L’Encyclopédie/1re édition/PROSERPINE

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PROSERPINE, s. m. (Mythologie.) fille de Cérès, femme de Pluton & souveraine des enfers. Pluton ne put l’épouser qu’en l’enlevant à Cérès sa mere.

Les Siciliens célébroient tous les ans l’enlevement de Proserpine par une fête qu’ils mettoient vers le tems de la récolte, & la recherche que fit Cérès de sa fille dans le tems des semailles. Celle-ciduroit dix jours entiers, & l’appareil en étoit éclatant ; mais dans tout le reste, dit Diodore, le peuple assemblé affectoit de se conformer à la simplicité du premier âge. On dit que Jupiter sous la figure d’un dragon eut commerce avec Proserpine sa propre fille ; de-là vient que dans les mysteres sabasiens, on faisoit entrer un serpent qui se glissoit sur le sein de ceux qu’on initioit.

Proserpine étoit la divinité tutélaire de Sardes. Une médaille qui paroît avoir été frappée sous le regne de Gordien Pie, représente du côté de la tête une femme couronnée de tours, avec la légende ϹΑΡΔΙϹ ; & au revers la figure de Proserpine. On voit la même déesse représentée sur une médaille du cabinet de M. Pellerin, avec la légende ϹΑΡΔΙΑΝΩΝ Β. ΝΕΩΚΟΡΩΝ ; de l’autre côté, une tête de femme couronnée de tours & voilée, avec le nom ϹΑΡΔΙϹ. La tête de Proserpine sans légende paroît sur deux médailles du cabinet du roi, & au revers une massue dans une couronne de feuilles de chêne avec le nom ϹΑΡΔΙΑΝΩΝ. L’enlevement de cette déesse par Pluton est représenté sur plusieurs autres médailles. Enfin les médailles frappées sous les Antonins, pour constater l’ΟΜΟΝΟΙΑ de cette ville avec Ephese, représentent Proserpine d’un côté, & Diane éphésienne de l’autre.

Les jeux ΚΟΡΑΙΑ, célébrés à Sardes en l’honneur de cette déesse tutélaire de leur ville, sont marqués sur deux médailles très-rares du cabinet de M. Pellerin, frappées sous Caracalla. Elles représentent d’un côté la tête de l’empereur couronnée de laurier avec la légende ΑΥΤ. Κ. Μ. ΑΥΡ. ϹΕ..... ΑΝΤΟΝΕΙΝΟϹ ; au revers Proserpine assise, ayant à droite un pavot, & à gauche un épi, légende ΕΠΙ ΑΝ. ΡΟΥΦΟΥ ΑΡΧ. Α. ΤΟ. Γ... dans le champ ; ΚΟΡΑΙΑ. ΑΚΤΙΑ sur une base, & au-dessous ϹΑΡΔΙΑΝΩΝ ΔΙϹ ΝΕΩΚΟΡΩΝ.

Les fêtes de Proserpine sont appellées ΚΟΡΕΙΑ par le scholastique de Pindare, par Plutarque & par Hésychius, dont Meursius cite les témoignages. Les Sardiens célébroient les jeux actiaques, ΚΟΡΑΙΑ ΑΚΤΙΑ, en l’honneur de Proserpine.

Dans les sacrifices qu’on offroit à cette déesse, on lui immoloit toujours des vaches noires ; le pavot étoit son symbole. Les Gaulois regardoient Proserpine comme leur mere, & lui avoient bâti des temples. Claudien, poëte latin, qui vivoit sous l’empire de Théodose, a donné un poëme sur le ravissement de Proserpine.

On sait que la plûpart des mythologues regardent cet enlevement comme une allégorie qui a rapport à l’agriculture. Selon eux, Proserpine est la vertu des semences cachées dans la terre ; Pluton est le soleil qui fait son cours au-dessous de la terre au solstice d’hiver. Le grain qu’on jette dans le sein de la terre, & qui, après y avoir demeuré environ six mois, en sort par la moisson ; c’est Proserpine qui est six mois sur la terre & six mois aux enfers. D’anciens historiens croient que Proserpine, fille de Cérès, reine de Sicile, fut réellement enlevée par Pluton ou Aidonée, roi d’Epire, parce qu’elle lui avoit été refusée par sa mere.

Au reste, le peuple croyoit que personne ne pouvoit mourir que Proserpine par soi-même, ou par le ministere d’Atropos, ne lui eût coupé un certain cheveu dont dépendoit la vie des hommes. C’est ainsi que Didon, dans Virgile, après s’être percé le sein, ne pouvoit mourir, parce que Proserpine ne lui avoit pas encore coupé le cheveu fatal, & ne l’avoit pas encore condamnée à descendre aux enfers.

Nondum illi flavum Proserpina vertice crinem
Abstulerat, stygioque caput damnaverat orco.

(D. J.)