L’Encyclopédie/1re édition/PROTECTION

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PROTECTION, (Droit naturel & politique.) les hommes ne se sont soumis à des souverains que pour être plus heureux ; ils ont senti que tant que chaque individu demeureroit isolé, il seroit exposé à devenir la proie d’un homme plus fort que lui, que ses possessions seroient sujettes à la violence & à l’usurpation. La vue de ces inconvéniens détermina les hommes à former des sociétés, afin que toutes les forces & les volontés des particuliers fussent réunies par des liens communs. Ces sociétés se sont choisi des chefs qui devinrent les dépositaires des forces de tous, & on leur donna le droit de les employer pour l’avantage & la protection de tous & de chacun en particulier. On yoit donc que les souverains ne peuvent se dispenser de protéger leurs sujets, c’est une des principales conditions sous laquelle ils se sont soumis à eux. Ceux qui ont écrit sur le droit public ont regardé la protection que les princes doivent à leurs sujets comme un devoir si essentiel, qu’ils n’ont point fait difficulté de dire que le défaut de protection rompoit le lien qui unit les sujets à leurs maîtres, & que les premiers rentroient alors dans le droit de se retirer de la société dont ils avoient été jusqu’alors les membres.

Les habitans de la Grande-Bretagne soumis depuis plusieurs siecles aux Romains, ont pu légitimement se choisir de nouveaux maîtres, dès lors qu’ils virent que leurs anciens souverains n’avoient ni le pouvoir, ni la volonté de les protéger contre leurs ennemis.

Ce n’est point seulement contre les ennemis du dehors que les souverains sont tenus de protéger leurs sujets, ils doivent encore reprimer les entreprises de leurs ministres & des hommes puissans qui peuvent les opprimer.

Quelquefois des états libres, sans renoncer à leur indépendance, se mettent sous la protection d’un état plus puissant ; cette démarche est très-délicate, & l’expérience prouve que souvent elle est dangereuse pour les protégés, qui peu-à-peu perdent la liberté qu’ils cherchoient à s’assurer.