, où il répondoit aux objections. Donat ajoute une quatrieme espece dans laquelle entroit quelque chose de toutes les trois autres, & qu’il appelle par cette raison, prologue mixte, μικτός. Voss. instit. poet. lib. II. cap. xxvj.

Ils distinguoient encore les prologues en deux especes ; l’une où l’on n’introduisoit qu’un seul personnage, μονοπρόσωπος ; l’autre où deux acteurs dialoguoient, διπρόσωπος. On trouve de l’une & de l’autre des exemples dans Plaute. Idem ibid.