L’Encyclopédie/1re édition/QUESTEUR

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QUESTEUR, (Hist. rom.) Les questeurs chez les Romains, étoient des receveurs généraux des finances ; leur ministere étoit de veiller sur le recouvrement des deniers publics, & sur les malversations que les triumvirs, appellés capitales, furent obligés d’examiner dans la suite. Le nom de questeur étoit tiré de la fonction attachée à cette charge.

Il y avoit trois sortes de questeurs : les premiers s’appelloient questeurs de la ville, urbani, ou intendans des deniers publics, questores ærarii : les seconds étoient les questeurs des provinces, ou questeurs militaires ; les troisiemes enfin étoient les questeurs des parricides, & des autres crimes capitaux. Il ne s’agit point ici de ces derniers, qui n’avoient rien de commun avec les autres.

L’origine des questeurs paroît fort ancienne, ils furent peut-être établis dès le tems de Romulus, ou de Numa, ou au-moins sous Tullus Hostilius. C’étoit les rois mêmes qui les choisissoient. Tacite, ann. 11. c. xxij. dit que les consuls se réserverent le droit de créer des questeurs, jusqu’à l’an 307. D’autres prétendent, qu’aussi tôt après l’expulsion des rois, le peuple élut deux questeurs ou trésoriers, pour avoir l’intendance du trésor public. L’an de Rome 333, il fut permis de les tirer de l’ordre plébéien, & on en ajouta deux autres, pour suivre les consuls à la guerre, c’étoit des intendans d’armées. L’an 488 toute l’Italie étant soumise, on créa quatre questeurs pour recevoir les revenus de la république, dans les quatre régions d’Italie ; savoir, celles d’Ostie, de Calene, d’Umbrie & de Calabre.

Sylla en augmenta le nombre jusqu’à vingt, & Jules-César, jusqu’à quarante, afin de récompenser ses amis, c’est-à-dire, de les enrichir en appauvrissant les peuples. Une partie de ces questeurs étoit nommée par l’empereur, & l’autre partie par le peuple. Sous les autres empereurs leur nombre ne fut point fixé. De tous ces questeurs, il n’y en avoit que deux pour la ville, & pour la garde du trésor public, les autres étoient pour les provinces & les armées.

Le principal devoir des questeurs de la ville étoit de veiller sur le trésor public, qui étoit dans le temple de Saturne, parce que sous le regne de Saturne, dans l’âge d’or, on ne connoissoit ni l’avarice, ni la mauvaise foi, & de faire le compte de la recette & de la dépense des deniers publics. Ils avoient aussi sous leur garde les loix & les sénatus consulte. Jules-César, à qui les sacrileges ne coutoient rien, rompit les portes du temple de Saturne ; & malgré les efforts de Métellus, il prit dans le trésor public, tout l’argent qui y étoit déposé. Cet événement de la guerre civile des Romains est peint par Lucain avec les couleurs dignes du poëte, & qui n’ont pas été flétries par le traducteur.

Lorsque les consuls partoient pour quelque expédition militaire, les questeurs leur envoyoient les enseignes qu’ils tiroient du trésor public. Le butin pris sur les ennemis, & les biens des citoyens condamnés pour quelque crime leur étoit remis, pour les faire vendre à l’encan. C’étoient eux qui recevoient d’abord les ambassadeurs des nations étrangeres, qui les conduisoient à l’audience, & leur assignoient un logement.

Outre cela, les généraux en revenant de l’armée juroient devant eux, qu’ils avoient mandé au sénat, le nombre véritable des ennemis & des citoyens tués, afin qu’on pût juger s’ils méritoient les honneurs du triomphe, ils avoient aussi sous eux des greffiers sur lesquels ils avoient jurisdiction.

Les questeurs des provinces étoient obligés d’accompagner les consuls & les préteurs dans les provinces, afin de fournir des vivres & de l’argent aux troupes, ils devoient aussi faire payer la capitation & les impôts ; les impôts étoient invariables, mais la capitation n’étoit pas fixe. Ils avoient soin du recouvrement des blés dûs à la république, & de faire vendre les dépouilles des ennemis, ils ne manquoient pas d’envoyer un compte exact de tout cela au trésor public. Ils examinoient aussi, s’ils n’étoit rien dû à l’état. Enfin, ils gardoient en dépôt auprès des enseignes, l’argent des soldats, & ils exerçoient la jurisdiction que les généraux d’armées & les gouverneurs des provinces vouloient bien leur donner. S’il arrivoit que les gouverneurs partissent avant d’être remplacés, les questeurs faisoient leurs fonctions jusqu’à l’arrivée du successeur. Il y avoit ordinairement une si étroite liaison entre le questeur & le gouverneur, que celui-ci servoit en quelque façon de pere à l’autre : si le questeur venoit à mourir, le gouverneur, en attendant la nomination de Rome, faisoit exercer l’emploi par quelqu’un : celui-ci s’appelloit proquesteur.

Le questeur de la ville n’avoit ni licteur, ni messager, viatorem, parce qu’il n’avoit pas droit de citer en jugement, ni faire arrêter qui que ce fût, quoiqu’il eût celui d’assembler le peuple pour le haranguer. Les questeurs des provinces, au contraire, paroissent avoir eu leurs licteurs, au-moins dans l’absence du préteur. La questure étoit le premier degré pour parvenir aux honneurs ; la fidelité de la questure, la magnificence de l’édilité, l’exactitude & l’intégrité de la préture, frayoient un chemin sûr au consulat.

On ne pouvoit être questeur qu’à l’âge de vingt-cinq ans, & lorsqu’on avoit exercé cette charge, on pouvoit venir dans le sénat, quoique l’on ne fût pas encore sénateur. Elle fut abolie & rétablie plusieurs fois sous les empereurs. Auguste créa deux préteurs pour avoir soin du trésor public, mais l’empereur Claude rendit cette fonction aux questeurs, qui l’étoient pendant trois ans. Dans la suite, ou établit une autre espece de questeurs, qu’on appella candidats du prince. Leur fonction étoit de lire les ordres de l’empereur dans le sénat. Après eux vinrent les questeurs du palais, charge qui se rapporte à celle de chancelier parmi nous, & à celle de grand logothete sous les empereurs de Constantinople. (D. J.)

Questeur nocturne, (Hist. nat.) les questeurs nocturnes étoient à Rome de petits magistrats inférieurs ordinaires, chargés de prendre garde aux incendies, & qui, durant la nuit faisoient la ronde dans tous les quartiers.

Questeur du parricide, (Hist. rom.) magistrat particulier que le peuple nommoit, & auquel il donnoit la puissance de connoître du parricide & autres crimes qui seroient commis dans Rome ; parce qu’auparavant, il étoit défendu aux consuls de juger de leur chef aucun citoyen romain ; cependant, comme les mœurs multiplioient journellement les crimes, le peuple vit de lui-même la nécessité de remédier, en revétant un magistrat de cette autorité ; la même chose s’exécuta pour les provinces, & l’on appella quæsitores, inquisiteurs, les prêteurs qui furent chargés de cette commission. La loi premiere, §. 23. de origine juris, nous apprend l’origine de ce commissaire, qu’on appella questeur du parricide. Mais il faut savoir que ce questeur nommoit un juge de la question, c’est-à-dire du crime, lequel tiroit au sort d’autres juges, formoit le tribunal, & présidoit sous lui au jugement.

Il est encore bon de faire remarquer ici la part que prenoit le sénat dans la nomination de ce questeur du parricide, afin que l’on voie comment les puissances étoient à cet égard balancées. Quelquefois le sénat faisoit élire un dictateur, pour faire la fonction de questeur, quelquefois il ordonnoit que le peuple seroit convoqué par un tribun, pour qu’il nommât le questeur ; enfin, le peuple nommoit quelquefois un magistrat, pour faire son rapport au sénateur sur certain crime, & lui demander qu’il donnât le questeur, comme on voit dans le jugement de Lucius Scipion, dans Tite-Live. Lib. VIII. (D. J.)

Questeur du sacré palais, (Hist. du bas-Emp.) l’une des premieres dignités sous les empereurs de Constantinople. C’étoit le questeur qui souscrivoit les rescripts de l’empereur & les réponses aux requêtes & aux suppliques qu’on lui présentoit. Il dressoit aussi les lois, & les constitutions que l’empereur trouvoit à-propos de publier. Quelques-uns comparent les fonctions de cet emploi à celles de nos chanceliers : c’étoit ordinairement un jurisconsulte qu’on honoroit de cette charge, parce qu’il devoit connoître les lois de l’empire, les dicter, les faire exécuter, & juger des causes qu’on portoit par appel devant l’empereur. Constantin est le premier qui ait fait un questeur du sacré palais. (D. J.)